19-12-2023 -------------------------------------------
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https://www.habiter-autrement.org/ > Politiques -------------------------------------- Projet de loi "Solidarité et renouvellement urbains" Allocution de Jean-Claude GAYSSOT
ministre de l’Equipement, des Transports et du Logement projet de loi "Solidarité et renouvellement urbains"
Assemblée nationale, le 8 mars 2000 Ministère de l´Equipement, des Transports et du Logement - Paris, le 8 mars 2000 - Cabinet du Ministre Beaucoup l'assurent en le tenant pour une quasi-certitude : le XXIe siècle sera celui de la civilisation urbaine. Cette vision suscite interrogations. Ne risque-t-on pas, demandent certains, nous qui disposons du privilège de vivre dans un pays disposant de larges espaces ruraux, d'aller à une surconcentration, à une densification encore plus massive et plus invivable des grandes métropoles ? Mais d'autres rétorquent : à laisser les choses aller en l'état, c'est non seulement la vie dans les villes qui deviendra de plus en plus dure, mais l'éparpillement anarchique, le "mitage" qui gagneront et gâcheront la vie rurale elle-même.
Ce projet de loi que le gouvernement soumet à votre discussion aujourd'hui s'inscrit dans ces grandes interrogations et s'emploie à tenter d'y répondre. Centré sur la ville, il a l'ambition de s'attaquer aux inégalités, aux déchirures du tissu social, aux blessures de l'exclusion, parfois au sordide des marchands de sommeil et de misère, au sentiment d'abandon si brutalement ressenti en certains quartiers, tout comme aux gâchis et aux incohérences qui s'y manifestent. Il a l'ambition surtout de favoriser une approche différente non seulement de la ville, mais de la qualité de la vie en ville. Je dis bien qualité de la vie en ville. Mais pour autant, ce projet sur la ville n'est pas un projet contre la campagne. Il ne se réclame d'aucun antagonisme que rien ne saurait à mes yeux justifier avec la ruralité. Tout au contraire, il vise à établir des équilibres aujourd'hui menacés, tend à préserver et à renforcer une harmonie entre le dynamisme des espaces ruraux, l'activité des villes moyennes et leur revitalisation quand elle s'impose, tout comme le développement maîtrisé des grandes métropoles. C'est pourquoi, l'une des exigences-clés qu'il met en œuvre est celle de la solidarité, pour assurer le développement cohérent des espaces urbains, périurbains et ruraux qui forment ensemble un même bassin de vie, d'habitat et d'emploi.
La civilisation urbaine maîtrisée telle que ce projet de loi l'envisage n'est donc en rien le "laisser-faire" vers la ville tentaculaire, sorte de "métropolis", rongeuse et massifiante, que d'aucuns croient déceler à titre de tendance lourde pour l'avenir de notre société. Il ne s'agit pas d'écraser mais de répondre aux aspirations fondamentales de nos concitoyens qui veulent une ville mieux équilibrée, plus sûre, moins polluée, moins anonyme. Une ville qui ne soit pas marquée par des ségrégations sociales ou spatiales. Une ville qui soit un lieu d'urbanité.
Cet objectif est ambitieux. C'est vrai ! Il est nécessaire car les dérives observées lors des dernières décennies impliquent une modification des politiques et des pratiques publiques, tant les tendances vont à l'encontre de cette obligation de solidarité et de renouvellement urbain. Cette demande nous l'avons avec Louis BESSON fortement ressentie lors des rencontres initiées dans le cadre du débat "habiter, se déplacer... vivre la ville", avec les habitants, les représentants des milieux économiques, syndicaux, associatifs, de la société civile, et les maires et les élus de Lyon, Lille, Orléans, Dijon, Nîmes et Perpignan.
De ces débats, souvent passionnés, sincères, des idées fortes se sont dégagées. Elles ont constitué un socle pour notre réflexion. Elles montrent que contrairement à ce qui se dit souvent, les citadins aiment la ville, leur ville. Un récent sondage publié dans un hebdomadaire spécialisé vient de le confirmer. Mais avec la même force, le besoin s'affirme d'une ville plus solidaire, plus juste, plus équitable et même, pourquoi ne pas le dire, plus belle. C'est à cette attente largement partagée que nous devons répondre.
Quel est le constat aujourd'hui ? Près de 80 % de nos concitoyens vivent dans ce qu'il est convenu d'appeler l'espace urbain. Au-delà de ces lieux historiquement constitués ou en voie de l'être, nos compatriotes, y compris dans le milieu rural, aspirent aux services offerts par la ville en matière de formation, d'emploi, de culture, de commerce et de services. Cette réalité ne s'oppose pas et ne doit pas s'opposer à la revitalisation du monde rural auquel sont attachés bien évidemment ceux qui y vivent et le font vivre, mais aussi les urbains qui en viennent majoritairement et qui y sont affectivement liés. Cela dit l'habitat individuel se répand dans les périphéries les plus lointaines. Les distances parcourues par les citadins ne cessent d'augmenter. Les deux tiers des déplacements s'effectuent en voiture. Les centres commerciaux intégrés prolifèrent, tandis que le petit et le moyen commerce reculent. Les multiplexes se développent en périphérie des villes. Quant au centre il perd souvent de la population et sa part dans les activités commerciales diminue.
Voir tout cela et tout ce qu'il nous faut faire bouger ne nous conduit pas à une accession systématique à l'encontre de tout ce qui s'est fait dans le passé. Souvenez-vous: l'hiver 54 et les centaines de milliers de sans-abri sauvés par un sursaut collectif de solidarité. Souvenez-vous les conditions d'hygiène du parc de logement de nos villes au début des années soixante. Beaucoup a alors été fait. Cela a permis, notamment grâce à un immense effort de construction de logements sociaux, de donner à une majorité de français un logement décent.
Nous devons également reconnaître le mérite de nos prédécesseurs qui ont su concevoir puis faire vivre le concept de planification urbaine. Je pense en particulier à Paul DELOUVRIER et à tous ses collaborateurs qui, sous l'impulsion du général de Gaulle, n'ont pas hésité à imposer des mesures pour résister au risque d'hypertrophie anarchique de la région parisienne. L'histoire retiendra peut-être comme déterminante cette période où s'est élaboré, par voie législative, le corps de doctrine de la politique urbaine et d'aménagement du territoire.
