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Charte européenne des femmes dans la cité

 

Etude réalisée en 1994 -1995 avec le soutien de la Commission Européenne

 La charte a été traduite en 12 langues dont le russe, le finnois, l'arabe et le chinois.

ici en 8 langues

 

 FR - EN - SP - PT - IT - NL - DE - FI

Français / English / Español / Português /I taliano / Nederlands / Deutsch / Suomalainen

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Projet soutenu par la Commission Européenne en 1994

Study supported by the European Commission in 1994
Coordination: Roland Mayerl  Email: lreyam@gmail.com
(Créateur du site www.habiter-autrement.org)

Groupe de travail / Working group :

BELGIQUE: City & Shelter  - Roland Mayerl (coordonateur)
FRANCE: Groupe Cadre de Vie  -  Monique Minaca
GERMANY: Fopa - Dortmund  - Ursula Heiler
GREECE: Praxis - Annie Vrychea
THE NETHERLANDS: Seirov- Nirov - Liesbeth Ottes

Comité Scientifique / Scientific committee :

BELGIUM: Eliane Gubin
CANADA/QUEBEC: Odette Isabel
FRANCE: Jacqueline Coutras
GREECE: Dina Vaiou
ITALY: Bianca Beccali
NORWAY: Alice Reite

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De la Charte de 1993 aux années 2000 par Monique Minaca

La Charte Européenne des femmes dans la Cité - Pour un droit de cité des femmes - Groupe Cadre de Vie - France
https://www.globenet.org/archives/web/2006/www.globenet.org/horizon-local/cadre/cite.html 

 

Version PDF : https://www.erudit.org/fr/revues/rf/1997-v10-n2-rf1656/057941ar.pdf

Charte-europeenne-des-femmes-dans-la-cite-Explications-Monique-Minaca-1997 (pdf-26p-8863ko)

 

Introduction
Les travaux de la Charte Européenne des Femmes dans la Cité ci-dessous présentés, s'inscrivent dans un mouvement général qui prévaut aujourd'hui, celui de donner plus de pouvoir et d'influence aux femmes. En effet, depuis les années 1990 les féministes ont entrepris en Europe comme dans le continent Nord américain et comme partout dans le monde sous des formes diverses, une nouvelle étape de réflexion et d'action, celle de s'interroger et de comprendre un fait majeur : le manque de femmes dans les postes de décision dans la vie publique, les entreprises et la vie politique et de s'interroger alors sur les raisons mais aussi sur les conséquences de cette situation.

En vue de changer cet état de fait, l'objet est d'agir pour faire évoluer positivement la situation. Certes, les pays du Nord de l'Europe comme l'Islande, la Norvège, la Finlande, la Suède et pour une moindre part le Danemark où les femmes se sont investies dans des stratégies qui ont permis d'atteindre pratiquement l'égalité entre les hommes et les femmes dans les parlements, donnent l'exemple.

 

Ainsi, les domaines de l'aménagement et de l'urbanisme ne devaient pas être oubliés alors que précisément ils structurent la vie quotidienne de l'ensemble des populations et constituent le creuset ou le révélateur privilégié du manque d'égalité entre les hommes et les femmes qui s'inscrit alors d'une manière tangible dans l'organisation même de l'espace de la ville ou de la cité au sens grec du terme. La réflexion dans ces domaines ne s'arrête pas seulement à compter le nombre de femmes en poste de décision mais surtout à considérer les implications de ce manque et plus encore à comprendre les subtiles configurations de réflexes qui font que les villes traduisent des valeurs plutôt masculines. Ces thèmes sont d'autant plus importants à aborder d'une manière constructive qu'ils ont déjà fait l'objet depuis des décennies de nombreuses publications, de travaux importants de recherches et aussi d'expérimentation et d'actions positives. La première étape d'approche et de travail a été d'investir les instances européennes nouvellement créées et de les interpeller sur les villes et les femmes.

Les femmes ont-elles réellement droit de cité et comment pourraient-elles l'obtenir pleinement? sont donc les questions essentielles traitées dans les travaux de la Charte des Femmes dans la Cité. Afin de conduire des échanges transnationaux sur les recherches, études, réflexions et actions déjà engagées sur un sujet si vaste au sein des universités et des diverses instances dans chacun des pays de l'Europe et en particulier parmi les douze puis quinze pays de l'Union européenne, il était nécessaire de saisir l'Unité pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes au sein de la Commission européenne afin de faire entrer ce sujet et cette problématique dans un de ses programmes officiels. Ainsi, à l'initiative d'associations et d'expertes très motivées de plusieurs pays, qui ont déclaré vouloir travailler ensemble, ce thème a été proposé et introduit dans un programme européen dont l'axe majeur était"les femmes dans la prise de décision". Les travaux de la Charte Européenne des Femmes dans la Cité sont le fruit de cette action commencée en 1993, qui s'est poursuivie jusqu'à maintenant et sera probablement prolongée jusqu'à l'an 2000. Précisons qu'il est également possible et encouragé de développer en dehors de l'Union européenne cette même dynamique, tout le temps que des associations seront motivées et/ou des instances de recherches, tout comme des villes impliquées au même principe de travail, c'est à dire élaborer des échanges de connaissances et créer une dynamique urbaine avec l'expertise des femmes. Ceci est l'axe majeur de nos travaux
 

Historique, fonctionnement et Identité
Le fonctionnement en partenariat transnational est imposé pour toute action et travaux d'études et de recherches acceptés au sein d'un programme européen, afin de pouvoir disposer d'une aide financière partielle de la Commission européenne pour mener à bien les travaux envisagés en communs. L'autre part du financement doit être trouvé, il peut provenir des associations porteuses de projet ou d'organismes qui appuient le projet dans chacun des pays des expertes coéquipières. Le partenariat s'établit pour une année au terme de laquelle les résultats des travaux sont impérativement remis dans un rapport établi par le/la mandataire de l'équipe avec les contributions de l'ensemble des partenaires. Le cadre de travail est très strict et rigoureux. L'association mandataire de l'équipe d'expert-es est souvent celle qui se trouve basée à Bruxelles pour faciliter les contacts avec les instances responsables de la Commission européenne qui s'y trouvent aussi.

Les expert-es peuvent proposer une nouvelle étape de travail pour l'année suivante avec les mêmes expertes ou une nouvelle équipe mais la proposition de travaux doit impérativement satisfaire et cadrer dans la ligne précise d'un programme européen pour être acceptée et soutenue. Ce qui fut fait à plusieurs reprises pour les travaux de la charte et son suivi actuel de 1993 à 1997 compris.

En conclusion, en ce qui concerne les travaux relatifs à l'élaboration et au suivi de la charte, la dynamique a été impulsée et maintenue par certaines des expertes impliquées et les associations qui les portent mais cette dynamique a largement été soutenue par les responsables fonctionnaires du programme porteur de la Commission européenne, qui ont reconnues la valeur et l'importance du travail et permis de prolonger sur une longue période l'évolution des travaux dont les différentes étapes sont les suivantes :

> 1ère étape- 1993 •Une phase d'enquête en Europe pour établir un état des lieux

> 2ème étape- 1994 •L'élaboration des travaux, la conception et l'écriture de la charte

> 3ème étape- 1995-1996 •La diffusion de la charte en Europe et à l'International et la constitution d'un réseau ouvert

> 4ème étape- 1997- 2000 •Un projet-programme URBANA en phase d'application de la charte au cœur des villes, à partir des quartiers.

Les deux premières étapes sont classées comme recherches-actions, la troisième est une phase de dissémination et la dernière est une phase d'action bien qu'il soit prévu de l'accompagner d'un travail d'évaluation et d'élaboration de documents de formation et d'initiation.

Une enquête en Europe, état des lieux sur: les modes de prise de décision entre le hommes et le femmes en matière d'espace urbain et d'habitat.

En 1993, un premier travail de départ a été réalisé en Europe, mené par six associations dans six pays de l'Union européenne : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, la Grande Bretagne et la Grèce . Le même questionnaire a été adressé aux écoles ou instituts d'architecture et des interviews d'enseignant-es et de professionnel-les ont été réalisées dans chacun des pays mais aussi à 43 écoles d'architecture par l'intermédiaire du réseau de l'AEEA (Association Européenne pour l'Enseignement de l'Architecture) situées dans les pays suivants: 3 écoles en Tchéquie et Slovaquie, 3 en Finlande, 1 en Irlande, 1 en Israël, 3 en Italie, 2 à Malte, 3 aux Pays Bas, 2 en Norvège, 2 en Pologne, 12 en Espagne, 3 en Suède, 3 en Suisse, 2 en Turquie. Il y a eu très peu de réponse en retour de la part de ces différents pays.

