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Colloque: Et si nous habitions autrement - 2000

 

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L’habitat : un lieu à vivre... et à mourir
 
par Michel Loriaux

                L’habitat, et plus spécifiquement l’habitat des personnes âgées, peut paraître de prime abord un thème assez restrictif, qui interpelle principalement quelques catégories de professionnels, architectes, urbanistes, designers, ingénieurs en domotique, etc. Mais en réalité un examen plus approfondi laisse vite apparaître que l’habitat constitue un point de focalisation et de concentration de nombreux aspects de la dynamique sociale, et en particulier du vieillissement, à la fois individuel et collectif.

                Derrière la représentation classique de l’habitat, ensemble de matériaux assemblés pour fournir un cadre physique où l’individu peut satisfaire ses besoins de base (se nourrir, se reposer, se chauffer, se délasser, etc…), se dissimule une réalité beaucoup plus complexe. L’habitat est le lieu où des gens, réunis dans ce qu’il est convenu d’appeler un ménage, vivent, avec toute la diversité d’activités et d’échanges que cette expression peut renfermer. C’est dans ce cadre que la plupart des grandes décisions concernant l’activité professionnelle, la procréation, l’éducation, la consommation, l’épargne, les loisirs, l’héritage sont prises, et que les grands sentiments d’amour mais aussi de haine, où les grandes joies et les grandes souffrances prennent naissance et s’éteignent. Si l’habitat pouvait parler, il raconterait la personnalité de ceux qui l’occupent et décrirait des histoires de vie entrelacées qui se rapprochent, fusionnent ou se séparent. Lieu de vie plutôt que simple abri ou refuge, l’habitat constitue pour beaucoup de nos concitoyens une valeur fondamentale, objet de toutes leurs attentions, tout à la fois principal élément du capital économique, marqueur de statut social et lieu de formation des opinions, des attitudes et des représentations collectives.

                Quand un ménage est amené à quitter son domicile pour des raisons diverses comme une mobilité professionnelle ou un accroissement de sa taille, c’est souvent avec une certaine nostalgie, ou une réelle tristesse, même si le nouvel habitat est plus vaste, plus moderne, mieux équipé ou mieux situé. Mais c’est surtout lorsque ses occupants sont atteints par la vieillesse, avec les handicaps et la dépendance qui l’accompagnent généralement, que l’obligation de se séparer de l’habitat qui a abrité une longue «tranche de vie» apparaît pénible et est parfois dramatiquement vécue.


Retour aux sources du vieillissement

                Or ces situations qui sont devenues assez fréquentes aujourd’hui dans la plupart des pays européens ou occidentaux, sans pour autant être majoritaires, sont la conséquence de deux grands courants historiques : la disparition progressive des familles nombreuses et patriarcales au profit de familles nucléaires ou des ménages d’isolés et la progression de l’individualisme et des solidarités étatiques au détriment d’un certain collectivisme et des solidarités familiales et de proximité.

                Bien entendu ces macro-tendances sociétales s’inscrivaient dans un ensemble beaucoup plus large de mutations fondamentales des sociétés industrielles qui ont eu pour noms le progrès technique et scientifique, le développement économique, la modernisation sociale, la révolution politique ou la transition démographique. Parfois les chercheurs s’évertuent à trouver les enchaînements de cause à effet qui ont produit ces transformations, mais une approche plus globale et systémique semble mieux à même de nous aider à comprendre ces évolutions profondément interdépendantes qui ont touché presque simultanément toutes les sphères de la société et qui présentaient souvent une forte cohérence logique. Par exemple, en matière de démographie, c’est souvent la mortalité qui a fléchi en premier lieu, suite aux progrès de la médecine et de l’hygiène, qui étaient eux-mêmes liés à la progression de la connaissance scientifique, à la découverte de nouvelles techniques et à une meilleure organisation sociale.