Depuis beaucoup de prévisions ont été bousculées. La croissance continue à un niveau élevé n'a pas duré, les mutations de la société ont été rapides et brutales. Et surtout la crise profonde de la société liée à la financiarisation de toutes les sphères de l'activité humaine, a étendu les inégalités, aggravé toutes les formes de ségrégation, amplifié le chômage, dans des proportions insupportables et inconnues depuis la Libération. Face à ces réalités, les textes fondateurs ont été progressivement modifiés, amendés, corrigés, afin de pallier leurs faiblesses les plus criantes, mais leur fondement même, n'a pas changé. La liste est longue de ces tentatives de correction de la politique urbaine telles, pour n'en citer que quelques uns, la réforme du logement social, la politique spécifique et nécessaire sur les quartiers en difficultés, la loi sur la qualité de l'air.
Ces efforts n'ont pu atteindre leur pleine efficacité. Ces évolutions se sont également traduites par un empilement successif de codes et de procédures et la situation est devenue une sorte de "fourre-tout". Combien de maires, d'élus se sont plaints des délais trop longs pour réaliser face à un tel labyrinthe administratif ? La cohérence nouvelle du projet de loi intègre les différents aspects de ce qui fait la vie même des habitants des villes. Renouveler la politique urbaine, n'est-ce pas là un vrai chantier de société. Certes, l'emploi, l'éducation, la formation, la santé, la justice et la sécurité appellent des réponses majeures. Le gouvernement s'y est attaqué et des premiers résultats apparaissent. Ils constituent, à n'en pas douter, une étape de toute politique progressiste, et je mesure tout ce qu'il reste à faire.
Mais c'est souvent par la ville que la société se donne à voir, que les inégalités se lisent. Les logements, les bâtiments, les rues, les équipements durent des décennies, parfois des siècles. Si leur influence est diffuse, la durée la rend significative. Elle l'est d'autant plus que l'éclatement des fonctions centrales, l'étalement et la ségrégation des résidences, le coût individuel et collectif des déplacements, la pollution et les nuisances brisent les mécanismes qui contribuaient à faire de la ville un intégrateur social.
Les échanges qui ont permis l'élaboration de ce texte, ont été particulièrement fructueux. Ils ont notamment souligné la volonté d'en finir avec des procédures complexes, longues, éloignées du "terrain". C'est bien pourquoi ce projet de loi combine l'effort de cohérence et celui de simplification. La démocratie et la lisibilité pour l'opinion des choix accomplis y gagneront.
On a également souligné au cours de ces débats la volonté que l'État puisse non pas tarir, mais stimuler les initiatives locales. C'est également ce qui nous a conduit à concevoir "l'agglomération" non pas comme un dessaisissement des communes mais comme un point d'appui ; car je suis de ceux qui pensent que, pas plus que la nation, les communes n'ont épuisé leur force propulsive en matière de démocratie locale et de participation citoyenne. Beaucoup de citadins nous l'ont dit : ils ne peuvent plus attendre. C'est ce qui commande notre volonté qui nous anime d'obtenir des résultats le plus vite possible. Il y a urgence
Ce texte prend place dans une continuité. Il se présente comme une suite logique de la loi sur l'intercommunalité de Jean-Pierre CHEVENEMENT. Il constitue le prolongement de la loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire, de Dominique VOYNET, et qui favorise les projets de "pays" et d'agglomération. Ce texte s'inscrit aussi dans l'esprit qui a présidé à l'adoption et à la mise en œuvre de la loi sur l'exclusion qu'a défendu Martine AUBRY. Il se présente enfin comme une volonté du gouvernement de jouer "cartes sur table" : en donnant suffisamment à l'avance aux élus, aux équipes municipales des moyens à saisir pour élaborer leurs projets à un moment décisif pour l'opinion et le débat démocratique et électoral. Le texte que nous vous proposons repose sur trois principes, j'oserai même dire, trois valeurs qui lui donnent du sens. On peut les formuler ainsi : Solidarité et partage, Développement durable et qualité de la vie, Démocratie et décentralisation. En premier lieu, Solidarité et partage. C'est nécessaire pour engager le renouvellement urbain, pour conforter les lieux propices aux fonctions d'échange et de brassage, pour assurer la mixité sociale dans des villes plus sûres, grâce à un habitat diversifié dans sa nature, son statut d'occupation, sa typologie à l'échelle des quartiers, des communes et des agglomérations. Solidarité aussi en renforçant le lien entre territoires urbains et territoires ruraux. Il s'agit moins, en effet j'y insiste, de lutter contre l'étalement urbain que contre l'éclatement social. Cette valeur de solidarité -qui n'est rien d'autre que ce que les Républicains d'hier appelaient "fraternité" dans le triptyque de notre devise- est au cœur du projet qui vous est présenté. Parce qu'il s'emploie à faire vivre l'ambition d'une ville solidaire dans une société solidaire et une France solidaire.
En deuxième lieu, développement durable et qualité de la vie développement nécessaire, parce que porteur du progrès économique qui permet l'accroissement des richesses et aussi l'amélioration générale de la qualité de vie matérielle, sociale et culturelle. Développement que nous voulons durable en terme environnemental, parce que fondé sur l'économie des ressources non renouvelables, la préservation des grands équilibres écologiques. Développement durable aussi entre les générations pour ne pas hypothéquer l'avenir et sauvegarder les patrimoines naturels et bâtis.
En troisième lieu, Démocratie et décentralisation. Aménager la cité sans l'implication des citoyens ne peut en effet que conduire à une impasse. Les habitants veulent passer du statut de citadin-usager au statut légitime de citadin-citoyen, ce qui impose que le dialogue l'emporte sur la procédure. Aménager la cité ne peut être que le résultat d'une action collective. L'État qui est le garant de la solidarité se doit de fixer des règles du jeu claires et lisibles, mais ce sont les élus locaux qui, dans le cadre de ces règles sont appelés à prendre toutes leurs responsabilités, à exercer pleinement toutes leurs prérogatives. Le citadin, concerné au premier chef, doit également trouver toute sa place dans le processus d'élaboration des décisions et dans le droit d'évaluation. Acquérir le sens du diagnostic partagé, s'ouvrir à la culture du projet et de l'expérimentation, telle est l'évolution culturelle nécessaire à laquelle nous sommes tous confrontés.
