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03-05-2024

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LA MORT À VIVRE

Petit manuel des rites mortuaires

 

Musée d’ethnographie de Genève - 2006

 

Tel un guide, ce petit fascicule n’a pas l’ambition d’être un catalogue exhaustif. Il vise tout simplement à mettre à la disposition du public les principaux textes de l’exposition  - LA MORT A VIVRE, Petit Manuel des rites mortuaires - qui s’est tenue au MEG Conches du 28 octobre 1999 au 27 août 2000.

 

Dessins de Bertola

Relecture et coordination : Geneviève Perret

Publié sous la responsabilité de Christian Delécraz

Musée d’ethnographie  - Genève - 2006

 https://www.ville-ge.ch/meg/sql/totem/totem26.pdf

https://palli-science.com/sites/default/files/miseencommun/vieira_maria_c9-non-pro-sante.pdf.pdf

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Table des matières

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 Avant-propos

Bernard Crettaz, conservateur dépt. Europe

et commissaire de l’exposition

Christian Delécraz, assistant conservateur, responsable du MEG Conches

 

Trois civilisations, trois manuels des rites funéraires

Bernard Crettaz

 

A l’épreuve des faits 

Bernard Crettaz

 

La mort au quotidien : tout ce que voulez savoir sans oser le demander

Christian Delécraz

 

Les danses macabres     

Christophe Gros

 

Le souffle des ancêtres,  la mort en Afrique au sud du Sahara

Claude Savary, conservateur dépt. Afrique

 

Dialogue avec les ancêtres à Madagascar

Gilles Labarthe

 

La mort et le monde spirituel en Océanie

Roberta Colombo Dougoud, conservatrice dépt. Océanie

 

Asie : la mort dans la vie, la vie dans la mort.

Jérôme Ducor, conservateur dépt. Asie

 

Paradoxe de la mort : familiarité, étrangeté, violence

Bernard Crettaz - Jean Hategekimana - Dominique Roulin

 

La mort dans les grandes religions monothéistes

Tariq Ramadan, Islam - Jean Halpérin, Judaïsme

Christian Reist, Christianisme

 

Bibliographie sommaire et Lexique

Jérôme Ducor

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Avant-propos

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Le thème de la mort choisi pour notre exposition suscite des réactions multiples et contradictoires: peur angoissée, curiosité étrange, attente d'un train fantôme muséographique ou encore exhibition d'un nouvel âge réconfortant ! Mais que l'on se rassure: il n'y a rien ici d'un grand spectacle macabre. C'est une exposition bien simple que nous présentons dans notre mission de transmission sociale d'un savoir immémorial aux nouvelles générations.

Dans toutes les civilisations traditionnelles, on possédait de manière orale ou écrite un manuel des rites mortuaires. La modernité occidentale a délaissé ce savoir immémorial, l'abandonnant aux entreprises funéraires. Mais depuis quelques années, un vaste mouvement se dessine qui laisse voir l'émergence d'un bricolage rituel.

 

C'est dans ce mouvement que prennent place notre exposition et nos publications. A quiconque aimerait se doter d'une marche à suivre en cette matière difficile, nous offrons des matériaux de réflexion qui concernent non seulement l'Occident, mais également les autres continents. Car ce n'est que dans une perspective comparative et multiculturelle que l'on peut aujourd'hui agencer son propre atelier rituel.

 

Ainsi l'exposition "La mort à vivre"  du MEG Conches ne prétend en aucune manière énoncer une grande problématique anthropologique. Elle vise un objectif tout simple: permettre à chacun, s'il le désire et s'il le juge utile, de se donner un mode d'emploi pratique et rituel lorsque survient la mort d'un proche.

Nous avons voulu "mettre en scène" un sujet grave à l'intention des enseignants et des élèves, des parents et des enfants afin que les uns et les autres assument avec nous la transmission essentielle d'un savoir perdu.

 

       Bernard Crettaz et Christian Delécraz

 

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Trois civilisations, trois manuels des rites funéraires

Bernard Crettaz

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L’exposition et cette brochure qui l’accompagne poursuivent un objectif simple: permettre à chacun, s'il le désire et s'il le juge utile, de se doter d'un manuel pratique pour affronter la mort d'un proche, ou envisager sa propre mort.

Dans les civilisations traditionnelles de nos régions, le manuel des rites était défini par les Églises et les communautés locales.