                Mais à partir du moment où la mortalité reculait, il était inéluctable que la fécondité baisse, même si un certain délai s’est écoulé entre le déclenchement de ces deux déclins, puisque le maintien de hautes fécondités n’était plus la condition nécessaire à la survie des familles, des clans ou des groupes sociaux. Or on sait aujourd’hui avec certitude que c’est ce processus de diminution à retardement de la natalité et de la fécondité qui a été à l’origine des formidables transformations des structures par âge et sexe qui ont eu lieu depuis 150 ans et de l’apparition d’un phénomène inconnu et inédit, appelé le vieillissement démographique, c’est à dire l’accroissement de la proportion des personnes âgées et la diminution parallèle de l’importance relative des jeunes 

                Cependant ces personnes âgées de plus en plus nombreuses et qui ont fini par vivre de plus en plus longtemps n’étaient plus insérées dans des familles élargies, parce que entre-temps les exigences de sécurité et de protection mutuelles ou celles de solidarité pour faire face aux risques multiples que provoquaient la maladie et la mort omniprésentes, à tous les âges et dans tous les milieux, étaient devenues moins contraignantes. Chacun pouvait dorénavant décider de fonder un foyer autonome, loin de la famille d’origine, d’autant qu’entre-temps l’exode rural s’était produit et que beaucoup de couples s’étaient installés en ville, tandis que l’état et les pouvoir publics s’étaient progressivement substitués aux solidarités privées en organisant une protection sociale collective, mais en même temps de plus en plus anonyme.

                Aujourd’hui, certains mauvais esprits pourraient affirmer que nous ne faisons donc que récolter les fruits que nous avons semés, mais même sans adopter cette position pessimiste, force est de constater que des problèmes nouveaux sont apparus, et ont parfois pris une ampleur considérable sous l’impact croisé des changements démographiques et sociaux. Les personnes âgées, qui ne représentaient guère que 5 % de la population dans l’ancien régime démographique pré‑industriel, constituent aujourd’hui une catégorie statistique en pleine croissance avoisinant un cinquième des effectifs de la population totale, qu’il n’est plus possible d’ignorer, même si elles peuvent encore trop souvent être marginalisées ou mal respectées.

Affaiblissement des solidarités familiales et montée de l’individualisme

                De plus, elles abordent parfois les âges avancés de la vie sans bénéficier du support de leurs enfants, soit parce qu’elles n’en ont pas eus du tout, ou très peu, soit parce que ceux-ci ont migré loin du domicile parental ou sont décédés avant leurs géniteurs, soit encore parce que les liens familiaux se sont distendus, même si les spécialistes font remarquer que les réseaux familiaux potentiels des personnes contemporaines sont infiniment plus vastes que ceux de leurs ancêtres grâce aux importantes victoires remportées sur la mort. Malheureusement ces réseaux ne sont pas toujours « activés » de sorte que les phénomènes de solitude et d’isolement sont fréquents chez les personnes âgées, pour les raisons qui viennent d’être évoquées, mais aussi à cause des multiples décompositions/recompositions des familles ou de la poussée croissante de la divortialité et des ruptures d’unions, et aussi d’une propension de plus en plus fréquente chez certains individus à rester définitivement célibataires.

                Tout cela est bien sûr à mettre en relation avec la vague montante d’individualisme qui a caractérisé depuis plusieurs décennies les sociétés dites libérales, en mettant la priorité sur l’individu plutôt que sur le groupe. L’individu doit être maître de sa destinée, libre de ses choix et responsable de ses décisions, en réaction contre l’autoritarisme collectif ou l’infantilisation provoquée par l’Etat-Providence qui est encore si souvent la cible des adeptes des thèses du néo‑libéralisme économique. Et il est vrai que beaucoup considèrent cette évolution comme très positive, bine qu’il soit indéniable qu’elle puisse aussi avoir des effets pervers.

                Car c’est au nom de cette même responsabilité individuelle que les fonctionnaires des organismes de sécurité sociale peuvent parfois refuser une greffe d’organe à un alcoolique, ou retirer son allocation à un chômeur qui a refusé une proposition d’emploi. Avec une telle conception, les dérives peuvent être graves de conséquences si les individus qui contractent une maladie sévère ou qui sont victimes d’un accident de santé lourd se voient réduire leur accès aux soins, sous prétexte qu’ils n’ont pas été suffisamment prudents et prévoyants ou qu’ils n’ont pas respecté les bonne pratiques (entretenir son corps et son esprit, faire du sport, manger équilibré, éviter les excès, etc…).