Pour répondre à ces enjeux, notre projet de loi comprend des mesures nouvelles sur quatre registres :
Trente ans après la loi d'orientation foncière, la politique urbaine fondée sur une logique fonctionnelle de zonage doit être reconsidérée pour répondre aux enjeux d'aujourd'hui. Il s'agit de le faire en créant un cadre unique de négociation de stratégies entre zones urbaines et périurbaines, voire rurales qui font partie, je l'ai dit, d'un même espace de vie. Ensuite, il convient d'harmoniser entre politique spatiale, politique de l'habitat et politique des déplacements. Autant d'aspects que les textes séparaient jusqu'à présent, alors qu'ils sont indissociables dans la vie même des habitants. Ainsi organisation de l'espace et la gestion, au sens large, des déplacements seront intimement liées et leur évolution sera interactive. La politique longtemps privilégiée, a consisté à favoriser le mode de transport le plus performant qu'est l'automobile pour répondre à la demande de mobilité (aller plus vite permet d'aller plus loin). Mais cette politique a induit parallèlement des effets négatifs importants en matière d'aménagement urbain et de politique de la ville.
Ainsi est apparu le cercle détestable, souvent amplifié par le jeu des acteurs qu'ils soient publics, économiques ou sociaux, de besoins importants de financements subventionnant, via l'investissement dans les infrastructures, des dynamiques spatiales nécessitant à leur tour d'autres financements tout aussi dispendieux et inefficaces pour en neutraliser les effets pervers. Aujourd'hui et plus encore demain, c'est à l'échelle du bassin de vie, autour des agglomérations, que se jouent les enjeux fondamentaux : aménagement du territoire, développement économique, emploi, habitat. Favoriser un développement urbain plus équilibré, plus durable, c'est ne plus se satisfaire de situations que chacun connaît: des communes qui assument seules les charges de centralité, tandis que d'autres captent les nouvelles sources fiscales ; du rejet du logement social par certaines, tandis que d'autres assument les coûts du renouvellement urbain ; d'une extension urbaine non pensée en fonction des transports collectifs.
Il est donc proposé de substituer au schéma directeur, trop rigide, peu adaptable et donc souvent rapidement inopérant, un schéma de cohérence territoriale alliant la souplesse à l'efficacité. Elaboré par les élus, à l'échelle du bassin de vie, d'emploi et d'habitat, il aura vocation à exprimer la stratégie globale de l'agglomération et à énoncer les choix principaux en matière d'habitat, d'équilibre entre zones naturelles et urbaines, d'infrastructures, d'urbanisme commercial. Il constituera le document de référence des différentes politiques urbaines. Parce qu'il s'agit d'aider à la définition d'un projet collectif, nous avons bien conscience que son processus d'élaboration est au moins aussi important que le document produit. La création d'un syndicat intercommunal, ou d'un syndicat mixte pour élaborer mais aussi suivre et adapter le "schéma de cohérence territorial", vise à garantir une bonne implication des communes et à éviter les risques de fossilisation, c'est-à-dire, d'inutilité de cet exercice de définition d'une stratégie commune. L'obligation de le réévaluer, tous les 10 ans, sous peine de caducité, procède du même souci, d'un souci nourri de l'expérience malheureuse de l'obsolescence rapide de trop nombreux schémas directeurs.
L'introduction de l'enquête publique dans la procédure d'élaboration de ce schéma a pour objectif de permettre un véritable débat démocratique avec les citadins sur l'évolution d'une agglomération qu'ils pratiquent au quotidien. Il s'agit de donner plus de chair et plus de visibilité au projet d'agglomération. La simplification de la procédure d'élaboration permettra quant à elle, de limiter les risques de contentieux. Plus de démocratie, plus de cohérence, plus de lisibilité d'un projet collectif : ces trois principes fondent la réforme importante des documents locaux d'urbanisme proposée. Les plans d'occupation des sols ont été conçus à une époque où il convenait d'abord d'accompagner l'extension urbaine, où la décentralisation n'était pas encore entrée dans les mœurs et avec elle, le souhait des élus de traduire leur projet urbain à travers un document d'urbanisme.
Ce contexte a profondément changé ; c'est pourquoi le gouvernement propose de réformer le plan d'occupation des sols, en le remplaçant par le plan local d'urbanisme. Tout en conservant les aspects positifs et fondamentaux du plan d'occupation des sols -en particulier la détermination claire des conditions d'utilisation du sol sur tout le territoire communal- il permettra de corriger certains défauts ou insuffisances de ce dernier pour en faire le cadre d'un véritable projet urbain.
Une accumulation de prescriptions ne fait pas une stratégie urbaine, pas plus qu'un zonage définissant l'affectation des sols. Par contre rendre plus lisibles pour les habitants d'une commune les orientations en matière de politique de l'habitat, de traitement des espaces publics, de préservation du paysage, identifier les secteurs qui ont vocation à se renouveler, ceux qui doivent être protégés, c'est rendre plus tangibles les perspectives de développement de la commune.
Parce que les situations sont partout différentes et qu'il revient à chaque commune de déterminer, parmi les outils mis à disposition par la loi ceux qui sont utiles à son projet, le nombre des rubriques obligatoires du plan local urbain sera réduit. Afin de permettre à la commune de préparer, là où c'est nécessaire, l'évolution urbaine de tel ou tel quartier, des outils nouveaux seront mis à sa disposition. En particulier, il lui sera possible de déterminer, à l'intérieur des zones urbaines, des secteurs où la constructibilité pourra être "gelée" pour 5 ans, afin de lui permettre de définir les projets de renouvellement urbain qu'elle entend y mener. Toujours dans le souci de lisibilité du projet urbain, nous avons décidé de gommer la frontière invisible mais bien réelle, qui s'est progressivement élevée entre la planification urbaine et l'urbanisme opérationnel. Les règles applicables dans les ZAC seront ainsi réintégrées dans le plan local d'urbanisme. Elles font partie intégrante du projet urbain porté par les élus et qu'il doit traduire. Ce nouvel aménagement dans le projet global de la ville marque en ce sens, une profonde évolution par rapport à la situation actuelle.
