18-12-2023
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3/3 - Auroville Inde
Source:
http://agora.qc.ca/documents/auroville-1
Bernard Proulx: Professeur de philosophie, Collège Ahuntsic.
Auroville International
http://www.auroville-international.org/
AUROVILLE INTERNATIONAL
Unity Pavillon
605101 Auroville
T.N. INDIA
tel : +91 (0)413 - 2 622 121 Kathy ,
AVI office
email : avi (at) auroville.org.in
Guest Information & Booking of Accommodation
:
avguests (at) auroville.org.in
Public Relations :
outreach (at) auroville.org.in
AVI
FRANCE
c/o Savitri
14 rue de Lancry
75010 Paris
France
Tel: (033) 01 43 39 16 99
Or (0033) 0671 08 32 17 (mobile)
Email: franceav (at) free.fr
Voyager en Inde
http://www.tourdumonde.be/inde/
http://www.voyages-transversales.com
. . situé à proximité de
Pondichéry
1654
Colbert crée la Compagnie française des Indes Orientales.
1673
un émissaire français achète au sultan de Bijapur un
hameau de pêcheurs, Poulitchéry.
1674
François Martin fonde la
ville qui va devenir Pondichéry.
1726
siège des Établissements français de l'Inde.
1742
Dupleix gouverneur général
des Indes. Affrontement avec les Anglais pour la prédominance commerciale ;
prise de Madras (1746) ; Dupleix étend le domaine de la Compagnie en s'appuyant
sur les princes indiens.
1754
rappel et disgrâce de
Dupleix qui indisposait la Cour de Louis XV. Son successeur signe un accord de
non concurrence avec les Anglais, abandonnant les positions de la France.
Lally-Tollendal, commandant le corps expéditionnaire, battu par les Anglais,
puis assiégé ds Pondichéry qui capitula.
1761 Pondichéry
: anéantie et incendiée.
1763 vestiges de la ville rendus à la France (Traité
de Paris), les Établissements Français de l'Inde réduits à 5
comptoirs. Pondichéry reconstruite ne joue plus qu'un rôle culturel
(qui perdure) avec ses institutions (Alliance française, lycée
français et surtout l'Institut français d'Indologie (École française
d'Extrême-Orient). 1954
restitution amiable à l'Inde des 4 comptoirs français.
1914 et
1926 Sri Aurobindo,
philosophe et anc. ministre, fonde avec sa compagne française un
ashram (recherche du dépassement de soi-même) devenu un des centres
spirituels les + importants de l'Inde.
Auroville
Présentation Description de la
Cité de l'Unité humaine conçue par une disciple de Shri Aurobindo.
La ville est située en Inde, au Nord de Pondicherry, au Sud de
Madras.
Extrait
La terre n'est pas prête
pour réaliser un idéal semblable, parce que l'humanité ne possède
pas encore la connaissance suffisante pour le comprendre et
l'adopter ni la force consciente indispensable à son exécution;
c'est pourquoi il l'appelle un «rêve». Pourtant ce rêve est en voie de
devenir une réalité; et c'est à cela que nous nous efforçons à
l'ashram de Shri Aurobindo.
Texte Est-il possible d'imaginer
une ville où la surproduction, le chômage, l'inflation et l'appât du
gain seraient inconnus, où la capacité de consommer ne déterminerait
pas la supériorité de certains citoyens sur les autres, où l'air et
l'eau seraient libres de toute pollution, où l'activité politique ne
serait pas une course au pouvoir, au prestige et au profit
personnels, où l'on ne saurait que faire d'un appareil policier et judiciaire? Projet utopique, à première vue; pourtant, c'est ce que
veut être Auroville!
Alors qu'elle dirigeait l'ashram de Shri Aurobindo, la Mère1 résumait ainsi le «rêve» du Maître en regard
de l'avenir de l'humanité: «Il devrait y avoir quelque part
sur terre un lieu qu'aucune nation ne pourrait revendiquer pour sa
propriété exclusive, où tous les êtres humains de bonne volonté,
sincères dans leur aspiration, pourraient vivre librement en
citoyens du monde, obéissant à une seule autorité, celle de la
Suprême Vérité, un endroit de paix, de concorde, d'harmonie, où tous
les instincts guerriers de l'homme pourraient être utilisés
exclusivement pour conquérir les causes de ses souffrances et de ses
misères, pour surmonter sa faiblesse et son ignorance, pour
triompher de ses limitations et incapacités; un lieu où les besoins
de l'esprit et le souci du progrès auraient préséance sur la
satisfaction des désirs et des passions, sur la recherche des
plaisirs et jouissances matérielles.