Le rapport dressait un état des lieux sur les modes de prise de décision entre les hommes et les femmes en matière d'espace urbain et d'habitat. Il montrait qu'à peu près partout la situation n'était pas satisfaisante dans la mesure où l'implication des femmes dans les décisions du secteur de l'aménagement urbain était faible, voire inexistante. D'autre part, bien que le nombre des diplômées architectes soient aujourd'hui pratiquement égal aux diplômés dans les différents pays, elles n'étaient pas traitées à égalité sur le plan professionnel. Elles étaient moins bien payées, plus vite mises au chômage, ne pouvaient prétendre aux tâches les plus valorisantes comme la conception des projets et la gestion des chantiers, surtout dans les couples d'architectes où les hommes s'arrogeaient les rôles positifs de mise en relation avec les acteurs extérieurs et les femmes devaient se cantonner aux tâches de gestion de l'agence commune, reproduisant ainsi les modèles familiaux classiques dans la distribution des rôles. Les femmes urbanistes ou ingénieures n'avaient pas un sort meilleur.

En outre, dans les sphères de décision, la ville était toujours conçue sur les mêmes principes et il n'était pas tenu compte des souhaits des femmes d'autant qu'elles n'étaient guère appelées à donner leur avis et lorsqu'elles s'exprimaient, il y avait peu d'écoute aux thèmes qu'elles évoquaient. Si bien qu'en ce qui concerne les femmes et "leur plein droit de cité", dans ces différents pays, la situation a peu évoluée, demeure encore figée, à la fois dans l'enseignement et les diverses politiques de la ville en raison du fait que les divers acteurs et professionnels, principalement masculins, continuent à perpétuer des situations statiques, plutôt archaïques et reproduisent les stéréotypes familiaux. En effet, les évolutions sociales relatives aux femmes sont encore peu prises en compte ou sont encore absentes de la problématique de l'aménagement urbain et de la gestion des villes. Au mieux peut-on observer que le thème de la violence devient émergent et commence à être considéré.

En conclusion du rapport de cette phase d'enquête, 18 actions à mener ont été dégagées pour tenter de combler cette mise à l'écart des femmes, pour faire changer d'attitude les décideurs et techniciens de l'aménagement urbain, créer un courant d'intérêt à propos de l'approche différenciée selon les sexes ou approche par le genre, traductions approximatives de "gender cities". Citons pour exemple certaines d'entre elles: étendre la recherche-action aux six autres pays de l'U.E, réaliser des rencontres internationales pour présenter les résultats de cette recherche-action, organiser conférences et forums de sensibilisation auprès des organismes européens et internationaux d'architectes, réaliser des films vidéo - Femmes et Villes qui stigmatisent les stéréotypes et mettent en valeurs les acquis et les expériences Nord américaines et autres, réaliser un concours d'idées auprès des jeunes architectes, faire une exposition itinérante en appui de séminaires et colloques dans les municipalités, réaliser des actions en faveur des enseignantes et chercheuses dans les domaines du cadre de vie, etc...; faire des interventions ciblées dans la presse féminine et familiale et dans la presse professionnelle du bâtiment, intervenir auprès des décideurs politiques, réaliser des réseaux d'échanges avec les pays du Nord comme du Sud, établir des liens avec diverses organisations pour les sensibiliser à la dimension du genre, réaliser un bulletin d'information bisannuel avec un engagement d'échanges des partenaires sur cinq ans, réaliser un guide d'obtention d'aides financières pour aider les femmes et les associations à s'organiser sur ces thèmes, écrire une charte des droits des femmes dans la cité, élaborer un cahier de recommandations accompagnant la charte, publier et diffuser la charte et un cahier d'actions positives avec les coordonnées des personnes ressources. L'élaboration d'une charte fut choisie, d'autant qu'elle permettait d'inclure en grande partie les autres propositions faites, soit dans le corps même de la charte, soit au cours des étapes suivantes.

 

La Charte Européenne des Femmes dans la Cité

partenaires et spécificité

En 1994, une nouvelle équipe d'expert-e-s européennes s'est constituée à partir d'associations motivées pour réaliser cette nouvelle recherche-action collective. Cette fois, cinq pays de l'Union européenne se sont engagés : l'Allemagne, la Belgique, la France, la Grèce et les Pays Bas.

Parce qu'elle est une recherche-action la Charte établit d'essentiels relais en permettant d'articuler le monde de la recherche avec celui de la praxis. C'est en cela que sa diffusion active a pris tout son sens, comme instrument de liaison, de réflexion et d'action. Ainsi la Charte conçue comme un travail fédérateur et évolutif, joue t'elle de multiples rôles, elle rassemble des connaissances jusque là dispersées, dévoile une problématique et propose dans un texte fédérateur de départ, une méthode concrète qui, par une approche ouverte et holistique, peut permettre de focaliser l'attention sur la prise en compte des femmes dans les domaines de l'aménagement urbain et la conception des villes. Par ailleurs, elle s'inscrit dans le mouvement actuel et porteur de la démocratisation des décisions. L'enjeu est d'entraîner une dynamique propre à débloquer la situation actuelle, car rappelons-le dans le secteur de l'urbanisme, les aspirations et la présence des femmes sont particulièrement niées.

Pourquoi une Charte des Femmes dans la Cité?

Objectifs

Plusieurs facteurs sont à mettre en lumière d'ordre stratégique, symbolique et pratique afin de promouvoir une nouvelle philosophie d'approche en urbanisme où les femmes auraient pleinement " droit de cité".

En premier lieu, pour contrer "l'invisibilité" persistante des femmes, il devenait indispensable de réagir stratégiquement pour débloquer la situation actuelle, permettre une meilleure prise de conscience, accélérer le processus d'évolution pour faire changer d'état d'esprit toutes les personnes concernées par l'aménagement des cités ou des lieux de vie et faire pénétrer plus vite les connaissances issues des études féministes encore trop invisibles ou marginalisées, elles aussi. Le choix a été fait de promouvoir un document d'appui pouvant servir de point de départ et de base commune de travail, c'est à dire un document qui reprenne les thèmes urbains essentiels mais avec l'approche des femmes. Ainsi est né le projet d'écrire une charte spécifique aux femmes.

Sur le plan de la symbolique, il semblait également essentiel que les femmes s'autorisent "à écrire l'espace", c'est à dire qu'elles s'approprient le thème important de l'avenir de la cité pour penser la ville, exprimer et réaliser leurs idées forces. En effet, bâtir un texte commun et fédérateur semblait indispensable pour dégager et stimuler une dynamique de réflexion et d'action qui exprime une autre la philosophie d'aménagement urbain . Il importait aussi que la Charte puisse être envisagée comme un outil, une démarche permanente, ouverte et évolutive afin de permettre d'une part l'adaptation aux différents contextes nationaux ou locaux et d'autre part donner la possibilité de se concentrer sur un flux d'améliorations et d'apports nouveaux au fil du temps et développer ainsi un processus d'actions communes et de partage que l'on peut appeler : bâtir ensemble dans la durée. Il importe aussi que ce mouvement soit également bien identifié et reconnu par tous, donc par les hommes et qu'ils adhèrent aux arguments avant d'adhérer à la démarche.

D'autre part, le contexte actuel montre des tendances régressives certaines dans nos sociétés, ainsi les acquis que les femmes ont patiemment obtenus grâce aux luttes féministes semblent menacés. Ces attaques régressives sont d'ailleurs clairement apparues lors des conférences internationales de l'ONU et en particulier à celle du Caire sur la population en 1994, à celle de Pékin concernant les femmes en 1995 et lors d'Habitat II "Sommet des Villes" concernant les établissements humains à Istanbul en 1996. Ce front de résistance très organisé contre les avancées des femmes dévoile la présence constante de lobbies très puissants. Pour faire face fermement à ces formes possibles de régression de nos sociétés, les femmes doivent montrer qu'elles ont une forte cohésion et une véritable force de proposition pour rendre bien visible leur détermination d'aller de l'avant vers l'égalité dans tous les domaines, celui encore trop inexploré de l'aménagement des villes est un très puissant levier pour engager une nouvelle étape d'action féministe.

En effet, imprimer les initiatives des femmes au cœur de la ville prend un caractère hautement symbolique car comme l'a constaté et écrit la philosophe Annah Arendt :

"la ville est une mémoire organisée"
mais "les femmes sont les oubliées de l'histoire"


Si les femmes sont encore pas ou peu présentes dans la conception et la gestion des villes, il importe maintenant qu'elles participent au débat sur les villes du 21ème siècle et qu'elles puissent pleinement imprimer leurs objectifs dans l'organisation même des villes de demain. En fait, marquer l'espace de leurs intentions est sans doute pour les femmes, une manière irréversible de franchir des étapes décisives et de se faire reconnaître comme actrices de la vie civile et politique désormais incontournables. D'autant que les villes sont contraintes d'évoluer, elles doivent faire face à leur croissance et résoudre de multiples problèmes pour apporter une meilleure qualité de vie aux différents types d'habitants. La démarche proposée par la Charte des Femmes dans la Cité est de donner un nouveau sens à cette évolution qualitative: celui de prendre en compte démocratiquement les aspirations des populations et des femmes en particulier.
 

 

Philosophie de la charte
la Cité, la Citoyenneté et le Genre

 

L'implication des femmes comme la reconnaissance de leur expertise de la vie quotidienne notamment réellement prise en compte dans la conception, l'organisation et la gestion de la cité deviendrait de fait et d'une manière tangible l'expression même de la citoyenneté pleine et entière des femmes, telle que sans doute, les parties prenantes qui défendent la parité entre les hommes et les femmes dans la politique, peuvent l'espérer. On peut s'autoriser à faire l'hypothèse que cette démarche est une étape démocratique décisive apte à améliorer la qualité de vie de toutes comme de tous.