La procédure d'élaboration -comme celle des schémas de cohérence territoriale- sera simplifiée, tout comme la procédure de modification, ce qui permettra de réduire les sujets de contentieux. La réforme de la carte communale permettra de conférer aux communes qui le souhaitent, un pouvoir aujourd'hui réservé aux communes dotées d'un plan d'occupation des sols : celui de délivrer les permis de construire, mettant ainsi fin à une dichotomie entre les communes "majeures", émancipées en quelque sorte de la tutelle de l'État et les autres. Enfin, une réforme visant à ajuster la fiscalité de l'urbanisme viendra compléter ce volet qui permettra en particulier de doter les communes qui le souhaitent, de la possibilité de créer un régime simple et clair de participations pouvant être demandées aux propriétaires bénéficiant directement d'investissements publics rendant constructibles leurs terrains.
J'ai déjà évoqué au début de mon propos le défi majeur auxquelles sont confrontées nos villes : celui de la ségrégation urbaine, volet majeur de l'injustice sociale qui peut menacer notre pacte républicain. En ce domaine, depuis l'avancée notable qu'a constitué la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991, les faits parlent d'eux-mêmes. Certaines communes ont compris la nécessité de la mixité urbaine, dont la loi affirmait sans ambiguïté l'urgence et ont engagé des efforts en ce sens. Ces efforts doivent être salués et leurs auteurs confortés dans leur démarche. D'autres se sont au contraire cantonnées dans une logique de repli, de refus de l'accueil sur leur sol du logement social.
De telles pratiques ne sont plus acceptables. Elles conduisent à condamner au "mal-logement" certaines familles, parce qu'elles rejettent sur d'autres communes l'effort de solidarité, parce qu'elles rendent plus difficile la nécessaire transformation de certains quartiers en voie de ghettoïsation. C'est parce que ces comportements ne font que rejeter, ailleurs et sur d'autres, la responsabilité de gérer les conséquences de ce qui est en réalité une manifestation d'égoïsme que le gouvernement a la ferme volonté de changer la donne. Qu'est il proposé concrètement ? Au sein d'une agglomération, le logement locatif social est bien souvent concentré sur quelques communes, alors que d'autres communes ont un caractère exclusivement résidentiel : il est proposé de corriger cette tendance et de répartir de façon plus équilibrée le logement social dans un souci de mixité. Comment ? En incitant les communes qui ont peu de logements sociaux à en construire chez elles, en se fixant des objectifs triennaux de construction qui permettront de parvenir à rattraper ce retard sur une vingtaine d'années car les politiques de l'habitat se font sur le long terme.
Cette indication prendra la forme concrète d'une contribution de solidarité de 1 000 francs par logement manquant et par an, versée non à l'État mais à la communauté d'agglomération ou à la communauté urbaine dont la commune est membre et dont seront déduites toutes les sommes engagées par la commune pour réaliser du logement social sur son territoire. La commune n'aura donc pas à acquitter cette contribution, dès lors qu'elle s'inscrira dans un effort continu de construction, tout à fait raisonnable en rythme annuel.
Ce n'est que si les engagements pris ne sont pas respectés que l'État pourra intervenir en passant convention avec un organisme HLM pour réaliser les logements que la commune n'a pas réalisés. Bien entendu, il ne peut s'agir que d'une mesure de dernière extrémité, dont je souhaite qu'elle garde une vertu dissuasive. Je tiens également à souligner un point, très important selon moi dans l'économie générale de notre projet. Il s'agit de la volonté d'être en cohérence avec la loi sur l'intercommunalité votée l'an dernier en favorisant l'échelle des agglomérations pour des politiques d'équilibre de l'habitat Le gouvernement a souhaité que, là où existent des communautés urbaines ou d'agglomération ou de communes, il revienne au programme local de l'habitat de fixer les objectifs de réalisation de logements sociaux pour chaque commune, avec la possibilité de mutualiser les déficits et les efforts de constructions par rapport à la norme de 20 %.
Certaines dispositions permettent d'éviter toutefois la tentation de compromis contraires à l'esprit de la loi : à travers le maintien du volume global de logements à réaliser à l'échelle de l'agglomération; à travers l'impossibilité du statu quo, car un PLH qui ne prévoirait aucun rattrapage dans une commune déficitaire serait illégal. Le dispositif que propose le gouvernement est donc équilibré et progressif. Les volumes à réaliser correspondent à un rythme annuel réaliste pour les communes concernées, et ouvert tant à la construction neuve qu'à l'acquisition-amélioration. A ce titre, il me semble très important de rappeler les évolutions majeures engagées depuis 2 ans et demi initiées par Louis Besson pour redonner au logement social les moyens de remplir sa tâche et de contribuer à une politique de mixité. Celui-ci est aujourd'hui accessible à plus des deux tiers des ménages, je dis bien plus des deux tiers, depuis le relèvement des plafonds de ressources d'accès au logement social. Le financement de l'acquisition-amélioration qui permet de transformer en logement social des logements existants et constitue à ce titre un outil privilégié de mixité urbaine, a été sensiblement renforcé. Est-il besoin de souligner aussi que la qualité urbaine et architecturale des programmes de logements sociaux actuels n'a rien à envier aujourd'hui à celle des programmes privés.
Elle est même souvent à la pointe de l'innovation. Affirmer l'inverse, c'est entretenir des fantasmes porteurs d'intolérance et d'exclusion ; c'est se réfugier derrière de faux prétextes pour continuer une politique ségrégative inacceptable. La réforme de la LOV doit aussi être mise en perspective avec la relance de la politique de la ville engagée par le gouvernement, sous l'impulsion de Claude Bartolone, notamment l'objectif de requalification en profondeur de certains quartiers HLM. Redonner un cadre de vie de qualité aux habitants de ces quartiers, c'est aussi une condition nécessaire à la mixité. Renouveler l'offre HLM obsolète, qui engendre la vacance ou le ghetto, cela implique de relancer globalement une offre de logement social de qualité, pour permettre ces restructurations en profondeur. A défaut de cette relance de la construction, il n'y aura pas de marge de manœuvre pour cette politique de renouvellement de l'offre HLM de moyen et long terme.