En ce lieu, les enfants
pourraient croître et se développer sans perdre contact avec leur
âme. L'éducation serait donnée non dans l'optique de passer des
examens et d'obtenir des certificats et des postes, mais dans le but
d'enrichir les facultés existantes et d'en développer de
nouvelles.
En cet endroit, les titres et les postes seront
des occasions d'organiser et de servir la collectivité. Les besoins
du corps seront pourvus également pour tous et chacun. Dans
l'organisation générale, la supériorité intellectuelle, morale et
spirituelle trouvera son expression non dans l'accroissement des
plaisirs vitaux, mais dans l'accroissement des devoirs et des
responsabilités.
La beauté artistique sous toutes ses formes
... peintures, sculptures, musique, littérature, sera disponible
également à tous, la possibilité de participer aux joies que les
arts procurent sera limitée par les capacités de chacun non par la
situation sociale et financière. Car dans ce lieu idéal l'argent ne
sera plus le souverain maître. La valeur individuelle aura plus
d'importance que la valeur résultant de biens matériels ou de la
position sociale.
Le travail ne sera pas exécuté d'abord pour
assurer sa subsistance vitale, mais sera un moyen d'expression de
soi, de développement de ses capacités et possibilités personnelles
tout en rendant service au groupe entier, lequel, pour sa part,
pourvoira à la subsistance de chacun ainsi qu'aux moyens de
production.
En résumé ce sera le lieu où les relations
humaines, habituellement fondées exclusivement sur la compétition et
la lutte, deviendront des relations d'émulation, de collaboration et
de réelle fraternité.
La terre n'est pas prête pour réaliser
un idéal semblable, parce que l'humanité ne possède pas encore la
connaissance suffisante pour le comprendre et l'adopter ni la force
consciente indispensable à son exécution; c'est pourquoi il
l'appelle un "rêve". Pourtant ce rêve est en voie de
devenir une réalité; et c'est à cela que nous nous efforçons à
l'ashram de Shri Aurobindo.»
Auroville fut officiellement
fondée le vingt-huit février 1968. Des jeunes gens de nombreux pays
déposèrent dans une urne en forme de lotus un peu de terre de leur
patrie ...
La terre de cent vingt-quatre pays fut mêlée et
devint une. La ville de l'humanité future, la ville de l'Aurore, la
ville dont le projet se veut l'incarnation de l'idéal énoncé par Shri Aurobindo venait de naître. La charte de la ville, rédigée par
la Mère, fut promulguée à cette
occasion.
L'emplacement
L'emplacement prévu
pour Auroville est situé sur un plateau le long de la baie du
Bengale, c'est-à-dire sur la côte est de la péninsule indienne, à
quelques kilomètres au nord de Pondicherry et au sud de Madras. Ceci
correspond au treizième degré de latitude nord, ce qui place
Auroville en climat tropical humide, tempéré par les vents secs
venant de la mer toute proche. Les températures varient entre 30.3°C
en été et 24.4°C en hiver.
Le terrain de cette ville en voie
de réalisation est plissé de ravins; la terre y est plutôt
sablonneuse. La végétation est celle d'une brousse tropicale assez
dense, où l'on retrouve ici et là des palmiers, des tamariniers, des
palmistes, et des banyans géants. Le territoire projeté pour la
ville correspond à une région parsemée de seize petits villages
tamils, population qui occupe ces terres depuis des
millénaires.
Pourquoi
avoir choisi cet emplacement précis? Il y a à cela deux raisons:
l'une historique, l'autre sociale. Historiquement, tout a commencé
en 1910, lorsque Shri Aurobindo délaissa subitement la vie politique
active en réponse à un appel intérieur pressant et s'installa à Pondicherry. C'est là que, de 1910 à 1950, date où il quitta son
corps, il écrivit son oeuvre et qu'il expérimenta les deux dernières
de ses quatre réalisations spirituelles. Vers 1920, Mira Richard,
qui devint la Mère, collabora avec lui à la revue Arya. Elle reçut
la mission de réaliser dans le monde la vision de Shri Aurobindo.