1- Capitaliser et diffuser un flux de connaissances féministes
Pour l'essentiel, le charte rassemble et capitalise un ensemble de travaux menés, au cours de ces dernières années, par des universités, des organisations non gouvernementales, des instances internationales ou européennes. En effet, beaucoup de recherches et de travaux existaient d'une manière sectorielle sur le thème des femmes en relation avec la ville. Cependant, ces divers travaux étaient insuffisamment repérés, diffusés, connus pour fructifier pleinement car ils n'étaient guère reconnus que par une petite communauté d'initiées ou de personnes motivées. Il semblait donc utile de franchir une étape pour les rendre à la fois plus visibles, plus accessibles, pouvoir développer et mettre toutes ces connaissances en valeur et surtout en synergie les unes avec les autres. Schématiquement, le but est de tenter de faire pénétrer le savoir jusqu'à la création de nouveaux savoir-faire, par une démarche volontaire et active pour accélérer le processus. L'objectif est à la fois de promouvoir de nouvelles méthodes, de nouveaux contenus de travail et d'accéder, dans un mouvement itératif, à un flux d'échanges d'expériences et de pratiques concrètes.

 

2-Développer et articuler deux paradigmes :

l'approche différenciée selon les sexes et la démocratie paritaire
Une des idées forces de la charte est de faire de la prise en compte de la dimension du genre ou approche différenciée selon les sexes, un élément scientifique, novateur et incontournable afin qu'il devienne le fil conducteur privilégié de la redynamisation des méthodes de travail dans les domaines de l'urbanisme et de l'aménagement des villes, capables de susciter un débat neuf, de briser les stéréotypes mais surtout de faire apparaître d'autres choix envisageables en matière de conception et de gestion de la cité. En fait, l'optimum à atteindre est que l'approche par le genre devienne la source d'une nouvelle culture partagée et participe à l'élaboration d'une nouvelle philosophie en matière d'aménagement et d'urbanisme.

Notons qu'actuellement, grâce à la mobilisation des femmes, les textes internationaux de référence établis lors des dernières conférences de l'ONU, sont souvent en avance avec le concept de "gender cities" sur les pratiques réelles de la plupart des Etats à ce sujet, sauf exception bien sûr et le Canada semble être parmi les pays les plus avancés à ce sujet.

Il convenait aussi de relier cette démarche primordiale avec un nouveau concept : celui de la parité dans la prise de décision entre les femmes et les hommes, pour donner du corps au principe même de parité. En effet, s'il est pleinement légitime de promouvoir des femmes à égalité avec les hommes dans les instances de pouvoir et de décision, une autre forme de question et d'exigence surgit généralement chez les sceptiques : pour quoi faire? Faire la même chose que les hommes, prolonger les mêmes pratiques de décision ou bien tenter de développer une autre approche nourrie de contenus novateurs? mais lesquels? En fait, les femmes démontrent que l'arrivée au pouvoir de décision n'est pas vraiment une fin en soi pour elles, mais davantage un moyen pour changer et faire autrement de la politique et/ou tenter de réaliser un projet de société. Il n'est peut être pas inutile de pouvoir s'adosser à un nouveau concept d'approche par le genre en référence pour mener des actions en urbanisme et de trouver une charte d'appui pour travailler dans ce sens, pour l'avenir des villes et la reconnaissance des femmes dans la vie publique! N'est-ce pas le rôle de la recherche de construire quelques nouveaux savoir et d'alimenter la réflexion pour guider les pratiques et les expériences nouvelles?

 

3- Intégrer le développement soutenable

La préoccupation du développement soutenable devient désormais majeur et incontournable pour envisager l'avenir des cités. Il apparaît bien que les femmes sont particulièrement sensibles à la responsabilité des décisions prises et à leurs conséquences vis à vis des générations futures. Elles l'ont démontré avec une réelle clairvoyance lors du Sommet de la Terre à la Conférence internationale de l'ONU à Rio en 1992. Elles s'inscrivent dans une philosophie d'écologie sociale particulièrement novatrice et fructueuse apte à développer une meilleure qualité de vie pour tous et toutes. En outre, les femmes manifestent souvent des exigences qualitatives précises et sont très vigilantes à dénoncer les effets négatifs des mauvaises conceptions de produits comme des équipements. Elles dénoncent aussi le choix de politique agressive et belliqueuse, ainsi sont-elles les plus nombreuses à s'engager et à militer contre l'énergie nucléaire par exemple ou les politiques d'armements. Notons qu'il existe un réel mouvement d'éco féminisme dont les réflexions méritent d'être connues et prises en compte, ce que la Charte des Femmes dans la Cité s'est appliquée à faire.

 

4- La vie quotidienne comme base privilégiée de travail
Actuellement, la tendance pour de nombreux experts en urbanisme est de délaisser les théories qui s'avèrent toutes obsolètes ou inadaptées, trop éloignées des réalités actuelles pour privilégier un ressourcement plus pragmatique en allant réétudier les phénomènes urbains au plus près de la vie des gens. Dans ce mouvement salutaire de ressourcement, la charte propose d'aller plus loin dans ce sens et de travailler depuis l'analyse du cadre de vie quotidien mais principalement à travers l'expertise qu'en ont les femmes. En effet, si repartir du terrain, depuis la base et la vie des gens permet de mieux comprendre, d'actualiser et de mettre à jour de nouvelles connaissances, c'est manifestement vers les femmes qu'il convient de s'appliquer à s'informer en profondeur pour avoir quelques chances de trouver des pistes intéressantes à explorer. D'autant que si les femmes représentent 50% de la population, elles ont été jusqu'à maintenant très négligées dans les enquêtes et les investigations en matière urbaine, elles constituent donc le potentiel le plus large et le plus neuf du renouvellement des idées car encore inexploré. D'autre part, les modes de vie ont changé et ce sont les femmes qui en sont les principales actrices et c'est précisément au cœur de la vie quotidienne qu'il est possible de saisir tous les enseignements de ces évolutions sociales majeures sur lesquels vont reposer les solutions de demain. La charte propose que la vie quotidienne étudiée à travers l'expertise des femmes devienne un enjeu politique.
 

5- Adopter une démarche holistique pour comprendre et agir
En outre, si depuis des décennies la méthode privilégiée en urbanisme comme en architecture, a été de séparer les différents problèmes et d'isoler les unes des autres les différentes fonctions, certes pour mieux les identifier dans un système complexe, mais force est de constater que des dysfonctionnements graves sont apparus qui font aujourd'hui la trame de la crise urbaine et d'une problématique difficile à résoudre pour l'avenir des villes. N'est-il pas temps de changer de méthode pour dépasser les blocages actuels ? Il y a quelques années on aurait parlé d'approche systémique, aujourd'hui l'approche dite holistique semble plus apte à mieux saisir et comprendre les imbrications et surtout à percevoir les interrelations des différentes fonctions et dimensions urbaines et leurs implications au cœur même de la vie des habitant-es qui aujourd'hui sont en attente d'une meilleure qualité de vie. Les femmes sont souvent confrontés à la nécessité de résoudre une infinité de problèmes quotidiens, ne serait ce que pour concilier travail extérieur, gestion de la famille et travaux domestiques à part entière. Elles ont jonglé avec le temps mais aussi développé une solide approche transversale des problèmes, très précieuse aujourd'hui pour aborder avec une vision novatrice, la complexité. En effet, de nouvelles capacités seront sollicitées et indispensables pour dénouer les fils de l'écheveau inextricable qui compose déjà la trame de la problématique urbaine des villes de demain.

 

Contenus de la charte
un droit de cité pour les femmes

 

La Charte Européenne des Femmes dans la Cité est un document qui rassemble :

• un état des lieux succinct mettant en lumière les principaux dysfonctionnement urbains,

• une déclaration en 12 points,

cinq thèmes majeurs dénommés "une nouvelle lecture de la ville avec l'expertise des femmes" . Ils constituent la colonne vertébrale de la charte structurant l'essentiel des travaux,

un Catalogue d'actions positives comprenant 66 cas pratiques illustrant les thèmes majeurs.

Etat des lieux
L'introduction de la charte décrit très brièvement ce qui fait la crise urbaine et ses principaux dysfonctionnements: pollution, découpage de la ville en zones monofonctionnelles, éloignement entre lieux de vie et de travail, dépérissement de la vie des quartiers, montée de l'insécurité, érosion de la qualité de vie, déséquilibres sociaux dangereux, etc... La charte insiste donc sur la nécessité d'un changement radical, d'un ressourcement des méthodes de travail afin de répondre au défi majeur des villes de remédier aux dysfonctionnements actuels déjà identifiés, mais aussi d'assumer une société devenue plurielle et d'offrir une meilleure qualité de vie avec plus d'égalité et d'équilibre démocratique où les femmes sont partout au cœur du débat potentiel bien qu'elles en soient encore trop absentes pour deux raisons essentielles : elles n'ont pas été assez sollicitées à donner leur avis et sont rarement en situation de force pour infléchir les décisions.