Je veux dire ici, très sereinement aux familles vivant aujourd'hui dans les logements sociaux que je ne peux accepter le mépris dans lequel certains les considèrent. Je veux dire ici aux jeunes des villes où l'on refuse de créer de tels logements que l'attitude de certains les condamneront à aller chercher un toit ailleurs que là où ils ont leurs attaches familiales et affectives. Le logement social n'est pas anonyme. Derrière chaque porte, il y a des hommes, des femmes, des enfants. Donnons un visage à ces logements et cessons au plus vite ces injures faites aux millions de résidents en HLM.
Cet objectif, c'est le fil conducteur de la politique que nous menons avec Louis BESSON depuis deux ans et demi. Parce que la demande logement est diverse, il faut que l'offre le soit. Et notre action doit contribuer à élargir les possibilités de choix pour nos concitoyens –tous nos concitoyens- en matière de logement : choix entre l'accession sociale et le locatif, entre l'accès au logement social ou à un parc privé de qualité. Cette diversité de l'habitat est importante pour répondre à la demande sociale. Elle l'est aussi pour contribuer à l'équilibre de nos villes, à la diversité de leur tissu urbain et social. Une ville homogène, n'est pas vraiment une ville : c'est vrai pour les ZUP des années 60, c'est vrai aussi pour les quartiers pavillonnaires à perte de vue. C'est pourquoi le projet de loi se doit d'apporter sa contribution à cette politique de diversité et aussi de qualité de l'habitat. Il le fait sur différents registres. La mixité et le renouvellement urbain nécessitent des opérateurs performants : les organismes HLM doivent faire partie de ceux-ci. Pour cela il s'agit d'abord de confirmer la mission d'intérêt général des organismes et préserver durablement la vocation sociale de leur parc. Il s'agit également de renforcer leur contribution à la diversité de l'habitat, en particulier en leur permettant d'intervenir en matière d'accession sociale et en consolidant leur rôle d'opérateur urbain.
Cette mission éminente des organismes HLM si importante pour la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens, il est essentiel qu'elle soit remplie dans un vrai dialogue avec leurs locataires. C'est pourquoi nous voulons franchir une nouvelle étape en matière de concertation en prévoyant la mise en place localement de plans de concertation locative pour permettre des échanges plus continus. La mixité urbaine et de l'habitat passe aussi par une politique active de renouvellement urbain, c'est à dire de recomposition de nos villes, de valorisation des tissus urbains existants. Dans les dernières années, et la décentralisation y est pour beaucoup, nos villes se sont souvent embellies, en particulier les centres villes. Pourtant, dans le même temps, certains quartiers existants, qu'il s'agisse de quartiers d'habitat social ou de quartiers anciens, se sont dégradés et paupérisés. Une intervention publique forte est nécessaire pour enclencher un processus de revalorisation. Les dispositions de la loi visent à permettre cette reconquête urbaine et à garantir pour tous des conditions de logement décentes, tout en luttant contre l'exploitation de la misère.
Elles portent en particulier sur deux sujets sensibles : la réforme des procédures d'insalubrité et de péril d'une part ; l'amélioration des dispositifs de prévention et de traitement des copropriétés en difficultés d'autre part. En matière d'insalubrité et de péril les procédures seront simplifiées et les dispositions permettant la réalisation des travaux seront renforcées. Je pense en particulier à la suspension du loyer tant que les travaux prescrits pour mettre fin à la situation d'insalubrité n'ont pas été réalisés par le propriétaire défaillant. Une copropriété en perdition, c'est également tout un îlot, voire parfois tout un quartier, qui se déprécie. Là encore, il s'agit parfois d'un marché de la misère dont souffrent ceux qui, de facto, ne peuvent accéder au logement social. En ce domaine, nous proposons à la fois des mesures préventives, pour encadrer notamment les mises en copropriété et clarifier la gestion. Nous proposons aussi le renforcement des procédures adaptées aux situations de crise : le plan de sauvegarde et l'administration provisoire.
La civilisation urbaine, c'est aussi un accroissement considérable des déplacements : nos concitoyens bougent beaucoup et de plus en plus pour aller travailler, pour partir en vacances, pour partir se promener à la campagne ou dans d'autres villes. On ne peut méconnaître cette demande croissante de déplacements. Il faut bien entendu la satisfaire sans pour autant en subir les contraintes. Cela passe par une sélectivité de l'offre de déplacements par rapport à la demande de mobilité, car il existe une limite collective, financière et environnementale à l'expansion de la demande.
L'équilibre entre la mise en place d'une politique des déplacements, avec la politique d'aménagement dans le cadre des schémas territoriaux de cohérence, apporte un élément de réponse. Il est nécessaire de mettre en œuvre une politique globale de régulation pour éviter l'asphyxie de nos villes, c'est-à-dire éviter la régulation par la congestion. Pour cela, il faut en finir avec les politiques qui ont conduit à adapter exclusivement les villes à l'automobile. En disant cela, je ne cherche pas à diaboliser l'automobile, mais, à signifier que dans le tissu urbain, il est préférable de réduire l'usage de l'automobile, celle-ci ayant, par ailleurs, des avantages incontestables (souplesse d'utilisation, rapidité...) pour d'autres espaces de déplacements. Jusqu'à maintenant, les plans de déplacements urbains sont peu contraignants. L'objectif de la loi est de leur permettre d'être les véritables outils de régulation dont nous avons besoin, notamment pour mettre en place des politiques de stationnement plus cohérentes à l'échelle de l'agglomération.