                En réalité, nous vivons dans des sociétés où les notions de liberté et de responsabilité sont des leitmotives permanents, alors que peu de nos concitoyens sont conscients que leurs espaces de liberté sont souvent extrêmement limités par nos modèles culturels et nos normes institutionnelles, et que leur autonomie de choix est beaucoup plus restreinte qu’ils ne l’imaginent.

                Chacun peut en théorie se déplacer librement et rêver à un visa pour le monde, mais en pratique seul les détenteurs d’un capital économique confortable peuvent s’envoler pour les destinations lointaines. Un couple peut souhaiter fonder une famille nombreuse, mais il lui sera bien difficile d’y parvenir à causes des contraintes environnementales, sociales et physiques qui lui feront obstacle (difficultés de concilier travail professionnel féminin et activités domestiques, appartements trop petits, coûts élevés de l’éducation, etc.). Un individu grabataire qui est atteint d’une maladie incurable et qui réclame le droit de mourir dignement quand il l’aura décidé doit savoir que dans beaucoup de pays sa volonté ne sera pas respectée, ou très difficilement, parce que l’euthanasie volontaire n’y est pas légalement reconnue ni dépénalisée, au nom de l’éthique, de la religion, ou de toutes autres considérations médicales ou socio‑culturelles.

                De même une personne âgée qui est limitée dans son autonomie et doit envisager de quitter son logement peut en principe choisir entre plusieurs formules d’hébergement, mais en réalité sa liberté de choix peut être très faible s’il y a peu d’établissements pour l’accueillir dans sa région ou plus prosaïquement si ses ressources ne lui permettent que d’envisager des maisons de repos bas de gamme.


Vivre mieux pour vivre vieux : l’habitat sur catalogue

                Pour en revenir donc à la question de l’habitat des personnes âgées, il est vrai qu’au cours des dernières décennies des changements profonds sont intervenus, et que «l’éventail» des solutions proposées est devenu extrêmement large au point que l’opposition classique entre maintien à domicile versus institutionnalisation paraît singulièrement archaïque, même si on continue encore trop souvent à y faire référence.

                Plusieurs travaux et manifestations récents  (notamment l’ouvrage du regretté Alexandre Carlson sur «Où vivre vieux?» et les congrès internationaux itinérants de Nantes à Gallarate en passant par Louvain-la-Neuve et Lisbonne, sur le thème «Où habitera la personne âgée du troisième millénaire?»*2*) ont eu le grand mérite d’avoir définitivement démontré que l’heure n’était plus à privilégier l’une ou l’autre orientation (le domicile ou l’institution), mais de proposer aux personnes vieillissantes la gamme de choix la plus large possible de façon à permettre à chacun de construire sa vieillesse comme il la souhaite, selon son propre «projet de vie» et non plus selon un quelconque projet de mort qui aurait été décidé par d’autres acteurs, sans référence à l’usager final, en fonction seulement de normes administratives ou de contraintes budgétaires. On parle parfois de façon imagée d’un supermarché de l’habitat où le client roi peut s’approvisionner librement au gré de ses préférences, et si la formule peut paraître un peu excessive, elle présente l’avantage de rappeler que la multiplicité des options disponibles doit permettre à l’utilisateur de trouver l’offre qui convient le mieux à sa demande.

                La taxonomie proposée par Alexandre Carlson est donc très éclairante de ce point de vue, puisqu’elle contribue à ordonner et à classer toutes les formules d’hébergement qui ont été expérimentées ici ou là selon leur principales caractéristiques, qu’il s’agisse de «cantous», d’habitats «kangourou», de «résidences-services» ou «d’unités de vie autogérées», autant d’expressions qui ont parfois une résonance exotique ou, à tout le moindre, un parfum d’inconnu. Là est d’ailleurs la difficulté, car si ces concepts circulent facilement dans les congrès et les rencontres de spécialistes, l’information à l'égard du public et des usagers potentiels est souvent déficiente ou incomplète, contribuant ainsi à maintenir des idées fausses et des stéréotypes dépassés?