Les 12 points de la déclaration de la Charte

se décomposent en trois familles distinctes :

Construite un vrai droit de cité pour les femmes, est l'objectif des quatre premiers points de la charte qui sont :

  • la citoyenneté active

  • la prise de décision et la démocratie paritaire

  • l'égalité des chances

  • la participation.

Ces différents points visent à rappeler la nécessaire implication des femmes pour toutes les formes de décision et donnent donc un sens clair à cet objectif. Ce sont les points de liaison entre le paradigme de démocratie paritaire et celui de prise en compte de la dimension du genre.

Une nouvelle lecture de la ville avec l'expertise des femmes est illustrée par les cinq thèmes majeurs qui sont : la planification urbaine et l'environnement, les transports et la mobilité, la sécurité urbaine, l'habitat et les services, la stratégie à envisager pour asseoir et assurer l'irréversibilité de la prise en compte des femmes dans une dynamique d'approche différenciée selon les sexes.
Promouvoir l'irréversibilité des acquis est l'axe majeur de la stratégie, elle est développée dans les trois derniers points de la charte qui sont :

  • l'enseignement et l'expérimentation locale

  • le rôle des médias et la transmission des acquis

  • la constitution de réseaux.

Ce sont là les éléments majeurs de la stratégie préconisée pour favoriser l'évolution des mentalités, impulser les facteurs des changements essentiels et tenter de les imprimer durablement au cœur même de la ville.

Les cinq thèmes majeurs de la charte

Une nouvelle lecture de la ville avec l'expertise des femmes
 

Le choix des cinq thèmes de base est né d'un consensus de l'ensemble des expert-e-s de la charte pour travailler en harmonie et dans la continuité avec des travaux déjà élaborés et approfondis antérieurement, développés lors de plusieurs conférences suscitées par le Conseil de l'Europe, l'OCDE, divers séminaires professionnels et rencontres internationales. Les cinq thèmes constituent la charpente de la charte sur laquelle s'articule l'expertise des femmes à propos de leur conception et de leur analyse de la ville.

Chaque thème est traité selon le même plan : les éléments majeurs et la problématique du thème, les critères à prendre en compte, les domaines de recherches à entreprendre ou à poursuivre, les actions à engager, les apports d'autres déclarations ou de textes de fond.

La planification urbaine et l'environnement :
En substance, les éléments de la philosophie développée dans la charte, déjà rapportés et décrits plus haut, se trouvent rassemblés dans cette thématique comme axes de la régénération urbaine; c'est à dire la démocratie paritaire dans les décisions, la prise en compte de la dimension du genre et des rapports socioculturels, l'inversion des décisions de la base vers le haut à partir de la vie quotidienne, la prise en compte du développement soutenable, la détermination des points d'une lecture transversale et qualitative de la ville concernant principalement les autres thèmes majeurs développés dans la charte et décrits ci-après. Par ailleurs, la création de niveaux intermédiaires de décision, comme laboratoire démocratique et lieu de citoyenneté active pour tout le monde, est un concept mis en avant dans ce thème, comme espace concret d'arbitrage entre des intérêts divergents mais aussi terrain d'entente favorable à la construction commune de la décision car les femmes travaillent souvent sur la recherche de solutions alternatives plutôt que d'instituer des rapports de force. L'idée majeure de ce thème est que l'apport des femmes, leur expertise sera sans conteste bénéfique pour tous en terme d'amélioration de la qualité de vie.

Les transports et la mobilité
De nombreuses études ont montré que les femmes étaient les plus dépendantes des transports collectifs. La raison majeure est qu'elles disposent généralement des plus faibles revenus et souvent ne peuvent accéder à la possession d'un véhicule privé alors que ce type de déplacement a été privilégié partout par les décideurs des politiques de transport. En bref, être pauvre et femmes constitue un double handicap pour jouir d'une véritable autonomie de déplacement. En outre, les transports collectifs ne sont généralement pas conçus au mieux des usages et des pratiques et à ce propos, très souvent, les femmes ont déjà émis des propositions susceptibles d'apporter des améliorations notables mais ne sont guère écoutées. Par exemple, elles suggèrent de concevoir des équipements permettant aux personnes ayant une mobilité réduite de pouvoir accéder aux quais ou aux autobus plus facilement, de prévoir des emplacements pratiques pour poser des paquets, les poussettes et voitures d'enfants, les vélos dans les autobus, le métro ou le train; elles proposent de modifier les rythmes de passage des transports pour permettre à tout le monde de se déplacer facilement et non seulement ceux et celles qui vont au travail, de renforcer la sécurité à certaines heures et de concevoir autrement les couloirs d'accès, les espaces d'accueil et d'attente, etc. Bref, il existe à la fois un répertoire de solutions pratiques et un vrai cahier des charges de la part des femmes pour revoir une politique des transports y compris le fait qu'il convient d'avoir une vue à long terme et d'envisager la sécurité urbaine liée aux transports dans une autre optique et dés lors lutter aussi plus vigoureusement contre les nuisances dues aux transports. La pollution est maintenant au centre des préoccupations ainsi que la lutte contre le bruit qui est encore une source de fatigue importante pour les gens. Des nouveaux dispositifs et modes de transport sont à prévoir y compris le fait d'inclure les déplacements à vélos, à pied, sans que les adeptes de ces modes de déplacement risquent leur vie pour autant.

L'objectif est donc de suggérer d'ouvrir un nouveau chantier de réflexion pour créer les solutions et les dispositifs les plus satisfaisants offrant une meilleure qualité de vie avec égalité pour tous; d'autant que, fait déjà particulièrement connus en urbanisme, des quartiers entiers dans les villes sont dans une situation de relégation à cause d'une politique de transport inadaptée et source d'inégalité. Les femmes sont généralement les plus touchées par ces dysfonctionnements multiples. Une prise en compte de nouveaux objectifs et une méthode plus holistique pour aborder autrement cette problématique semble en effet d'une grande pertinence aujourd'hui et associer les femmes à la réflexion et à la prise de décision ne serait pas un luxe, mais une mesure salutaire, indispensable et fructueuse car leur expertise bien qu'essentielle, a manquée singulièrement jusqu'à ce jour aux responsables et technicien-nes en charge des affaires de transport.

La sécurité urbaine
Ce thème répond au problème majeur des femmes à propos de la violence. Sans conteste, c'est dans ce domaine que les féministes ont travaillé avec le plus d'intensité et dont les résultats sont les plus riches pour mettre en lumière les multiples pans cachés et tabous de nos sociétés, insidieusement violentes envers les femmes. Violence sexuelle, violence domestique, violence urbaine, habitudes de vie et domination des femmes par la violence sont les aspects les plus étudiés bien qu'ils soient tous imbriqués et à considérer dans une vue d'ensemble. Grâce aux travaux et aux actions persistantes des femmes, ce thème au niveau urbain est déjà émergent pour les pouvoirs publics et l'opinion publique mais les réponses urbaines ne sont pas pour autant abouties pour traiter ce grave problème. La charte à cet égard reprend et propose diverses investigations et solutions comme par exemple le développement de l'accueil d'urgence des femmes battues et de leurs enfants, non plus comme équipement de fortune mais faisant partie de la politique d'équipement urbain donc immanquablement prévu, intégré et financé. Par ailleurs, le traitement des espaces extérieurs qui visent à redonner un sentiment de sécurité et dissuade les actes d'agression sont également explorés.

Bâtir les étapes de la prise de conscience et les multiples mesures à apporter à ce propos est l'axe majeur de la démarche envisagée dans la charte. A ce sujet, des villes au Québec sont en avance comme celle de Montréal par exemple, même si les effets positifs ne se font sentir qu'à long terme. En tous cas, là encore, force est de constater que ce thème a été porté exclusivement par la réflexion et l'action des femmes de bout en bout. Pour progresser plus vite et partout dans ce domaine, il devient indispensable de diffuser le plus largement possible les actions et les expériences positives. Le propos de la charte est aussi de faire connaître ces expériences exemplaires en particulier dans son catalogue des actions positives.

L'habitat et les services de proximité
Le logement est par essence le lieu de la vie privée où jusqu'à maintenant on a considéré généralement qu'il était le domaine privilégié des femmes "où elles sont reines". Mais les féministes ont étudié de très près l'espace de la vie privée et fait voler en éclat ce lieu commun qui a la vie dure, montré que les femmes qui dans la tradition, sont responsable de la marche de la maison et de toutes les tâches domestiques "n'avaient pas même une chambre à soi" comme l'a exprimé Virginia Woolf et vivaient souvent l'espace domestique comme un enfermement, une forme de relégation. Ainsi la sphère de la vie privée n'est pas un univers si épanouissant pour les femmes sauf à adhérer aux stéréotypes qui visent à considérer comme un accomplissement existentiel et une joie essentielle pour elles d'être une parfaire ménagère, surtout autour de la cuisine, lieu quasi sanctifié, centre et noyau de la vie familiale. L'examen critique des données existantes montrent au contraire la double exclusion des femmes en temps qu'expertes et conceptrices des espaces de vie et comme usagères de ces espaces, d'autant que de développement actuel de l'économie et les habitudes de consommation ont fortement instrumentalisé et renforcé les stéréotypes dans ce domaine, en particulier dans les pays post industriels.