Le PDU permettra de définir de grandes orientations en matière de stationnement sur voirie, avec la mise en place notamment d'une tarification cohérente, ainsi qu'en matière de parkings de rabattement autour des grands axes de transports en commun. Le plan de déplacement urbain permettra également, en application des dispositions du projet de loi, de mieux harmoniser les obligations relatives à la circulation des marchandises. Enfin, j'ai tenu à ce que soient expressément précisées dans les plans de déplacements urbains, les dispositions en matière de sécurité des déplacements : sécurité routière, sécurité du et dans le transport collectif, sécurité du piéton et des autres modes "doux" et économes, accessibilité pour tous. Les collectivités locales -qui seront en charge de l'élaboration des P.D.U. au travers de syndicats intercommunaux- devront ensuite se conformer aux prescriptions sur lesquelles elles se seront mises d'accord dans le cadre du plan de déplacement urbain, le maire conservant évidemment toujours la possibilité de prendre toute mesure de sécurité ou des dispositions spécifiques à l'occasion de tel ou tel événement particulier.
La gestion du stationnement est au cœur des réflexions qui ont conduit aux propositions qui vous sont faites aujourd'hui. Le stationnement constitue en effet un levier essentiel des politiques de déplacement. Il est donc proposé de donner aux autorités organisatrices de transport la possibilité de gérer d'une même main transports en commun et stationnement pour en faire des autorités organisatrice de déplacement. Ainsi, la loi permettra, pour les communes qui le souhaitent, le transfert à un niveau intercommunal des responsabilités en matière de tarification du stationnement. Cette disposition permettra une plus grande harmonisation de la gestion du stationnement au niveau de l'agglomération. Par ailleurs, au sein d'une même aire urbaine, coexistent plusieurs autorités compétentes sur les réseaux de transport urbain ou non urbain de voyageurs, situation peu propice à la synergie et à la complémentarité. Il y a donc lieu de rechercher les meilleurs moyens d'une harmonisation des différents réseaux de transport en incitant et en encourageant la coopération entre les autorités organisatrices.
Nous proposons donc d'ouvrir une possibilité nouvelle de création de syndicats mixtes de transport, qui pourront associer sur une même aire urbaine : le département, la région, des autorités organisatrices... La vocation de ces syndicats mixtes sera de : coordonner les services à l'intérieur de leur périmètre, par exemple le train, le tramway, les autocars, de coordonner l'information des usagers, d'exercer, pour le compte de ses membres, tout ou partie de leurs compétences de transport, y compris la réalisation de nouveaux équipements, comme les "trains-tram". Afin de contribuer, à améliorer l'offre et la qualité de transport -qui vous le savez, est parfois médiocre dans les zones périurbaines extérieures aux périmètres de transports urbains- il est prévu que ces syndicats mixtes pourront prélever, sous certaines conditions, un "versement transport" à un taux maximal de 0,5 %. Bien évidemment, la question plus générale du financement des transports collectifs est posée et je sais tout l'intérêt que vous portez à cette question. Il est nécessaire de rompre avec le double discours qui prônerait le développement des transports publics sans leur donner les moyens de leur développement.
Tout d'abord un rappel des chiffres : Au cours du XIème plan, pour les transports collectifs urbains de province, les subventions de l'État, aux autorités organisatrices, ont atteint 3,6 Milliards de F.sur 6 ans soit un montant de subvention moyen annuel de 600 Millions de F. Depuis mon arrivée au gouvernement, les crédits de l'État ont augmenté en ce domaine de 37 %, mais il faut aller plus loin, car les besoins vont croissants. Je le sais d'autant plus que j'ai signé de 1997 à aujourd'hui, 16 dossiers de prise en considération correspondant à 186 km de nouveaux sites propres. Des financements nouveaux sont nécessaires. Je viens de les obtenir. Je suis en mesure, Mesdames, Messieurs les Députés, d'annoncer que le gouvernement, à ma demande, vient de décider un effort exceptionnel pour les transports collectifs. Dès 2001, et cela de manière pérenne, 1 milliard de francs de crédits supplémentaires permettra un essor sans précédent des transports en commun, en particulier en agglomération.
Cela veut dire un effort de l'État de 500 millions de francs pour le subventionnement des opérations lourdes d'aménagement de transport collectif, tant en province qu'en Île-de-France (tramways, sites propres...) ; Cela veut dire également une enveloppe nouvelle de 500 millions de francs de crédits déconcentrés auprès des préfets, dès 2001, pour accompagner la mise en œuvre des plans de déplacement urbain dans les agglomérations. L'État se mobilise ainsi aux côtés des autorités organisatrices et des communautés d'agglomération, pour contribuer au financement des projets de qualité de service, des opérations destinées à un meilleur partage de la voirie. L'enveloppe annuelle des financements aux transports collectifs passera ainsi de 1,2 milliard de francs en 2000 à 2,2 milliards de francs dès 2001, soit un quasi doublement par rapport à la période passée. Ces dispositions seront intégrées dans le projet de loi de finances pour 2001, déjà en cours de préparation.
Elles s'accompagneront d'une modification des textes qui fondent le subventionnement pour tenir compte des besoins nouveaux émergents. Parmi les orientations, qui sont retenues, je souligne la nécessité de clarifier les règles de prise en compte des projets intéressant les zones périurbaines, notamment pour les transports ferroviaires périurbains et les trams-trains, les pôles d'échanges, les parcs-relais, la billétique et, plus généralement, tous les moyens nouveaux qui peuvent favoriser l'intermodalité. Des modulations des subventions pourraient également être envisagées pour les projets susceptibles d'être contractualisés dans les futurs contrats d'agglomérations, afin de favoriser les approches d'un projet urbain global que les transports collectifs permettent de structurer. Vous le voyez, le gouvernement est décidé à s'engager en faveur des transports collectifs urbains dans un effort sans précédent, à la hauteur des enjeux. C'est une nouvelle donne pour les transports collectifs. A cela s'ajoute une mesure très attendue par les entreprises de transport collectif : l'extension, à compter de 2001, au profit du transport collectif de personnes de la mesure dite de "carburant professionnel" qui permet de neutraliser l'effet de l'augmentation de la TIPP sur le gazole.