Elle créa et organisa sur une base permanente l'ashram de Shri
Aurobindo dans la ville de Pondicherry dès 1926 et lança le projet
d'Auroville, la Cité de l'Unité humaine, dès
1964.
Socialement, si cette ville avait été construite en
Occident, elle n'aurait pu réaliser un de ses objectifs principaux
qui est l'intégration de l'humanité entière; elle aurait été
inaccessible à l'Asien moyen, isolé dans son village et entièrement
privé de moyens d'information de masse, donc inaccessible à la
moitié de l'humanité. En ce sens, Auroville aurait risqué de devenir
l'affaire d'un groupe socio-économique sélect. De plus, la situation
d'Auroville en Inde peut offrir à ce pays à la fois très religieux
et matériellement pauvre et peu organisé l'exemple vivant d'un
modèle de rechange viable.
La structure
d'ensemble
Le
modèle global de la ville est celui de cercles concentriques dont le
diamètre sera de deux milles de long. Une ceinture de verdure d'une
grande beauté encerclera l'ensemble.
Auroville prévoit
recevoir cinquante mille résidents; ce nombre est jugé suffisant
tant pour assurer une participation vivante à la communauté de la
part de chacun, évitant l'anonymat et la dépersonnalisation des
«mégalopolis», que pour créer une collectivité qui puisse au plan
collectif et individuel se réaliser constamment selon tous les
besoins, aspirations et pouvoirs créateurs de l'homme présent et
futur.
La forme circulaire de la ville sera légèrement
modifiée au niveau de l'aménagement du terrain et des demeures afin
de lui donner, en hauteur, une structure en spirale, ce qui lui
permettra, compte tenu de son orientation, d'utiliser les vents qui
prévalent dans cette région pour tempérer la ville entière jusqu'en
son centre.
La maquette en relief de la ville nous masque
quelque peu la structure symbolique d'Auroville, qui inspirera
l'aménagement général de la ville. Nous touchons ici un point
important de la mentalité spirituelle hindoue.
En Occident,
le génie créateur de l'architecte-urbaniste imaginera quelque forme
géométrique pure (sphère, cercle, pyramide, etc.) et se donnera
comme défi de la réaliser concrètement dans des matériaux de couleur
et de texture offrant le maximum de solidité et de beauté. Dans tous
ces cas, l'architecte travaille au plan mental, à partir de critères
formels mathématiques ou esthétiques, c'est-à-dire de critères
profanes. En Inde, où l'esprit religieux imprègne les moindres
gestes de la vie, l'inspiration vient du symbolisme sacré.
En
ce sens, la Mère s'est inspirée, comme modèle d'Auroville, du
symbole de la Mère Divine, qui représente la puissance créatrice du
Divin à l'oeuvre dans la matière.
Le symbole de la Mère
Divine laisse entendre que le Divin, «l'Un sans second», devient et
continue d'être la multiplicité des êtres individuels par l'exercice
de ses quatre pouvoirs (créateur, conservateur, destructeur et
évolutionnaire), qui incarnent de façon variée les douze attributs
de son être (beauté, sagesse, amour, pureté, etc.).
Le modèle
d'Auroville, qui exprime la structure inversée par rapport au
premier symbole, représente l'effort inexorable du Divin qui tend,
incarné qu'il est dans toutes les formes et particulièrement en
l'homme, à reprendre progressivement conscience de ses attributs et
de son être par le mouvement d'intériorisation psychique qu'il fait
de façon évolutive dans toutes et chacune de ses formes incarnées
dans l'univers. Dans le premier symbole, le Divin se naturalise;
dans le second, la nature se divinise progressivement.
Les
quatre zones d'Auroville représentent les aspects les plus
extériorisés de la ville; ils convergent vers le Matrimandir et ses
douze jardins et tireront leur inspiration de ce centre, véritable
âme de la ville. Le Matrimandir sera le point dominant au plan
architectural de la cité entière.