Les modes de vie ont beaucoup évolués, de nouveaux types de familles ou de regroupements sont apparus mais l'offre de lieux de vie demeure traditionnelle, figée et peu adaptée. Par exemple, partout les familles monoparentales sont plus nombreuses, elles sont dans 80% des cas dirigées par une femme, mais les dispositifs à l'accès au logement ne sont pas facilités pour ces familles là qui ont encore beaucoup d'obstacles à franchir. Les services indispensables à concilier vie familiale et travail extérieur ne sont pas encore prévus en nombre et en qualité suffisante, ce qui réduit de ce fait la qualité de vie de ces familles. Le manque d'équipement pour accueillir les enfants quand les femmes sont au travail reste un point majeur et le non partage des travaux domestiques un handicap persistant pour toutes les femmes, à moins d'avoir des moyens financiers suffisants pour s'en décharger sur une tierce personne.

La transition entre sphère privée et publique par l'étude des espaces, montrent encore plus d'éléments d'archaïsme dans la conception des lieux, ce qui implique de redéfinir à la lumière de la vie moderne et des évolutions sociales actuelles beaucoup d'éléments et d'équipements urbains y compris leur localisation géographique car la notion de quartier et son appropriation par l'usage est très différenciée entre les hommes et les femmes. Par exemple, au sujet des espaces dits de loisirs, il apparaît bien que les hommesjouent beaucoup et s'approprient bien les espaces publiques, mais les femmes s'autorisent nettement moins le jeu; elles s'approprient moins les espaces ludiques, ou considèrent qu'ils ne sont pas conçus pour elles, ou encore qu'elles ne trouvent jamais le temps d'en profiter, etc. L'approche par l'usage et le vécu des lieux montre de telles divergences d'appréciation entre hommes et femmes.

Le partage des rôles et des tâches entre hommes et femmes reste au centre du débat et le sujet est encore loin d'être épuisé; en effet, le domaine et la problématique du logement et des équipements fourmille de travaux et d'études selon l'analyse et l'expertise des femmes et le champ des recherches à explorer est encore plus grand. A cet égard, la charte ne fait que suggérer quelques pistes essentielles pour montrer les évolutions radicales qui restent à entreprendre pour améliorer la qualité de vie des femmes d'abord, mais bien évidemment celle de tout le monde, dans les villes de demain pour qu'elles deviennent appropriées aux deux sexes. Il est proposé de commencer par redéfinir le quartier comme base de travail de départ parce qu'il est l'entité la plus vivante et significative pour les habitants et les habitantes.

La santé
Ce thème majeur n'est pas présent dans la charte de base écrite en 1994, car les délais très courts pour aboutir n'avaient pas permis à l'équipe d'expert-es de le traiter. Mais actuellement, ce thème est en cours de réalisation, ce qui monte bien que la charte est un outil commun et évolutif.


Le catalogue des actions positives


Le catalogue d'origine comprend 66 cas pratiques répartis en sept secteurs : la planification urbaine, les femmes architectes, l'habitat, la sécurité, les initiatives institutionnelles, les connaissances, les femmes des pays du Sud. Le catalogue est à la fois répertoire de cas pratiques, de personnes et de structures ressources, car chaque cas décrit en une seule page, donne aussi toutes les coordonnées utiles. Les différents cas choisis illustrent les aspects de la problématique urbaine abordés dans la Charte Européenne des Femmes dans la Cité permettant de percevoir clairement les implications et les applications possibles. L'idée de ce catalogue est qu'il peut devenir source d'inspiration, outil pratique et servir de relais. Il permet d'entrer directement en contact avec différentes expertes et de débuter une expérience sans réinventer ce qui a déjà été fait ailleurs. L'éventail des actions présentées est loin d'être exhaustif, il s'agit seulement de donner un aperçu des initiatives prises ces dernières années et de susciter la mise en réseau de nouvelles expériences.

Le catalogue s'adresse autant aux acteurs de terrain qu'aux décideurs politiques et économiques souhaitant la prise en compte de la dimension du genre dans les domaines de l'architecture, de l'urbanisme, de la planification et de l'aménagement du territoire. Il est source d'informations pour les chercheurs qui s'intéressaient au sujet des femmes et de l'aménagement urbain.

Pour donner une idée de quelques exemples du catalogue de 1994, il montre que divers pays ont entrepris l'édition de manuels ou de guides pour inciter les femmes et les pouvoirs locaux à entreprendre l'urbanisme dans une perspective féministe. C'est le cas du ministère de l'environnement de la Norvège qui faisant suite à une politique active d'implications des femmes dans les processus urbains locaux, a édité en 1993 deux livres: un manuel destiné aux acteurs locaux et un livre dit de cuisine, d'initiation au processus des projets d'urbanisme pour les associations féminines de base; de même l'Unité pour l'égalité des chances de la Belgique francophone a édité un document en vue de mener des actions conjointes dans 42 communautés locales. Mais le catalogue recense des actions ponctuelles comme le fait qu'une architecte autrichienne a repensé les arrêts de bus de la ville de Vienne pour qu'ils deviennent plus sûrs et agréables aux femmes. D'autres exemples montrent que partout dans le monde, des femmes se sont auto-organisées pour concevoir et construire des lieux de vie alternatifs plus adaptés à leurs souhaits, à leurs moyens, à leur mode de vie et chaque cas est bien différent.

Ce catalogue est l'ébauche d'un système d'échange qu'il conviendra de compléter en permanence pour constituer l'armature d'un réseau vivant. D'autres modes d'échanges sont possibles et envisagés par exemple par Internet ou bien l'édition d'un CD Rom, (l'expert pour la Belgique de la charte se propose d'en réaliser un).

En conclusion: Etablir un catalogue évolutif d'actions positives c'est aussi écrire et restituer la mémoire des femmes, rendre visible leurs différentes actions et leur impact, marquer leurs étapes. Il s'agit donc d'une action commune essentielle à suivre et à perpétuer.

 

 

La diffusion de la charte
La communication a été l'axe de travail le plus important depuis 1995 pour faire connaître la charte dans la première étape; maintenant elle s'oriente vers la formation pour viser l'application des éléments contenus dans la charte vers des réalisations concrètes. Ceci est l'objet du programme URBANA qui sera évoqué plus loin car il vise un double objectif : constituer un réseau d'échanges et faire évoluer par la praxis.

La charte écrite en français, traduite en anglais, a été traduite dans une forme réduite en 11 autres langues (allemand, arabe, chinois, espagnol, grec, italien, finnois, néerlandais, portugais, russe et turc) pour faciliter sa diffusion en Europe et surtout lors des conférences internationales de l'ONU. L'axe de la communication est la participation des femmes au débat sur la citoyenneté et la place qu'elles devraient occuper au 21ème siècle dans la société et dans l'aménagement des villes du futur.

De 1995 à 1996, la diffusion de la charte en l'Europe a été très active, menée au départ à l'initiative de deux associations partenaires de la charte mais stratégiquement et pour démultiplier les actions de diffusion, deux relais importants ont été choisis, le Lobby Européen des Femmes qui réuni en Europe plus de 2800 associations féminines et l'association Quartiers en Crise qui regroupe 30 villes importantes en Europe. Ainsi, plus de 10000 documents concernant la charte ont été disséminés en Europe pour toucher les associations féminines mais aussi celles des élues locales et de villes, les techniciens de l'aménagement : architectes, urbanistes et ingénieurs, femmes et hommes confondus, les écoles et instituts d'architecture, le Parlement et diverses instances européennes, etc... En complément, pas moins de 45 manifestations spécifiques ou interventions concernant la charte ont été programmées lors de colloques, rencontres ou conférences en divers pays d'Europe.

Sur le plan international, la charte a été présentée à l'occasion de diverses manifestations, par exemple au Québec en septembre 1996, lors du colloque international de l'Université de Laval à Québec, concernant "la recherche féministe dans la francophonie", à Moscou, en janvier 1997, lors d'une Conférence internationale de recherche concernant "Les femmes en situation d'urgence, droits, intérêts et protection des femmes" organisée avec le concours de l'UNESCO. Mais la charte a été principalement promue lors de la 4ème Conférence internationale de l'ONU sur les femmes à Pékin en 1995 et lors de la conférence Habitat II "Sommet des villes" à Istanbul en juin 1996 où elle a été présentée au cours de plusieurs ateliers aux différents forums des ONG qui ont accompagné ces conférences ainsi qu'à la séance officielle et finale de préparation d'Habitat II, à l'ONU à New York en février 1996, au cours de quatre ateliers spécifiques de travail à la demande de la Super Coalition de Femmes.

Le résultat global de cette campagne d'information est que la charte a été bien accueillie et pleinement reconnue comme un outil de travail de base déjà depuis la 4ème Conférence internationale de l'ONU sur les femmes à Pékin en 1995, ce qui a été confirmé à la Conférence Habitat II "Sommet des villes" à Istanbul en 1996. D'autre part, se dessine déjà un réseau arborescent d'informations et d'expérimentations qui mériterait d'être mieux repéré s'il y avait une possibilité financière de réaliser des rencontres périodiques pour mettre en lumière d'une manière plus visible ce flux d'actions nouvelles.
 