Vous le voyez, le gouvernement a souhaité, en anticipation sur son calendrier budgétaire, donner un signal très fort en faveur d'une amélioration des politiques de transport qui touchent à la vie quotidienne de chacun et chacune. Enfin, nous avons souhaité traiter le dossier plusieurs fois ouvert et immédiatement refermé des transports en Ile-de-France. L'Ile-de-France est la région capitale. Elle concerne plus de 11 millions d'habitants, et elle ne peut donc être comparée à aucune des autorités organisatrices existant en province. De plus, la majorité des transports est assurée par deux entreprises publiques nationales. Toute évolution doit se faire en prenant en compte cette réalité qui est un atout. Tout se fera avec les personnels qui, quotidiennement, permettent la mise en œuvre de ce service public. Leur statut tout comme celui des entreprises sera donc évidement maintenu.
La création du Syndicat des Transports Parisiens (STP) en 1959 répondait au souci de rationaliser le cadre institutionnel pour accompagner le développement des infrastructures de transport en commun. En effet, jusqu’à cette création, l’éclatement des compétences entre plusieurs collectivités et l'État compliquait les prises de décisions et nuisait à la bonne coordination des moyens et des énergies. A l'heure de la décentralisation, l'absence de la région au sein du conseil d'administration du Syndicat des Transports Parisiens est devenue anachronique. De plus, la croissance des besoins de déplacements, l'émergence de nouveaux modes de transport, en particulier le renouveau du tramway, la nécessité de mieux expertiser les choix d'investissements, justifient une évolution significative de l'organisation du Syndicat des Transports Parisiens. Les grandes orientations de la réforme s'inscrivent dans une démarche globale : L'indispensable clarification des responsabilités entre le Syndicat des Transports d'Île-de-France, autorité organisatrice et les transporteurs publics et privés doit être réalisée par la contractualisation et le renforcement du contrôle de la maîtrise d'ouvrage.
La nécessaire démocratisation dans les processus de décision doit impérativement associer tous les acteurs du transport. La composition du conseil d'administration du syndicat des Transports d'Île-de-France sera donc modifiée pour accueillir, aux côtés des autres membres que sont l' État et les Départements, les représentants du conseil régional d'Île-de-France, tout en laissant la majorité à l'État.
C'est la reconnaissance du rôle de la région, qui contribue déjà très largement au financement des investissements de transport régional. A ces évolutions, doit correspondre aussi un véritable travail pour clarifier les relations financières entre les différents partenaires, afin de mieux responsabiliser notamment les entreprises de transports publiques ou privées. La contractualisation, sur une durée de 3 ans, permettra de définir les volumes et qualités des services, l'évolution des niveaux et structures tarifaires ainsi que les financements publics correspondants. Elle précisera l'implication et la responsabilité des transporteurs sur la base d'objectifs et d'indicateurs définis en commun. Cette démarche permettra au secteur public d'apporter la démonstration de son efficacité tant au niveau économique que social. Il s'agit d'un levier déterminant pour le développement du service public et l'intervention efficace et responsable des acteurs institutionnels économiques et sociaux.
Dans le même temps, il sera créé un comité des partenaires du transport public regroupant les usagers, les organisations syndicales et professionnelles ainsi que les collectivités locales, pour renforcer la concertation avec les acteurs des transports collectifs. Ce comité sera consulté et donc étroitement associé à la définition et au suivi de la qualité de service dans les transports d'Île-de-France.
Autre point majeur de ce volet déplacements, la décentralisation des services ferroviaires d'intérêt régional. Au travers des dispositions prévues dans ce projet de loi, le gouvernement vise à franchir une étape décisive et irréversible d'un processus engagé dès 1982. Ce processus constitue un événement majeur dans l'organisation des transports ferroviaires et dans l'histoire de la SNCF. Il aura fallu près de deux décennies pour ajuster par des expérimentations successives un dispositif permettant de rapprocher du terrain les décisions concernant l'organisation des services régionaux tout en maintenant l'équilibre et l'unicité du réseau et des services ferroviaires. C'est, en effet, dès la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982, que le principe d'un partenariat entre la SNCF et les régions a été posé. C'est la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de février 1995 qui a introduit le principe d'une expérimentation de relations contractuelles nouvelles entre les régions et la SNCF, et dessiné ainsi les modalités d'un transfert de compétences aux régions. L'expérimentation elle-même a été initiée en 1997 d'abord sur six régions volontaires : Alsace, Centre, Nord Pas-de-Calais, Pays de Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes rejointes en 1999 par une région plus représentative de la spécificité rurale, la région Limousin.
On le voit, cette opération de décentralisation n'est en rien précipitée ou improvisée. Elle est le fruit d'une longue période de rapprochement entre la SNCF et les régions, période qui a permis de caler progressivement une prise de responsabilité pleine et entière de la région sur la définition des services, dans le respect de la cohérence nationale de l'offre ferroviaire que j'évoquais précédemment. Trois ans après le début de l'expérimentation, un très large consensus se dégage pour tirer un bilan positif de cette expérimentation. Celle-ci se traduit par une plus forte croissance du trafic, qui se nourrit naturellement d'une amélioration significative de la qualité et de l'offre de service, et d'une vigilance accrue envers les besoins de la clientèle.
L'association des régions de France exprime de manière unanime, et je m'en réjouis, le souhait de voir réaliser un transfert définitif de la compétence en matière d'organisation des transports express régionaux. L'objectif -partagé par l'État, les régions comme par la SNCF- est de confier la responsabilité pleine et entière de l'organisation et du financement des services régionaux à la région. C'est donc une réforme de proximité puisque la région est un échelon politique plus proche des usagers. C'est aussi une réforme qui vise à une plus grande responsabilisation des acteurs. J'ajoute que le dispositif présenté a fait l'objet, très en amont d'une très large concertation qui a permis de régler bon nombre de question. Bien évidemment, un accord de principe ne signifie pas indifférence sur les conditions techniques et financières de ce transfert de compétence.