Symbole de la Mère
Divine 1. le caractère non-dualiste de la substance
divine 2. les quatre pouvoirs de la Mère Divine 3. les douze
attributs de la Mère Divine
La ceinture de
verdure
Modèle d'Auroville 1. le Matrimandir (sanctuaire de la Mère Divine) 2. les douze
jardins 3. la zone résidentielle 4. la zone culturelle 5.
la zone internationale 6. la zone industrielle 7. la ceinture
de verdure
La prise de conscience que le Divin, la Nature et
l'Homme ne sont, au-delà des apparences, qu'un seul et même être
permet de comprendre le souci intense de préserver dans toute la
mesure du possible la topologie du terrain originel de même que la
végétation existante. La ceinture de verdure sera un frein
volontaire à l'expansion de la ville, ce qui évitera deux
inconvénients majeurs: le déséquilibre entre le collectif et le
personnel, déséquilibre qui serait engendré à coup sûr par le
gigantisme; la réunion progressive de deux villes appartenant à un
cycle d'humanité ancienne.
Cette zone, à la fois esthétique
et saine, sera d'une largeur de deux kilomètres; elle comportera des
fermes et de nombreux parcs et respectera le site et l'aménagement
d'une douzaine de village tamils qui occupent déjà le territoire
depuis plusieurs siècles. Une participation très amicale est en
progrès constant entre les deux groupes.
Cette zone sera
conçue selon une architecture d'ombre indispensable en climat
tropical. Cet aménagement permettra aux gens de circuler à couvert;
des trouées de lumière seront toutefois prévues ici et là sous forme
de patios et de jardins suspendus.
Les quatre
zones Dans la zone industrielle, seront groupées les
petites industries et les ateliers d'artisanat. L'envergure et la
variété des industries seront déterminées selon les besoins de la
collectivité, car aucun droit de cité ne sera accordé au profit, à
la concurrence, à la surproduction et au commerce international. Ces
aspects de l'activité économique sont identifiés comme des effets
négatifs (désunion, conflits, etc.) résultant de l'égoïsme et de la
méfiance, caractéristiques de l'homme de transition actuel et signes
douloureux de son inachèvement.
Cette section de la ville
exprimera sa forme particulière de beauté par l'utilisation de
formes architecturales fonctionnelles; des aménagements de verdure
seront concus de façon à coïncider avec ce caractère
pratique.
Un grand complexe agricole complétera l'aménagement
de cette zone. Des recherches expérimentales intenses sont
actuellement en cours pour trouver des méthodes naturelles de
suppression de la pollution qui pourra être provoquée par les
industries futures.
Dans la zone résidentielle, on
encouragera l'innovation et la liberté d'expression au plan
architectural, afin de permettre une grande variété dans les styles
et les formes de domicile. De même, les habitations seront orientées
de diverses façons: certaines seront localisées au milieu de
jardins, d'autres entoureront des «places» où jailliront des
fontaines.
Cette section sera conçue de façon à réaliser dans
les différents matériaux les multiples expressions de la beauté. Par
sa seule présence, l'ensemble sera un stimulant effectif et constant
pour le développement de la sensibilité esthétique de chacun, une
sorte d'oeuvre d'art globale. Cette éducation continue est un aspect
important du processus d'intégration et d'harmonisation réel et
progressif de l'homme avec le Tout. Cette variété permettra à chacun
d'exprimer et de vivre l'originalité de sa sensibilité au niveau de
son domicile.
La zone culturelle se composera d'académies
d'art et de science, ainsi que d'installations sportives
complètes.
Tous les artistes et hommes de science désireux de
s'engager dans des recherches librement orientées et dépourvues de
toute contrainte extérieure (économique et politique) pourront
travailler dans un endroit quelconque de cette zone. Si un climat de
liberté et d'indépendance prévaudra, il n'en reste pas moins que
l'égoïsme et la recherche d'avantages personnels seront absents, car
il n'y aura pas de ligne de promotion sociale prévue en ce sens. La
gratification résidera pour chacun dans la prise de conscience de sa
propre capacité à servir efficacement la communauté humaine entière
sans restriction.
Certains instituts et facultés sont déjà
prévus: une faculté de recherche sur la paix, une faculté de
sociologie avancée, un conservatoire international de musique
populaire. De même, des installations sportives complètes
témoigneront de l'importance accordée au développement harmonieux du
corps humain, à la base de l'évolution actuelle et future de
l'homme.