 

Stratégie
Parce que l'évolution démocratique ne se fait pas spontanément, la stratégie est une partie majeure et intégrante de la déclaration en 12 points de la charte car l'approche différenciée selon les sexes pour les décisions et les pratiques urbaines est encore loin d'être pleinement intégrée aux habitudes de travail, ce qui est de fait l'objectif fondamental de la charte. Bien sûr, avec un peu d'optimisme, on peut considérer qu'il existe un tel vide d'idée aujourd'hui et les problèmes urbains sont si lourds, que les femmes ont raisonnablement quelque chance de pouvoir faire avancer leurs propositions à l'avenir. Mais dans ce contexte, il convenait de bâtir une stratégie forte où la communication avait un rôle primordial à jouer, nous venons de le montrer. Pour rendre irréversibles les acquis de femmes, trois axes ont été privilégiés:

• entretenir un flux constant d'information avec les médias

• favoriser une dynamique locale

• créer ou se relier à des réseaux

 

Entretenir un flux constant d'information avec les médias.
Diverses études féministes relatives au fonctionnement des médias montrent en effet, qu'ils ont une tendance forte à ne pas développer des idées neuves mais à perpétuer un bloc compact de stéréotypes et de lieux communs indéracinables si les féministes ne se donnent pas la peine de travailler continuellement avec les différents acteurs de la communication. Ainsi, pour développer le débat et infléchir les idées dans les domaines de l'aménagement, il convient de faire flèche de tous bois, c'est à dire d'avoir une véritable vigilance, "une veille féministe" comme il existe des veilles scientifiques, car cela permet de développer une force de communication constante et commune. D'autant que la parole est généralement confisquée dans les domaines de l'aménagement par les spécialistes très jaloux de leur pouvoir mais qui émettent toujours les mêmes types de message où les femmes sont peu représentées et prises en compte.

Ainsi par exemple en France, grâce à cette veille attentive, l'approche par le genre dans la cité, philosophie initiale de la charte qui propose une nouvelle grille de lecture de la ville avec l'expertise des femmes, est mise en relation avec la parité homme-femme dans la prise de décision, ce thème étant d'une grande actualité en France aujourd'hui. Ce qui donne concrètement du corps, de la consistance, renforce le principe de parité, crée des synergies, développe le débat. Il en est de même lorsque sont programmés des colloques, séminaires ou ateliers sur des thèmes d'actualité tel que la sécurité, le logement et les équipements, et sur les deux thèmes porteurs que sont : la ville du 21ème siècle et le développement soutenable, etc... Puisqu'ils sont aussi des thèmes majeurs de la Charte, il est proposé d'inclure une autre façon d'aborder ces problématiques diverses avec l'approche par le genre déclinée ou illustrée selon les thèmes. Ainsi des rebonds sont créés qui impulsent progressivement une nouvelle écoute, une autre forme de questionnement et d'approche, celle des femmes dans les domaines encore trop inexplorés que sont ceux de l'aménagement des villes . Il en est de même au niveau européen ou international.

Favoriser une dynamique locale
Il apparaît bien qu'aujourd'hui une prédominance est donnée aux instances comme aux actions locales pour tenter de résoudre les problèmes urbains. Les questions relatives à la citoyenneté en relation avec la ville apparaissent à l'ordre du jour de tout débat démocratique actuel. Les interrogations sont nombreuses en la matière et les incertitudes comme les prétendues solutions miracles idéologiques ou techniques remises en cause. Légitimement, de plus en plus d'habitants, et en particulier les femmes, souhaitent être partie prenante dans la prise de décision en ce qui concerne leur cadre de vie. Il devient logique de s'appuyer sur la dynamique locale pour travailler depuis la base vers le haut au plus près de la vie quotidienne avec l'expertise des femmes comme il est préconisé dans la charte (point 5 de la charte et l'un des pivots de sa philosophie). Dans cet axe de travail, l'expérimentation en vraie grandeur ou le recours aux opérations pilotes (point 10 de la charte) devient un des points forts de la stratégie envisagée pour revitaliser la cité. D'une façon concomitante l'enseignement universitaire et secondaire doit pouvoir analyser et prendre en compte tous les fruits de ces expérimentations comme champ privilégié de nouvelles connaissances incontournables. Ces liens directs entre expérimentation et enseignement sont essentiels comme courroies de transmission et effets d'entraînement pour briser les stéréotypes, accélérer la prise de conscience et inciter aux nouveaux comportements tant politiques que personnels, véritable prise en compte réelle et tangible de l'approche par le genre des cité .

Ainsi le projet URBANA, lié à la praxis qui s'appuie sur une dynamique de quartier, va dans ce sens: agir localement, expérimenter et créer un essaimage d'idées par l'échange transnational au sein de différents réseaux . Mais le travail sur un quartier cible participe et entraîne aussi la dynamique générale d'une communauté locale qui se développe par mimétisme ou effet de boule de neige des actions novatrices.

Notons par ailleurs que certains réseaux comme celui de Femmes et Villes est aussi bâti à partir de la dynamique des villes avec l'apport des femmes et confirme cette tendance de travail. Et précision complémentaire la Charte, dans ses recommandations, invite les instances officielles européennes : Conseil de l'Europe et Commission européenne à créer un Observatoire Européen Paritaire de la Ville et un réseau permanent des Femmes dans la Cité. Bien sûr ces étapes ne sont pas franchies.

Créer ou se relier à des réseaux
La création de réseaux constituent aujourd'hui pour les femmes, l'essentiel du développement de leur force commune. La diffusion de la charte visait à la création d'un réseau de travail au départ européen mais précisément de multiples réseaux ont pu être rejoints et interconnectés. Car il convient non seulement de créer ou de détecter les réseaux mais principalement de les croiser et de les interconnectés le plus possible en cassant les cercles fermés, de chercheurs, d'experts, de professionnels, d'institutions spécialisées, etc... afin de les décloisonner et de tenter de relier tous ces pôles d'intelligence et de ressources pour les mettre en contact avec la dynamique et la pression des associations. En fait, il est proposé de bâtir des synergies entre ces différents réseaux pour qu'ils se nourrissent les uns des autres et produisent une nouvelle intelligence, c'est à dire celle qui émerge déjà dans l'interdisciplinarité mais surtout en entreprenant des actions communes à l'avenir. L'intérêt du réseaux est son manque de hiérarchie et sa capacité de fonctionner en système ouvert. Ainsi seront évoqués ici quatre réseaux significatifs : la Super Coalition des Femmes, la Commission de Huairou, Le réseau Femmes et Villes, mais aussi URBANA.

La Super Coalition des Femmes
Ce réseau international a été créé en 1994 pour préparer les différentes Conférences internationales dans une optique féministe. Il comprend à la fois des entités de l'ONU qui s'occupent de l'avenir et des programmes relatifs aux femmes et de multiples associations féminines (ONG) . La super Coalition s'est donnée pour objet à la fois de préparer les Conférences et de relier les ONG féminines pour concentrer leurs énergies, développer des stratégies, assurer le suivi des conférences, réaliser une veille constante sur l'état des avancées et des reculs au sujet des femmes. Elle s'est particulièrement impliquée lors d'Habitat II. En fait, c'est une suite logique du travail déjà entrepris par WEDO depuis la participation active des femmes au Sommet de la Terre de Rio en 1992. La planète femmes s'est mise en marche concrètement. La clef de la stratégie de la Super Coalition des Femmes est de rendre les femmes incontournables, bien qu'elles ne soient jamais attendues, elles seront maintenant là toujours présentes, nombreuses et actives.

La Commission de Huairou
La Commission de Huairou a été créée lors de la 4ème Conférence sur les femmes "Paix, Egalité et Développement" de Pékin en septembre 1995, elle porte le nom de la ville chinoise où s'est tenu le forum des ONG . C'est une commission internationale d'expertes de l'ONU, dont l'objet est de travailler à préparer les dossiers pour les Conférences et leur suivi. Cette Commission s'est officialisée à Istanbul et doit travailler maintenant à préparer l'avenir mais surtout entretenir des liens étroits d'information et assurer dans les différents pays la mise en cohérence à la fois des agendas 21 pour le femmes, le suivi de la Conférence de Pékin et surtout plus spécifiquement les agendas d'Habitat II. Cette commission d'expertes travaille en étroite collaboration avec la Super Coalition des Femmes.

Le réseau international Femmes et Villes
Lors de la conférence Habitat II, à Istanbul, les ONG et les villes ont travaillé ensemble et crée le projet de Réseau international Femmes et Villes. Il est soutenu par la Super Coalition des Femmes.

Notons que la Charte des Femme dans la Cité est connue et reconnue par ces différents réseaux et que l'association Groupe Cadre de Vie fait partie de ces différents réseaux.


URBANA

 

Le projet-programme URBANA prévu de 1996 à l'an 2000 s'inscrit dans un nouveau programme européen qui développe principalement le "mainstreaming" et prolonge ainsi par une nouvelle étape les travaux de la Charte. URBANA vise à créer une dynamique urbaine avec l'expertise des femmes, à partir des quartiers des villes. Il s'articule autour des principes et des thèmes majeurs contenus dans la Charte Européenne des Femmes dans la Cité qui est le document d'appui et la base commune de travail. Mais il s'agit aussi d'une mise en réseau d'échanges d'informations et d'actions positives.