Le texte qui vous est proposé a vocation, tout à la fois, à mieux répondre au besoin des clients, à favoriser une ouverture de l'entreprise SNCF, à développer son ancrage local, essentiel pour l'avenir du transport ferroviaire. Le projet de loi a donc pour objet de définir les modalités de transfert aux régions de l'organisation et du financement des services régionaux de voyageurs. Ce transfert devrait avoir lieu 1er janvier 2002. Je dois souligner que cette date -et c'est très important- a fait l'objet d'un consensus entre l'ensemble des régions, qui ont souhaité, sur ce sujet difficile de la date de mise en œuvre, parler d'une même voix. Ce transfert sera effectué, comme tout transfert de compétence, sans transfert de charge. Les régions se verront attribuer une dotation générale de décentralisation comme compensation financière. Celle-ci permettra d'assurer le fonctionnement du service et comprendra une dotation permettant d'assurer le renouvellement du matériel ferroviaire (les TER). Cette réforme s'effectuera avec toutes les garanties offertes par les lois de décentralisation : indexation de la dotation, et vigilance de la commission consultative d'évaluation des charges. Bien sûr, tout n'est pas totalement réglé. Le débat parlementaire nous permettra de renforcer encore cet accord politique majeur. Cette réforme, vecteur de la modernisation des services ferroviaires et des régions, est donc très attendue de tous.
J'ajoute que la dynamique induite par la régionalisation du transport ferroviaire s'inscrit pleinement dans ce projet de loi, construit autour de la problématique urbaine. Le transport ferroviaire permet de mieux organiser l'espace et d'articuler la ville et l'inter-villes. Il participe de la qualité de la vie dans les villes puisqu'il assure le lien avec les zones rurales et le tissu des villes petites et moyennes qui sont aussi au cœur de ce projet de loi.
Pour conclure sur ce volet déplacement, vous voyez que ce projet de loi a pour objet de mieux organiser les différents espaces et les modes de transport : l'agglomération avec ses transports collectifs adaptés, le péri-urbain avec des formes de desserte plus lourdes comme le train-tram ou le RER, l'inter-ville dans lequel le TER (Train Express Régional) constitue le moyen moderne de déplacement entre les pôles régionaux. Ce projet de loi enrichit et renouvelle la décentralisation puisque, à côté du premier pilier que constitue la formation, le développement des régions va reposer sur le pilier transport. La région sera ainsi un espace pertinent pour le développement des échanges et des transports dans l'Union européenne. En conclusion, je souhaite revenir sur deux aspects fondamentaux de ce projet de loi : Il s'agit, pour la première fois, d'une loi d’ensemble sur la ville, le monde urbain et ses enjeux, une loi qui aborde dans une même démarche les différentes politiques urbaines, de déplacements, d’habitat et d’urbanisme ; Il s'agit aussi d'affirmer la place des élus au centre du dispositif et de leur donner les moyens de façonner, aux différentes échelles de la commune et de l'agglomération, la ville de demain : une ville plus ouverte, plus accessible, plus humaine, plus solidaire. Vous l'avez bien compris, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis est, de par les sujets qu'il aborde et les réponses qu'il apporte un véritable projet de société. Certes, j'ai bien conscience qu'il ne suffira pas à lui seul à régler comme par enchantement l'ensemble des difficultés, des violences, des injustices que recèle notre société. J'ai cependant la conviction tout aussi forte qu'il constitue une étape importante dans la réalisation des objectifs fixés à ce gouvernement par Lionel JOSPIN, attendus et parfois avec impatience par les élus, les acteurs de l'urbanisme, autant que par les citoyens eux-mêmes.
Il constitue cette étape, aussi bien par l'ambition que ce projet porte et l'ampleur de ce qu'il propose que par l'objet qui est le sien : la ville et la civilisation urbaine qui sont notre destin commun. Car depuis ses origines, la ville a été le lien de l'échange et de la rencontre des autres ; celui du rythme et de la mobilité, celui où s'inventa et s'expérimentera la démocratie. L'expérience le montre également, la ville a toujours anticipé le cours des choses. Elle a été l'espace des avant-gardes en tous domaines, et ce qui bat et palpite dans ses veines profondes n'est pas à la marge de la vie sociale mais en son cœur même. C'est bien pourquoi, il importe aujourd'hui d'entendre ce qu'elle exprime dans ses déchirures comme dans ses espoirs. Le respect d'autrui et de soi-même n'est-il pas ce qui s'appelle à juste titre l'urbanité. C'est l'esprit qui nous a guidé en préparant ce projet de loi.
Naturellement, il constitue une œuvre de longue haleine qui suppose la distance et s'appuie sur le long terme. Mais en même temps, il parle pour aujourd'hui, s'attaque aux "laisser-faire" qu'on prend trop vite pour des fatalités, s'emploie à apporter des transformations rapides et durables du cours des choses. Ce texte résulte d'une écoute attentive des élus, des représentants de la société civile représentatifs du monde urbain, des professionnels et des experts, "ceux d'en haut et ceux du terrain, du quotidien, depuis 33 mois que nous sommes au gouvernement et singulièrement durant le grand débat sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements. Il a été mûri, réfléchi, infléchi après de longues et multiples réunions avec l'ensemble des associations d'élus régionaux, départementaux, municipaux, avec les organisations représentatives des secteurs de l'aménagement, de l'urbanisme de l'habitat, des transports. Ce texte a la volonté de répondre à la fois à des préoccupations de très court terme, je pense plus particulièrement au volet habitat et aux mesures concrètes et immédiatement opérationnelles sur des préoccupations aussi lourdes que l'insalubrité et les copropriétés dégradées. Il vise aussi à permettre, à moyen et long terme, à nos villes d'évoluer comme nous souhaitons que la société évolue : vers plus de justice, plus de respect, plus d'égalité, plus de dignité.
Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi un dernier mot. Chacune et chacun d'entre vous a pu mesurer la cohérence et la densité des propositions qu'il contient et qui vous sont faites au nom du gouvernement. Pour autant, j'ai bien conscience qu'il est encore perfectible. Je souhaite pour ma part que le débat qui va s'engager prolonge par sa richesse celui qui l'a précédé et à contribué à son élaboration. Je serai donc très attentif à toute suggestion constructive visant à en approfondir la démarche et à en développer le contenu.
Je vous remercie de votre attention et vous propose monsieur le président de laisser la parole à Claude BARTOLONE pour préciser l'articulation de ce projet avec la politique de la ville qu'il met en œuvre et à Louis BESSON pour présenter la cohérence des dispositions prises avec l'ensemble de la politique du logement qu'il conduit.
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