                Une des priorités immédiates est donc d’améliorer la communication sur ces formules habitatives afin que la liberté de choix ne soit pas fortement restreinte et que la transparence attendue du marché ne se transforme pas en une opacité totale. Or, il est vrai que parfois les politiques du logement et de la vieillesse des pouvoirs publics ne contribuent pas toujours à cette transparence et ne favorisent pas une saine concurrence entre les différentes offres, en imposant des normes ou des conditions de financement qui excluent quasi automatiquement certaines options. Il faut le regretter à partir du moment où le principe de restituer à la personne vieillissante le droit de piloter son projet de vie en toute liberté est acquis et où il est admis qu’en matière d’habitat, «il n’y a pas de solutions idéales,  ni de propositions meilleures ou pires que d’autres», chaque offre distincte devant seulement être correctement calibrée par rapport aux attentes et aux caractéristiques de ses destinataires présumés.

                Une autre difficulté tient aussi au caractère souvent expérimental de certaines formules habitatives qui peuvent apparaître originales, provocatrices et innovantes, mais qui restent néanmoins très limitées et qui n’ont pas trouvé les moyens de se généraliser et de sortir du piège «de ne se référer qu’à elles-mêmes». Il est donc important d’être en mesure de mener quelque part, au niveau des décideurs, une analyse des raisons de cette faible pénétration, qu’elles soient de nature institutionnelle, juridique, économique, politique ou culturelle, afin de pouvoir éventuellement lever les résistances à cette généralisation.

                Sans doute serait-il aussi intéressant de pouvoir fournir dans chaque pays des statistiques permettant d’apprécier l’importance, absolue et relative, des diverses formules pratiquées effectivement par les personnes vieillissantes : maintien au domicile d’origine, transfert dans un nouveau domicile mieux adapté, recours à des formules dites de domicile social ou à des établissements communautaires, dans la mesure où, sans ce type d’information, le pilotage des politiques de l’habitat gérontologique risque de se faire sans aucune visibilité de l’offre effective, des carences éventuelles et des nouvelles tendances qui s’installent.


Un «marché» en reconversion permanente

                Car le marché de l’habitat est loin d’être statique et il peut même évoluer très rapidement au gré des progrès technologiques, mais aussi des transformations des modèles culturels et du contexte social et physique. Par exemple, l’idée encore fortement ancrée dans l’inconscient collectif que les maisons de repos sont des mouroirs ou des extincteurs de vie (et qui est parfois malheureusement encore fondé dans la réalité des situations particulières) peut régresser et disparaître dès l’instant où un effort considérable est produit du côté des gestionnaires des établissements pour personnes âgées pour implémenter une nouvelle culture de vie dans leurs institutions, afin que leurs résidents soient traités comme des «clients» plutôt que comme des personnes «placées» et que la qualité hôtelière prenne le dessus sur la logique de cantine.

                De même, du côté de la clientèle, il convient de garder à l’esprit que les personnes âgées constituent un groupe en pleine mutation, dont les caractéristiques personnelles évoluent rapidement, en transformant de fond en comble le paysage social de la vieillesse. En particulier, leurs expériences passées, leurs références culturelles, leurs valeurs, peuvent amener un certain nombre de personnes âgées à préférer certaines formes de vie communautaire modernes peu contraignantes de type hôtelière ou résidentielle où leur autonomie et leur liberté sont largement préservées à leur maintien dans un environnement familial particulier, plus chaleureux, mais aussi plus envahissant.

                Les expériences démarrées aux USA avec des réalisations comme SUN CITY, et qui n’ont (heureusement?) guère trouvé jusqu’à présent d’échos sur le vieux continent s’inspirent probablement de cette philosophie de l’autonomie maximale et de la mise à l’abri des autres générations ou du tumulte de la vie contemporaine. Néanmoins, elles restent impensables aux yeux de ceux qui estiment que la mixité des âges est une absolue nécessité pour le bon fonctionnement des sociétés vieillissantes,

                A l’inverse, le maintien au domicile d’origine, qui est fréquemment cité comme la première aspiration des personnes vieillissantes, mais qui a aussi été fréquemment dénoncé par les professionnels de la gérontologie comme peu sécurisant ou trop lourd à supporter financièrement, a reconquis une grande partie du terrain perdu à partir du moment où des mesures de compensation ont pu être mises en œuvre pour en combattre ses aspects. Dans certains cas, c’est l’évolution du progrès technologique qui a permis de sécuriser davantage le domicile d’origine, avec des systèmes de protection de type tele-bio-vigilance qui ont dépassé depuis plusieurs années le stade expérimental et qui sont aujourd’hui largement utilisés par de nombreuses personnes âgées pour créer un lien permanent avec la famille et les services de santé ou d’aide à domicile en cas de problème de santé ou de sécurité.