Le projet URBANA est également entrepris en équipe et à l'initiatives de trois associations situées dans différents pays d'Europe: le Collectifs des Femmes Urbanistes en Espagne et le Groupe Cadre de Vie en France sont dans le comité de pilotage du programme URBANA initié pour démarrer le projet, par l'association Quartiers en Crise. Cette association rassemble 30 villes en Europe qui se sont regroupées depuis 1991 pour échanger des expériences en matière de démocratie dans la décision et la dynamique sociale des villes, en appui sur les quartiers. Cette association de villes qui était déjà partenaire en 1995 de la diffusion de la charte au sein de son réseau, a souhaité aller plus loin dans sa démarche. Mais d'autres associations de villes peuvent s'associer au projet URBANA et seront même progressivement sollicitées pour renforcer le travail et la mise en réseau en système ouvert. Déjà des villes ont spontanément souhaité s'engager dans la même ligne de travail et faire partie du réseau en gestation comme par exemple la ville de Montreuil en France qui compte 100 000 habitants et développe une solide action avec les femmes et à l'initiative d'associations féministes, mais il y a aussi la ville de Volos en Grèce qui s'est intégrée et souhaite travailler principalement sur les problèmes de santé.

URBANA est un programme qui vient de débuter. Au départ, un inventaire d'actions positives a été fait d'une manière large pour tenter de réaliser un document complémentaire à la charte, sous la forme d'une boîte à outil de pratiques de base pour personnaliser, adapter, illustrer plus largement les thèmes majeurs de la charte aux différentes contingences locales et pour l'ensemble des pays de l'Union européenne. Les travaux n'en sont qu'à l'étape d'ébauche pour l'instant. Mais la dynamique d'URBANA sera aussi celle de s'interconnecter avec le réseau international Femmes et Villes également en cours d'élaboration pour créer des synergies de travail.

En guise de conclusion :

 

Il est temps maintenant de proposer un gramme de prospective, d'avoir une pointe d'humour et d'optimisme et de rêver un peu mais sur des points d'appuis solides.

Depuis 1993 début des travaux ayant conduit à l'écriture de la Charte "européenne" des Femmes dans la Cité puis à sa diffusion, j'ai le sentiment que l'approche par le genre des cités devient un thème porteur, intéresse vraiment et peut donner du sens aux différentes actions et études féministes déjà menées dans la mesure où le flux des connaissances qui a été capitalisé va enfin pouvoir être intégré d'une manière cohérente dans les pratiques urbaines. Même si ce courant d'intérêt est encore fragile et que rien n'est assuré d'avance, mais il y a des signes positifs qui permettent un optimisme. En effet, et au risque de le répéter encore, l'exemple de la problématique de la sécurité dans les villes qui est l'interface des problèmes de violences diversement développés par les associations féministes depuis déjà longtemps, trouve enfin un écho favorable et permet d'élaborer pas à pas des mesures positives qui, en s'institutionnalisant, montrent la pertinence des expertises des femmes et la validité de leur approche. Bien sûr, l'agressivité ne s'est pas envolée d'un coup de baguette magique, au contraire même, nous sommes encore dans un monde foncièrement violent.

Par ailleurs, se dessine aussi un changement d'attitude, une forme de mutation sociale dont la tendance serait de se démarquer des valeurs agressives dites masculines pour s'orienter dans la recherche d'une meilleure qualité de vie partagée, à l'échelle du quartier déjà et qui serait hautement recherchée. Cela se traduirait en urbanisme par "une tendance au retricotage intelligent du tissu urbain et son remaillage" .On y réfléchit dans les cénacles et les colloques d'urbanisme, car les grands gestes salvateurs seraient dépassés. Et qui connaît l'art, toutes les nuances et tous les points si subtils et complexes du tricot? Cette image nous sert ici de fil conducteur pour sortir des chemins battus, casser les nœuds de certitudes et ouvrir d'autres voies et approches, celles des féministes pourraient y trouver une bonne place. Disons que la Charte des Femmes dans la Cité pourrait servir de première trame de base au futur retricotage des villes, donner quelques pistes concrètes de travail. Et qui sait de villes en villes, de l'Est à l'Ouest du Nord au Sud de la planète, les femmes pourraient s'échanger à travers leurs réseaux, ces nouveaux points de tricot, tout frais réinventés, adaptés et remis à l'ordre du jour, justement à la mode urbaine du 21ème siècle. Et si ce nouvel art du tricot était écologique en plus, bien pensé dans la maille!

D'autre part, les femmes partout ont montré une réelle capacité d'initiative et à l'auto organisation de services; elles ont même créé elles-mêmes dans certains pays des services de substitution que la communauté locale n'avait pas réussi à organiser, citons l'auto construction de logements plus adaptés, l'organisation de centres de santé ou de garde d'enfants qui faisaient défaut et dans les pays pauvres la gestion du ramassage des ordures en site urbain et la production de compost indispensable pour le maraîchage, etc.... Tous ces exemples méritent d'être valorisés, reconnus, les acquis ne doivent pas être perdus, ni limités localement en vase clos, mais au contraire servir de moteur et d'entraînement pour favoriser l'initiative d'autres femmes. Ainsi, doivent être créés des systèmes d'échanges de pratiques exemplaires, de savoir et de savoir-faire et les pérenniser, ce que très modestement le Catalogue des actions positives de la Charte avait commencé de faire.

L'avenir des villes pour le 21ème siècle est un thème suffisamment porteur et important pour ne pas hésiter à ce que les femmes émettent de plus en plus souvent et toujours plus fort leurs messages et proposent de nouveaux outils pour approcher une problématique si complexe. Personnellement, j'ai le sentiment que c'est là au cœur des villes que les enjeux et les facteurs de changement deviennent les plus importants aujourd'hui. Mais il ne faut pas que les chercheuses restent en retrait au balcon mais viennent aussi sur le terrain et dans l'action.

Un autre facteur d'importance est à considérer. Les femmes constituent une dynamique en marche et c'est un fait majeur qui est devenu encore plus perceptible durant cette dernière décennie. Elles se sont mobilisées nombreuses et ont montré leur détermination au cours de chacune des conférences internationales depuis celle de Rio en 1992, jusqu'à devenir quasiment incontournables et ceci par la force des réseaux qui ont été progressivement construits, travaillent très sérieusement avec beaucoup de motivation et d'intelligence y compris avec les réseaux à l'intérieur de l'ONU. Ce qui montre que du local au global, les femmes veulent exister autrement à l'avenir, ont leur mot à dire et peut être même portent un projet de société et des idées neuves qu'il serait indispensable au moins de faire entendre.

Rappelons alors juste un fait élémentaire qui a du poids : les femmes constituent plus de 50% de la population mondiale, elles sont également réparties sur toute la surface de la planète et dans toutes les sphères d'activité ou presque et si elles se mettent à bouger ensemble maintenant, ce qui paraît bien être actuellement le cas, avec quelques idées solidaires, c'est le signe qu'une transformation radicale de la société est en cours qui peut bousculer bien des archaïsmes. Alors, il est peut être utile de faire en sorte de ne pas rater disons le virage du millénaire, de ne pas rater l'allumage du moteur et de se donner les moyens de transmission, les outils et le carburant intellectuel nécessaire pour faire une bonne route et tenir un cap. En effet, même si les obstacles ne vont pas manquer, la période semble quand même favorable pour entreprendre d'autant que les femmes sont devenues assez fortes, averties et organisées pour réussir ce pas en avant et investir la vie publique pour en transformer la configuration.

L'an 2000 si proche, sera dans une grande partie du monde, principalement le monde occidental, une année symboliquement charnière, beaucoup de pays s'y préparent. Les femmes pourraient se donner un rendez-vous précis à ne pas manquer pour rendre réellement visible et donner du corps à l'approche par le genre des cités, montrer la détermination des femmes à se tenir debout et à compter fortement et fermement à égalité pour le siècle suivant. L'an 2000 est peut être le moment stratégique pour déployer une forme d'organisation efficace réellement du 21ème siècle: l'interconnexion souple et croisée des réseaux actifs crées par les femmes, ils sont déjà là en attente. Cela permettrait de renforcer leur impact et de démultiplier les effets d'entraînement pour agir ensemble en synergie dans le même sens, avec une dynamique construite, une réelle efficacité et une grande visibilité. Par exemple, il serait fort utile pour commencer, de créer un réseau francophone sur Internet par exemple, pour mettre en synergie nos initiatives, impulser d'autres paroles qui redonnent une énergie complémentaire et ne véhicule plus seulement des concepts uniquement anglophones, mais multiples.

Aujourd'hui se développe de nouveaux concepts comme ceux d'écologie sociale par exemple, de la démocratie paritaire, de valeurs autres que celle de la sanctification du marché et de l'argent, en bref une autre ère se précise vers la recherche d'une autre philosophie de vie. Alors, soyons optimistes tentons de mettre en orbite la planète femme.