La zone internationale, de son côté, sera composée
de pavillons de toutes les nations. Ceux-ci seront de véritables
«ambassades» de la culture de chaque pays, en s'efforçant de la
présenter non seulement de façon intellectuelle, mais de manière
concrète par la mise en lumière des habitudes, coutumes, arts,
costumes, jeux et industries qui lui sont propres. De plus, par la
variété de ses activités, chaque pavillon facilitera la
communication culturelle et linguistique entre les divers peuples de
la terre. L'Inde fut le premier pays à bâtir un pavillon dans cette
zone, le Bharat Nivas.
Le Matrimandir
Le
Matrimandir ou «Sanctuaire de la Mère Divine» aura la forme d'une
large sphère recouverte de disques dorés; il sera entouré de
collines en forme de pétales, entrecoupées par des promenades en
marbre parsemées de fleurs.
Au rez-de-chaussée, sera située
une grande salle de marbre blanc. Seule une flamme perpétuelle
brûlera au centre des symboles entremêlés de Shri Aurobindo et de la
Mère. La flamme émergera du lotus situé en son centre; le symbole de
la Mère sera situé au centre du «carré» du symbole de Shri
Aurobindo; il représentera un lotus largement déployé.
Le
triangle descendant symbolise «Sat-Chid-Ananda», c'est-à-dire
les trois aspects du Divin Absolu Impersonnel (Brahman):
l'existence pure (Sat), la conscience pure (Child) et
la félicité infinie (Ananda); le triangle ascendant, quant à
lui, symbolise les trois aspects de l'aspiration du divin dans la
matière, à savoir la vie, l'esprit et l'amour. La jonction des deux
triangles exprime la manifestation parfaite du divin dans le monde,
tandis que le lotus entouré d'eau, au centre du carré, suggère
l'incarnation humaine parfaite du Divin au sein de la multiplicité
des êtres en évolution.
La flamme qui émergera du lotus
symbolisera le pouvoir illuminateur de la Conscience-de-Vérité
(Ritam Brihat) du Divin présent dans et au-delà de la
Manifestation. Ce pouvoir du Divin sera invoqué dans le Sanctuaire
dans le cadre d'un des yogas pratiqués à Auroville, à savoir le Bhakti-yoga,
le yoga de la dévotion.
Une zone de
silence assez vaste, appelée le Parc de l'Unité, prolongera
l'emplacement du sanctuaire. Ce parc sera divisé en douze jardins
qui représenteront les douze attributs de la Mère Divine; chaque
jardin devra être créé de façon à révéler physiquement à la
sensibilité du promeneur un attribut particulier de la Mère par
l'arrangement des fleurs, arbustes et arbres qui y seront
plantés.
Une étendue d'eau entourera le parc de l'Unité, ce
qui donnera à ce secteur l'apparence d'une île. Cette île
reproduira, à une échelle plus grande, le symbole du lotus au centre
du Matrimandir, car le lotus est une fleur d'eau; le Matrimandir
constituant le coeur du lotus et les douze jardins, ses pétales
déployés.
Pourquoi Auroville?
L'inspiration qui fonde et imprègne la texture
psychologique de cette vaste entreprise collective est la vision du Shri Aurobindo, ce grand sage mystique du vingtième
siècle.2
Cette vision affirme
que l'émergence progressive de la conscience est le mobile central
de l'existence de tous les êtres sur terre. Cette émergence
s'accomplit simultanément par une évolution des formes et une
évolution du psychisme. L'homme représente actuellement l'étape la
plus avancée de cette vague évolutive, car avec lui on change de
niveau: on passe d'une évolution inconsciente à une évolution
consciente.
Or, ce gigantesque processus n'est pas terminé au
plan humain. La nature de la prochaine étape est indiquée par
quelques individus (les mystiques) et par les aspirations
spirituelles profondes qui se font jour dans l'espèce humaine. Ces
indices nous permettent de soutenir que la prochaine étape de
l'évolution sera celle d'un changement de conscience. Cette
conscience nouvelle imposera et opérera les mutations corporelles
nouvelles. L'élan de l'homme vers la spiritualité exprime de façon
évidente la poussée de l'Esprit qui est en l'homme et qui veut
émerger dans la nature terrestre.
L'humanité est très proche
de ce changement, car elle est actuellement en crise évolutive. Des
malaises et des tensions politiques, économiques, sociales et
culturelles assaillent tous les milieux humains.