Avec l'avènement de la modernité, la peur et la marginalisation de la mort ont délégué aux hôpitaux et aux entreprises funéraires la gestion technocratique du champ mortuaire.

Aujourd'hui, la mort "revient" avec l'émergence d'un immense bricolage rituel.

A partir d'exemples d'ici et d'ailleurs, notre exposition veut permettre à chacun de définir une sorte de "funérailles mode d'emploi".

 

Dans la société traditionnelle de nos régions, la mort est omniprésente. Comme l'indiquent les inscriptions sur certains berceaux d'enfants, on naît pour mourir. Et tout au long de la vie, ex-voto, signes religieux, crucifix, symboles de la "Grande Faucheuse", images mortuaires et vie des saints rappellent le lien permanent de la vie et de la mort, des vivants et des morts. Mais cette représentation du monde n'interdit aucunement la vie, l'excès, la fête où les images même de la mort trouvent une place. C'est que nous sommes dans une société où la mort, le rire et la farce cheminent ensemble.

 

Aujourd'hui, lorsque la mort survient, l'univers quotidien se casse en deux brutalement:d'un côté un espace de vie ordinaire avec des objets habituels qui hurlent la présence d'une absence;

de l'autre, l'espace de la mort où le corps du défunt occupe une place centrale.

Les proches devront passer en permanence d'un espace à l'autre, régler une multitude d'affaires pratiques et prévoir le rituel des adieux.

Si vous désirez vous ré-approprier le savoir mortuaire et décider vous-même de la marche à suivre, ces questions vous sont adressées 

 

Question pratiques

 

  • Peut-on et doit-on se préparer à la mort d'un proche ?

  • Préférez-vous la mort à l'hôpital ou la mort à domicile ?

  • Combien de jours consacrerez-vous au rituel d'adieu ?

  • Quels sont les congés prévus par les employeurs pour

  • cette circonstance ?

  • Qui décide de tout ce qui va se passer ?

  • Quelles sont les démarches pratiques absolument indispensables ?

  • Comment annoncerez-vous le décès d'un proche ?

  • Selon quels critères choisirez-vous l'entreprise funéraire ?

  • Qu'est-ce qui vous fait choisir tel ou tel cercueil ?

  • Désirez-vous que le corps du défunt soit installé au domicile ? Dans une crypte funéraire ? Ailleurs ?

  • Participerez-vous à la toilette mortuaire ?

  • Quels habits choisirez-vous pour le défunt ?

  • Prévoyez-vous une veillée mortuaire et comment voyez-vous son déroulement?

  • Conduirez-vous vos enfants et petits-enfants auprès du corps mort?

  • Parlerez-vous au défunt ? Que lui direz-vous ?

  • Que placerez-vous dans le cercueil avant la fermeture définitive ?

  • Voulez-vous que l'on offre des fleurs ? Pour quel moment ?

  • Avez-vous déjà offert des fleurs en de telles circonstances ?

  • Êtes-vous pour l'incinération ? L'inhumation ? Que ferez-vous des cendres ?

  • Opterez-vous pour une cérémonie religieuse ? Laïque ? Rien ?

  • Sur quels critères se fera le choix du pasteur, du prêtre, ou du maître de cérémonie?

  • Aurez-vous une participation active lors de la cérémonie ?

  • Comment désirez-vous recevoir les condoléances ?

  • Envisagez-vous un apéritif communautaire ou un repas d'enterrement ?

  • Irez-vous faire des visites au cimetière ?

  • Porterez-vous des signes extérieurs de deuil ? A votre avis, quelle est la durée du deuil ?

  • Durant ces jours difficiles, quelles attitudes extérieures souhaiteriez-vous montrer ?

  • Que ferez-vous des objets et habits du disparu ?

  • Changerez-vous d'appartement ?

  • Quelle lettre écrirez-vous à quelqu'un qui vient de perdre brutalement un proche ?

  • Quelle lettre aimeriez-vous recevoir à cette occasion ?

  • Vivants, donnerez-vous des ordres pour votre mort ?