Monique Minaca - Groupe Cadre de Vie - FRANCE
pour Recherches Féministes- numéro spécial :La ville: Relectures féministes
GREMF Université de Laval - QUEBEC

 

Groupe Cadre de vie
60, avenue Jean Jaurès - Meudon - France

 

De l’Agenda 21 des femmes à Rio au programme Urbana +

Au fil des grandes conférences internationales des années 1990, à Rio, Copenhague, Pékin, Istanbul… les ONG féminines ont manifesté leur engagement pour un développement plus juste et respectueux des générations à venir. Elles ont affirmé leur volonté de revendiquer partout des droits égaux pour participer aux processus de décision et veiller à la prise en compte des expériences et des intérêts spécifiques de tous ceux qui se trouvent en situation de forte dépendance. Pour les femmes, les thèmes de durabilité et de parité sont inséparables.
Le programme Urbana + vise à promouvoir l’expertise des femmes pour un développement urbain durable.
Lors du « Sommet des villes », HABITAT II qui s’est tenue à Istanbul en juin 1996, les ONG de femmes et les villes ont créé le projet de Réseau international Femmes et Villes.
Dans cette même ligne d’action, le projet européen « Femmes et villes, URBANA+ » a démarré en 1996, avec l’aide de la Commission Européenne, dans le quatrième programme d’égalité des chances. Il a été promu à l’initiative de l’association française « Groupe Cadre de Vie », avec au départ, le réseau européen des villes « Quartiers en Crise ». L’objectif est de bâtir une dynamique avec les femmes dans les quartiers des villes de l’Union Européenne en s’appuyant sur les principes de la Charte Européenne des Femmes dans la Cité comme base de travail. La charte fournit le fil conducteur méthodologique pour le programme URBANA+. Il concerne l’application des principes contenus dans la Charte, en vue de créer des dynamiques locales avec l’expertise des femmes et plus spécifiquement à partir de la vie quotidienne dans les quartiers.
Monique MINACA , Christine BOOTH in.
Les cahiers de Femmes d’europe, Urbanisme N° 302, sept/oct.1998
http://www.citego.org/bdf_fiche-document-1070_fr.html

 

 

Monique Minaca (1938-2018) réalise très tôt les injustices dont sont victimes les femmes. Contre l’avis de son père, elle s’affranchit du cercle familial pour étudier aux beaux-arts jusqu’à l’obtention de son diplôme d’architecte. Elle y mène sa vie de bohème et prend part à la contestation estudiantine en mai 68. Le fonds d’archives qu’elle laisse derrière elle compte des créations plastiques originales, des affiches peintes au pochoir ainsi que des sérigraphies bien connues de l’iconographie de mai 68.

Cette militante féministe se singularise par l’importance qu’elle accorde à l’écologie dès le milieu des années 1970. Proche du psychanalyste Félix Guattari et de ses concepts d’écosophie, elle adhère à un mode de vie plus authentique et confie ses deux enfants le temps d’un été à la communauté autogérée de Gourgas qu’il crée. En 1978 elle se présente sur la liste des élections législatives de Gisèle Halimi au nom de Choisir la cause des femmes. Cette même année, Monique Minaca crée et préside l’association Groupe cadre de vie. Celle-ci regroupe des professionnelles de l’architecture et de l’urbanisme dont le principal projet est la rédaction de la charte européenne des femmes dans la cité. Cette recherche subventionnée en 1994 par l’Unité pour l’égalité des chances de la Commission de l’Union européenne propose une nouvelle grille de lecture de la ville s’appuyant sur l’expertise de ces femmes à travers cinq grandes thématiques : l’aménagement urbain et le développement durable, la sécurité, la mobilité, l’habitat, et les équipements de proximité. Ses nombreux travaux sur l’approche genrée de l’espace public constituent aujourd’hui une référence. Cette féministe aussi singulière qu’hyperactive se mobilise sur tous les fronts : lutte contre la pauvreté, le SIDA, l’exploitation des enfants, les violences faites aux femmes, l’oppression dictatoriale, la destruction de la biodiversité… Elle faisait des dons d’argent à plus d’une vingtaine d’associations.

Aventurière dans l’âme, elle traverse l’Atlantique de Casablanca jusqu’aux Antilles à bord d’un équipage entièrement féminin dans les années 1980. Agissant aux niveaux national, européen et international, ses actions gravitent autour de trois axes : la parité, l’urbanisme et l’écologie. Animée d’une curiosité foisonnante, Monique Minaca collecte tout au long de sa vie une très grande quantité de coupures de presse sur divers sujets de société comme la prostitution, la place des femmes en politique, la cause des femmes dans le monde, l’éducation des enfants ou encore sur des sujets tels que les états de conscience modifiés ou la psychologie.

L’ensemble de son fonds d’archives ainsi que cette documentation dense et variée est désormais abritée au Centre des archives du féminisme, par dépôt de l’association Archives du féminisme. Comprenant divers documents papier (tracts, brochures, coupures de presse, lettres…), le fonds est également riche d’une centaine d’affiches, de nombreuses cassettes vidéo et audio ainsi que des photos argentiques en couleur.
 

Fruit d’un long travail, la biographie de Monique Minaca se nourrit également de ma rencontre avec son fils, Jérôme Duvillier, le 11 mai 2021 à la bibliothèque Belle-Beille. Émouvant et sincère, cet échange fut aussi l’occasion d’apporter un regard vivant sur ce fonds et son histoire.

Mathilde Dubrasquet-Duval

https://blog.univ-angers.fr/fondsspe/2021/06/04/entre-feminisme-et-ecologie-regard-sur-monique

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Partenaire d'Allemagne:

Fopa: Organisation féministe des urbanistes et des architectes

Frauen in der Stadt

 

FOPA e. V. - Feministische Organisation von Planerinnen und Architektinnen
The group was founded in 1981 in Germany, initially as a protest action in response to the under-representation of women in Berlin's Internationale Bauaustellung (International Building Exhibition or IBA, 1979-1987). After initially "hijacking" official IBA meetings, the group formally established itself a short time later in Berlin, and later expanded to other German cities, developing a strong and influential voice for gender equality, in particular throughout the 1980s and 1990s. Independent regional chapters were established in Dortmund (1985), Hamburg, Bremen, Kassel (1983) and Rhein-Main (Frankfurt). An 11-point charter, titled "Principles for a new spatial order" (Grundlagen für eine neue räumliche Ordnung) and advocating an aspirational planning and development approach based on equal civil, political, economic, cultural and social rights for men and women, was produced as a result of the 1991 European Women Planners Conference in Berlin. The Berlin Charter was published in a special edition of the group's yearly magazine Freie.Räume a short time later. Active members over time have included Veronika Keckstein, Kerstin Dörhöfer, Christiane Erlemann, Ellen Nausester, Marianne Rodenstein and Sabine Pollak
https://en.wikipedia.org/wiki/Feministische_Organisation_von_Planerinnen_und_Architektinnen
 

Die Stadt und die Frauen
„Frauen in der Stadt“ ist das Thema einer Ausstellung, die die Feministische Organisation von Planerinnen und Architektinnen (FOPA), Dortmund, zusammengestellt hat. Die Fotos und Begleittexte zeigen, wie und wo Frauen ihre Stadt benutzen, welche Räume Frauen versperrt sind, wo sie Angst haben, ihre Isolation in Wohn- und Arbeitswelt und wie Frauen versuchen, sich die Stadt anzueignen. Ausgangspunkt aller Beobachtung waren immer Frauen. Trümmerfrauen beim Steineklopfen, frustrierte Kassiererinnen im Supermarkt, eine Frauenschlange vor einem Billigladen. Und immer wieder Angstträume. Tiefgaragen, Treppenaufgänge an U-Bahnen, Manifeste einer nach ökonomischen, profitorientierten Plänen gebauten Stadt. Die Ausstellung wird an interessierte Gruppen verliehen. Kataloge gibt es über das FOPA-Büro, Adlerstraße 30, 4600 Dortmund 1

 

Wem gehört die Stadt - Wir Frauen - 2012 - PDF 7p - Fight sexism !

https://wirfrauen.de/wp-content/uploads/2021/09/Wem-gehoert-die-Stadt

Wir Frauen Zusammen frei sein

https://wirfrauen.de/
 

Projets de logements pour femmes en Allemagne

une brève histoire du logement émancipateur des femmes

 

Frauenwohnprojekte
Das Interesse an alternativen Wohnformen ist in den letzten Jahren stetig angewachsen, nicht nur bei potenziellen Bewohner*innen, sondern auch bei Wohnungswirtschaft und Wohnungspolitik.
https://www.frauenwohnprojekte.de/

Frauenwohnprojekte in Deutschland – eine kurze Geschichte emanzipatorischen Wohnens von Frauen - PDF 44p - 2009 - Das Alleinwohnen von Frauen als emanzipatorischer Schritt im letzten Drittel des zwanzigsten Jahrhunderts - Die Wiederentdeckung der Beginenhöfe - Frauenwohnprojekte: eine Absage an die Heteronormativität - Frauenwohnprojekte keine Utopie
https://www.frauenwohnprojekte.de/fileadmin/media/pdfs/fwp_geschichte.pdf

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Charte des Femmes dans la Cité - 1994

Etude soutenue par la Commission Européenne en 1994

Coordination:  Roland Mayerl  Email: lreyam@gmail.com

 

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