Peut-on
encore demander à la raison humaine de solutionner cette crise générale? Cette faculté qui a permis à l'homme de se dominer et de
dominer la nature semble incapable de trouver une solution qui soit
à la fois globale et nouvelle, car elle ne peut pas parvenir à
quelque vérité finale. La raison ne peut ni atteindre la racine des
choses, ni embrasser leur totalité. Elle ne peut s'occuper que de ce
qui est fini et séparé; elle n'a pas de critère pour mesurer le tout
et l'infini. Quand l'intelligence se tourne vers l'action et essaie
d'appliquer des idées à la vie courante, elle devient partiale et
passionnée et abandonne très vite sa subordination aux idéaux
purs.
Certes, l'homme a et doit avoir foi en la raison, car
celle-ci a une fonction légitime à remplir: d'une part, justifier et
éclairer les expériences passées de l'humanité et, d'autre part, lui
donner la conviction nécessaire pour qu'elle persévère dans
l'élargissement de sa conscience.
Cependant, si l'humanité
veut survivre, une transformation radicale de la condition humaine
est indispensable et c'est dans la spiritualité - à laquelle on aura
restitué son vrai sens - qu'elle doit chercher la lumière directrice
et la loi harmonisatrice. Il ne s'agit pas de la conception
paranoïaque, obscurantiste et oppressive de la spiritualité défendue
par tant de sociétés et de sectes religieuses, ni de la version
selon laquelle celle-ci doit être faite de renoncement, de
mortification et d'ascèse; mais plutôt d'une ouverture de la vie la
plus profonde de l'âme au Dieu immanent, à l'Omniprésence éternelle
en l'homme. Essentiellement, la spiritualité est une prise de
conscience progressive de l'Esprit qui est en nous, de notre vrai
Moi.
Cette transformation radicale exige une intériorisation
de la conscience, car celle-ci est d'ordinaire tournée vers
l'extérieur et ne voit que la surface des choses; elle répugne à
descendre dans les profondeurs intérieures. Pourtant, il n'y a pas
d'autre voie pour passer à un niveau d'existence plus
riche.
On peut distinguer trois phases dans ce processus de
transformation radicale: deux phases préparatoires et une
d'accomplissement final.
La première phase peut être nommée
psychique: l'âme doit prendre la direction de l'être dans sa
totalité. Trois voies s'ouvrent devant l'aspirant: la voie de la
raison ou de la connaissance (jnana yoga), la voie du coeur
ou de la dévotion (bhakti yoga) et la voie de la volonté ou
de l'action (karma yoga). Ces voies peuvent être suivies
séparément, selon le tempérament de l'aspirant, ou conjointement, ce
qui en augmente la puissance transformatrice. À ce stade, le
recueillement est absolument nécessaire. Il en résulte, après un
certain temps, une maîtrise intérieure qui démasque et rejette tout
ce qui est faux et s'oppose à la réalisation divine, ainsi qu'un
afflux spontané d'expériences spirituelles de toutes
sortes.
La deuxième phase de la transformation est nommée par
Aurobindo spirituelle. Il s'agit d'une ouverture à une Présence
éternelle, un Moi sans limite qui est à la fois Existence,
Conscience et Félicité infinies (Sat-Chid-Ananda). Cette
transformation spirituelle s'achève par l'ascension permanente de la
conscience inférieure à la conscience supérieure. Une conscience
nouvelle commence donc à se former, qui comporte une puissance de
pensée et de vision nouvelles, de même qu'un pouvoir accru de
réalisation spirituelle directe.
Pour que cette
transformation nouvelle soit permanente et achevée, le fondement de
notre condition animale et mentale doit être atteint et transfiguré,
ce qui implique la nécessité d'éclairer les moindres recoins de
l'inconscient vital et mental.
Pour réaliser cet éclairement
final et total, un pouvoir plus grand que l'homme doit intervenir et
accomplir la transformation: il s'agit de la Conscience-Force
Supraconsciente (Shakti) que Shri Aurobindo nomme le Principe Supramental. Pour préparer cet
avènement, l'individu doit accroître sa maîtrise sur sa propre
nature, se soumettre lucidement et consciemment à la Lumière, à la
Vérité et à la Force Supramentale et unifier tous les aspects de son
existence autour de son vrai moi.