 

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Mort, pouvoir et contre pouvoir :

un exemple de pagano-christianisme

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Dans nos régions de montagne, le rite mortuaire traditionnel indique un vaste métissage de cultures. Le mort est installé au domicile avec ses meilleurs habits et de très bonnes chaussures pour le voyage qu'il va commencer comme "âme en peine". Durant la veillée mortuaire, on prie, on parle, on boit, on rit et on pleure, cependant qu'à la cave on prépare le vin vieux, le fromage vieux et le pain pour le repas d'enterrement qui va jusqu'aux limites de la transgression.

 

 

On travaillait aux alentours du village.

On a entendu sonner la cloche. Trois coups ?

Alors on s’est dit :  ‘‘ c’est un homme‘‘. Et on s’est dit encore :

‘‘ c’est Théodule qui est mort puisqu’il était à l’agonie ‘‘

Au même moment, on a vu passer Théodule

avec ses beaux habits du dimanche.

On était tout étonné, mais immédiatement on a compris :

Théodule était mort dans sa maison et Théodule partait

 vers le glacier pour accomplir ses peines.

 

 

Les Eglises auraient bien aimé, à elles seules, dire le sens de la mort et régenter les rites mortuaires. Elles  proclament leurs vérités fondamentales sur le péché originel et la mort, le rachat par la mort du Christ, la Résurrection, la mort du juste ou du pécheur, le jugement particulier en attendant la fin du monde, la résurrection des corps, le jugement général qui conduira chacun en enfer ou au paradis. Mais face à leurs pouvoirs s'est toujours manifesté le contre-pouvoir étonnant de la religion populaire et de la culture populaire. Et les exemples sont nombreux de pagano-christianisme  que ni le protestantisme, ni le catholicisme n'ont réussi à épurer et à coloniser. Cette créativité rituelle "d'en-bas" se manifeste à nouveau pleinement dans les nouveaux rites mortuaires d'aujourd'hui.

 

 

La mort des Enfants

 

Comme l'indique la mort de l'enfant, les représentations et l'expérience de la mort obéissent aux changements de sociétés, de cultures et de mentalités. Autrefois, cette mort s'inscrivait dans une mortalité infantile fréquente et au sein de familles nombreuses. Par ailleurs, selon la croyance, l'enfant mort devenait un ange dans le ciel et le rite mortuaire lui-même annonçait cette métamorphose.

Aujourd'hui, la mort d'un enfant devient presque inacceptable et constitue une sorte de scandale absolu. Mais c'est dans ces expériences tragiques que l'on assiste à une grande créativité rituelle qui concerne également les enfants  mort-nés et qui descend jusqu'aux interruptions de grossesse.

 

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A l’épreuve des faits

Bernard Crettaz

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La mort d'un proche est l'expérience de vérité la plus dure que l'on puisse connaître dans la vie.

A partir de là, il était impossible à l'un des auteurs de l'exposition (B. Crettaz), qui croyait toujours posséder un solide manuel des rites, de ne pas évoquer la mort de son épouse pendant nos travaux. Dans les textes un peu chaotiques de cette salle, il témoigne du bouleversement incroyable de toutes ses connaissances et croyances thanatologiques face à la mort.

 

Transmission

La fonction primordiale d'un Musée d'ethnographie consiste à transmettre un savoir immémorial aux nouvelles générations. Mais aujourd'hui, celles-ci n'ont plus à reproduire ce savoir; elles ont à le réinventer, le modifier, le recréer. Ce qui veut dire que les "anciens" doivent s'efforcer de ne transmettre que l'essentiel. Comme "ancien" dans cette maison, je collabore ici avec toute l'équipe de l'ethno à l'une de mes dernières expositions sur un thème qui nous paraît à tous vraiment essentiel:

la mort. Ayant reçu l'initiation autrefois, enrichi par les cultures multiples de notre Musée, je transmets à mon tour.

 

Vérité

Pour qu'un ancien soit juste dans sa transmission de l'essentiel, il importe qu'il soit vrai. La perspective de la mort introduit l'exigence de la vérité. En effet, si un ancien, encore jeune ou déjà vieux, refuse de raconter des jolis souvenirs seulement; s'il est habité par l'exigence d'écrire jusqu'au bout le roman vrai de sa vie et de sa mémoire, alors il ne peut qu'être authentique puisqu'il ose envisager la perspective de la fin. La mort, dans son mystère, est certainement l'acte suprême de la vie qui permet à chacun, au moins une fois, d'affronter sa propre vérité.