La domotique : maîtriser les coûts ou soutenir la demande?

                Mais c’est sans doute du côté de la domotique et de ses utilisations pour aménager les installations existantes, ou mieux équiper les nouvelles constructions, que les espoirs les plus grands peuvent être fondés, puisque les possibilités sont quasiment illimitées de compenser la plupart des handicaps, même sévères, par des technologies appropriées relevant de l’intelligence artificielle pour permettre aux personnes âgées dépendantes de réaliser elles-mêmes la plupart des actes de la vie courante en confiant à une «agence domotique» le soin d’exécuter les ordres et de gouverner de façon automatique la «domus».

                Divers travaux récents montrent à quel des progrès importants ont été accomplis ces dernières années dans le secteur de la domotique, avec déjà de nombreuses réalisations concrètes. Néanmoins, ces réalisations coûtent cher et les applications domotiques n’ont pas encore conquis des marchés assez vastes pour envisager des diminutions significatives de prix. Il faut donc redouter que pendant longtemps encore la domotique ne soit pas à la portée de tous et qu’elle devienne même un facteur d’accroissement des inégalités parmi les personnes âgées en fonction de leur capacité à accéder ou non à ces technologies qui accroîtront sensiblement les possibilités de maintien à domicile.

                On touche là un problème crucial de l’habitat gérontologique, en général et de la domotique en particulier, car malgré l’amélioration incontestable en moyenne des conditions de vie et des ressources des personnes âgées dans tous les pays européens au cours des dernières décennies, grâce notamment aux progrès de la protection sociale, de grandes disparités subsistent en termes de revenus chez les retraités, de sorte qu’on peut souvent affirmer que les inégalités économiques sont plus importantes dans les classes d’âge supérieur de la population que dans les autres, et cela en dépit d’un discours assez répandu sur la richesse ‑ réelle ou présumée ‑ des vieux.

                Un indice simple, mais révélateur peut souvent le confirmer : il suffit d’observer que le niveau moyen des pensions de retraite et de survies est inférieur au prix de base d’un hébergement en institution, ce qui signifie concrètement que beaucoup de personnes âgées ne pourraient pas envisager de quitter leur domicile, sans disposer de biens ou de capitaux personnels, ou sans faire appel à leur famille ou à l’assistance publique.

                Bien entendu, l’espoir est que la croissance économique retrouvée avec l’entrée dans le troisième millénaire puisse dégager des ressources supplémentaires qui permettront aux politiques sociales de la vieillesse de répondre à ces besoins nouveaux et de redevenir un facteur de redistribution des revenus et de réduction des inégalités entre les générations et les classes sociales. C’est même là sans doute la condition nécessaire pour que les personnes âgées puissent jouer pleinement leur rôle de redynamisateur de nos sociétés essoufflées par la longue crise du XXème siècle qui les a profondément bouleversées, à travers une demande en pleine progression qui touche à de nombreux secteurs de l’activité économique et plus particulièrement à ceux de la santé, de la sécurité et de l’habitat dont on sait qu’ils font un appel de plus en plus large aux technologies nouvelles.

                Le paradoxe est donc complet puisque les «vieux», qui ont longtemps été désignés en Occident comme des dilapidateurs des richesses collectives au détriment des classes productives, sont en train d’opérer une métamorphose complète en devenant des supports incontournables de la société de consommation et de loisirs. Et, nul n’en doutera plus après la lecture de cet ouvrage, l’habitat représente une des composantes essentielles de cette métamorphose.

Michel Loriaux
Université catholique de Louvain


1. Ce texte est extrait pour l’essentiel d’un ouvrage en cours de préparation réalisé à l’initiative du Centre de Coopération sociale Il Melo de Gallarate et de l’IPES de Nantes (Institut pluridisciplinaire d’études sociales) et financé en partie par l’Union européenne.
2. A. Carlson, Où vivre vieux?, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 1999 ; R. Vercauteren (sous la dir.), en collaboration avec M. Predazzi, M. Loriaux, M. Fernando, Des lieux et des modes de vie pour les personnes âgées. Expériences et analyses pluridisciplinaires internationales, Nantes, Coll. Eres, Pratique du Champ social, 2000.

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