L'être humain devenu être supramental ou gnostique sera le parfait accomplissement de l'homme
spirituel. Cet être, véritable surhomme au plan mystique, verra se
dénouer spontanément en lui toute une série de paradoxes qui sont
actuellement pour lui des impasses totales. Ainsi, entre autres, le
paradoxe de l'un et du multiple sera intuitivement résolu: l'être
gnostique verra l'unité s'accomplir dans la diversité, il verra
l'harmonisation naturelle entre son moi individuel et le moi
cosmique.
L'être humain gnostique assistera à l'harmonisation
constante entre sa liberté intérieure et l'ordre cosmique qui lui
est transcendant; agir de façon autonome ne signifiera pas déchoir
de l'Unité. La joie de la diversité de l'Un se révélant intimement à
lui-même, l'union innombrable à l'Un et une joyeuse interaction dans
l'identité donneront à la vie humaine un sens d'accomplissement
total.
La santé, la force, la durée, le bien-être physique du
corps et la libération de la souffrance feront partie de la
perfection physique que l'évolution est appelée à
réaliser.
De nouveaux pouvoirs de conscience et de nouvelles
facultés se développeront progressivement chez l'être gnostique et
celui-ci les utilisera d'une façon naturelle, normale et spontanée
pour connaître et agir. En ce sens, la vie des êtres gnostiques peut
être qualifiée de vie surhumaine ou divine, à condition de ne pas la
confondre avec les conceptions occidentales du surhomme, trop
réductrices.
Mode de réalisation
Les pionniers
d'Auroville veulent tout simplement créer un milieu qui favorisera
pleinement l'avenir de l'humanité tel qu'anticipé et décrit par Shri
Aurobindo: un lieu pour réaliser la vie divine sur la
terre.
Pour favoriser cet avènement, les Aurovilliens savent
qu'ils ne doivent pas utiliser les modes de réalisation du passé,
car à Auroville il faut construire non «quelque chose d'amélioré»,
mais autre chose. Le monde a constamment inventé des machines
économiques, politiques et sociales; au vingtième siècle, nous en
sommes aux super-machines ... et périodiquement nous descendons dans
la rue briser la machine qui nous étouffe. Il faut éviter de
reproduire une nouvelle machine. Comment? En regardant au-dedans.
C'est là, au plus profond de notre être, que se situe le levier de
la transmutation de l'homme.
La réalisation progressive
d'Auroville se veut un yoga collectif. Ceux qui ont décidé de
participer à cette grande aventure entendent s'inspirer des
profondeurs de leur âme et laisser parvenir à la surface de leur
être les inspirations que le Divin Immanent leur révélera.
Il
s'agit, à partir de l'âme de la ville que chacun peut sentir plus ou
moins clairement au niveau «psychique» de son être, de former
lentement ensemble le corps de celle-ci. C'est ce qui explique
pourquoi les architectes refusent de fixer définitivement Auroville
sur papier; seules les grandes lignes sont tracées. Auroville doit
être une création nouvelle exprimant une nouvelle conscience selon
la voie et les méthodes de cette nouvelle conscience. Les Aurovilliens se rappellent les expériences difficiles de Chandigarh
et de Brasilia construites de toutes pièces, dans lesquelles on
installa par la suite les gens comme des lapins dans un
clapier.
La réalisation progressive de la ville est donc
conduite selon le mode d'une démocratie de participation la moins
structurée possible et on envisage, les Aurovilliens devenant de
plus en plus conscients de leur être «psychique», que l'on
progressera vers une anarchie divine où la liberté d'expression et
l'harmonie collective ne seront pas contradictoires dans la vie
quotidienne; ce qui ne sera possible que lorsqu'on aura dépassé
l'homme actuel, à savoir l'ego, ses désirs et ambitions
exclusives.
L'intérêt d'Auroville est d'être une ville
expérimentale dont le but est de faire avancer concrètement
l'anthropogénèse, car, pour les Aurovilliens, l'homme actuel n'est
qu'un être de transition ...
Notes
1. Il
s'agit de Mira Richard (1878-1973), une française, qui vint
rejoindre Shri Aurobindo (1872-1950) dès 1920 et qui devint sa
disciple privilégiée au plan spirituel.
2. Outre la partie
poétique de son oeuvre qui est considérable et admirable, les
ouvrages principaux de Shri Aurobindo au plan philosophico-mystique
sont: L'Idéal de l'unité humaine, La Vie Divine, Le cycle humain et
La synthèse des yogas.
Critère, no 17,
printemps 1977.
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