 

Mission

Conservateur dans ce Musée, je suis aussi président de la Société d'études thanatologiques de la Suisse romande fondée en 1982. Au début, à plusieurs, nous luttions contre la marginalisation de la mort. Aujourd'hui, nous transmettons un savoir pratique et rituel et nous luttons aussi contre les nouveaux dangers qui risquent de coloniser une mort qui revient à la mode. Parmi ces dangers, il faut signaler la constitution d'un nouveau champ médico-psycho-social pouvant définir un mourir correct et un deuil correct. De nouvelles convenances et de nouvelles normes sont énoncées par de nouveaux "spécialistes de la relation".

 

Eclairages

Par ses recherches, l'anthropologue Yvonne Preiswerk, mon épouse, apporte une série d'éclairages fondamentaux sur les pratiques mortuaires. A partir d'une étude sur les repas de la mort en Valais et dans les Alpes vaudoises, elle fait voir comment les sociétés traditionnelles ont su opérer la synthèse entre "l'excès de vie" et "l'excès de mort". Mais l'anthropologue n'a jamais prôné la nostalgie de ces sociétés, préférant éclairer les conditions nouvelles de notre civilisation et se demander comment il est possible de se réapproprier un pouvoir personnel sur le désordre fondamental qu'introduit la mort.

 

Rite

J'ai pour ma part pensé que si, nous Société d'études thanatologiques et nous Musée, n'avions pas à transmettre le sens de la mort, il nous était possible de transmettre des éléments pour un nouveau manuel des rites mortuaires. Dans une perspective laïque et citoyenne, on pourrait très simplement définir ainsi le rite: une cérémonie comprenant un théâtre social connu de la communauté présente, ayant pour fonction d'aménager le temps et d'assurer un passage essentiel de l'être, lié au sacré. La mort comme passage fondamental exige un rite, quelles que soient la foi ou les croyances de l'entourage.

 

Mort

Au moment où nous préparons à plusieurs le petit manuel des rites et où nous commençons a concevoir cette exposition, mon épouse anthropologue et thanatologue Yvonne Preiswerk meurt. Toute ma pauvre thanatologie et la préparation de cette exposition sont confrontées à la béance de l'événement tragique. Je perçois seulement que je ne peux ”me rater” dans ce moment capital ni remettre en cause notre projet; mais j'apprends avec modestie que, seule aujourd'hui, dans des conditions urbaines, une communauté d'amis et de parents permet de ne pas fuir et abandonner, ni de ”déconner” en faisant trop ou trop artificiellement.

 

Choix

Sur tous les détails qui prennent une signification déterminante du rite mortuaire, on peut aujourd'hui choisir: la façon d'annoncer la mort, le cercueil, les fleurs, la veillée, la toilette du défunt, la cérémonie, le repas, les remerciements, les gestes concrets, le lieu de la sépulture. Par le dialogue qu'ils introduisent avec la personne disparue et la communauté, ces détails revêtent une fonction symbolique éminente. Et au terme du parcours, je me rends compte, pauvre président de la Société de thanatologie, qu'il m'a fallu de longues négociations avec moi-même pour choisir. Et là où j'hésitais, il me revenait en mémoire la leçon de mon épouse: "Quoi que les morts aient dit de leur vivant, c'est en définitive aux vivants de choisir".

 

Pouvoir

Le choix de l'entreprise funéraire est capital, car c'est elle aujourd'hui qui détient le pouvoir et le savoir funéraires. Partenaires de la Société d'études thanatologiques et de notre Musée, les collaborateurs des Pompes funèbres Générales nous ont fait part de la nouvelle demande des familles de partager ce savoir et ce pouvoir. Maintenant, c’est moi qui sollicite cette offre au moment du rite mortuaire de ma propre épouse. Et malgré toute ma thanatologie, je ne suis pas prêt, j'hésite, j'ai de la peine à faire vraiment mien le message de mes amis les nouveaux croque-morts: "Choisis et fais toi-même ce qui te convient réellement et profondément". Je leur dois beaucoup d'avoir presque tout réussi ce qu'obscurément

je désirais.

 

Foi

Yvonne Preiswerk n'avait pas la foi, comme l'on dit, et moi, je ne sais pas... Mais j'ai demandé à Dominique Roulin, pasteure au ministère Sida et élève d'Yvonne Preiswerk, de dire haut et fort sa foi à elle au moment où la communauté serait rassemblée au temple, choisi pour la cérémonie, puisque son symbole va bien au delà de toute Eglise. Commentant un texte de l'Evangile, Dominique a parlé du courage des femmes qui se rendaient au tombeau du Christ le troisième jour. Elles trouvèrent un tombeau vide. Dominique ajouta: "Voici ma foi: la mort ça ne s'arrête pas au tombeau. Après, je ne sais pas !" Ce fut un moment exceptionnel qui, sans tour de passe-passe clérical ou théologique, articula la mort sur la béance d'une question ouverte à jamais.

 

Deuil

Le mot de "deuil" est aujourd'hui partout pour désigner n'importe quelle fin. Mais quand la mort passe par là, ce mot est bien faible et bien abstrait pour désigner ceci: ce qui se trame ici c'est la continuation et l'accomplissement d'une relation. Quelqu'un part définitivement et l'on reste seul pour vivre une relation qui dévoile enfin toute ses beautés, ses chances, ses promesses, ses virtualités et ses manques. C'est un véritable combat qui va se livrer entre la vérité et l'illusion et la culpabilité d'être vivant. Toutefois, quel que soit le chagrin, on ne peut oublier qu'ailleurs dans le monde, au cours des guerres, des barbaries et des catastrophes, des familles ne retrouveront jamais leurs disparus pour commencer enfin le travail de deuil.

 

Acceptation

Quelqu'un m'a déposé ce texte de Marguerite Yourcenar. Dans ces circonstances particulières, je l'ai jugé presque inacceptable, scandaleux et terriblement vrai.

 

"Accepter que tel ou tel être, que nous aimions, soit mort. Accepter que tel ou tel être ne soit qu'un mort parmi des millions de morts. Accepter que tel et tel, vivants, aient eu leurs faiblesses, leurs bassesses, leurs erreurs, que nous essayons vainement de recouvrir de pieux mensonges, un peu par respect et par pitié pour eux, beaucoup par pitié pour nous mêmes, et pour la vaine gloire d'avoir aimé seulement la perfection, l'intelligence ou la beauté. Accepter leur indépendance de morts, ne pas les enchaîner, pauvres ombres, à notre char de vivants. Accepter qu'ils soient morts avant leur temps, parce qu'il n'y a pas de temps. Accepter de les oublier, puisque l'oubli fait partie des choses. Accepter de s'en souvenir, puisqu'en secret la mémoire se cache au fond de l'oubli. Accepter même, mais en se promettant de faire mieux la prochaine fois, et à la prochaine rencontre, de les avoir maladroitement ou médiocrement aimés".

 

Objection

Au vu des faiblesses avouées ici, on pourrait bien objecter qu'un manuel des rites ne sert pas à grand chose puisqu'il vous laisse si dépourvu. A cela ma réponse est triple:

La mort ne peut jamais être apprivoisée, mais la préparation au rite permet de "moins mal décider" ce que l'on veut ou ce que l'on peut être en ce moment qui articule intimité et théâtre social.

Le rite mortuaire est irremplaçable par le dialogue qu'il comporte avec la personne qui vous quitte et la communauté proche. Le rite est créateur de liens.

On n'improvise pas n'importe quel rite et tout geste n'est pas magiquement rituel. Tout rite vrai suppose une face d'apaisement et de sens et une autre d'abîme et de non sens par quoi la condition humaine se métamorphose en destin.

 

 

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La mort au quotidien :

tout ce que voulez savoir sans oser le demander

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L’entreprise des Pompes funèbres Générales est confrontée en permanence avec les demandes des familles et constitue un laboratoire exemplaire pour l’étude des nouveaux rituels mortuaires. Elle a donc été notre terrain de recherches privilégié.

Une telle coopération ne va pas forcement de soi. Aujourd’hui encore, entretenir des relations avec des croque-morts est sujet d’étonnement et de sarcasmes. Pourtant, qui d'autre que ces professionnels de la mort peut répondre aux attentes des proches du défunt?

Les savoirs transmis autrefois de génération en génération dans les sociétés traditionnelles se sont en grande partie perdus. L’influence réduite des Eglises et des communautés a eu pour conséquence de donner aux employés des entreprises de pompes funèbres une nouvelle fonction à laquelle ils n’étaient  pas préparés.

Aujourd’hui, la mort est devenue une affaire de professionnels. Ceux-ci doivent assumer, en plus de leur tâche habituelle de prise en charge du corps mort, l’accompagnement psychologique des proches. Ils travaillent dans le lien et non dans la rupture, entre vie et mort, entre soignants et familles, entre révolte et apaisement. Ils détiennent le savoir et disposent des lieux adaptés.

Cependant, les familles peuvent en tout temps être présentes et accompagner leur défunt du lieu où il aura rendu son dernier soupir à la chambre funéraire et accomplir, si elles le désirent, la toilette mortuaire.

 

Suivez le guide.

 

La vie est devant vous et s’interroger sur un sujet aussi grave n’est pas particulièrement exaltant. Pourtant, lorsqu’un être aimé décède, on s’aperçoit que nous ne sommes pas préparés. Dès lors, de nombreuses questions se posent : que faire, qui aviser, quelles démarches entreprendre... ?

 

Que faire quand un décès survient ?

Dans un hôpital, le personnel entreprend les premières démarches : constat médical de décès, premiers soins et accueil des proches.

Si le décès à lieu à domicile la famille fait appel a un médecin. Nul besoin d’aviser la police. Le constat de décès établi, vous pouvez prendre contact avec une entreprise de pompes funèbres.

Lorsque le trépas intervient sur la voie publique, la police est toujours appelée. Ensuite, les employés des pompes funèbres se chargent du corps et de l’accompagnement des familles. Les proches du défunt peuvent en tout temps faire valoir leurs droits et choisir une entreprise autre que celle mandatée par la police.

 

Les rapports entre l’entreprise et les familles.

Les familles ont des droits. Les gestes qu’elles pourront accomplir au cours des heures et jours qui suivront le décès ont un sens et une grande valeur thérapeutique pour le processus du deuil.

 

Les familles peuvent :

  • Choisir le domicile mortuaire qui, pour quelques heures au moins, peut être le domicile de la famille.

  • Participer aux gestes et soins voués à leur défunt, le revêtir de ses habits.

  • Revoir le défunt dans la crypte ou la chambre mortuaire.

  • Décider du lieu de la cérémonie et choisir le jour et l’heure de celle-ci. Réfléchir à son contenu et à son déroulement.

  • Assister à la fermeture du cercueil avant la cérémonie.

  • Désigner des proches ou des amis pour le porter.

  • Accompagner les déplacements de la voiture mortuaire.

  • Disposer librement des cendres après la crémation.

  • Assister à l’inhumation des cendres, même si c’est une tombe collective.

  • Exiger un devis détaillé des prestations.

 

 

Les professionnels des pompes funèbres doivent s’engager à :

  • Etre à l’écoute des préoccupations des proches.

  • Offrir les meilleures conditions de recueillement, dans une crypte ou à domicile.

  • Vous proposer de participer à toutes les activités qui concernent le défunt : l’habillement, la toilette, la mise en bière etc...

  • A la disposition des familles jour et nuit, les pompes funèbres accomplissent et informent sur les démarches administratives.

  • Rien ni personne ne doit vous être imposé. 

 

Choix du domicile mortuaire.

Nous savons que le souvenir bon ou mauvais d’une séparation dépend grandement du choix du domicile mortuaire.

Avant d’accomplir la cérémonie, les familles doivent pouvoir se recueillir dans un lieu intime et accueillant.

 

Cinq possibilités peuvent vous être proposées :

  • Le domicile familial.

  • L’établissement hospitalier, du moins pour les premières heures.

  • La crypte paroissiale.

  • La Maison funéraire de l’entreprise de pompes funèbres.

  • Le centre funéraire de votre localité.

 

La cérémonie.

Vient le moment de la cérémonie des obsèques. On ne rappellera jamais assez qu’un dernier hommage escamoté peut par la suite induire chez les proches un sentiment douloureux de culpabilité et engendrer un deuil mal vécu.

 

Voici les quelques alternatives qui se présentent :

La cérémonie peut être religieuse, au sein d’une paroisse. Laïque, en présence du cercueil et accompagnée de textes dits par des proches et de musique. On peut préférer un recueillement familial restreint et un dernier adieu avec un prêtre ou un pasteur. Et enfin une sépulture sans aucune cérémonie.

 

Les rites mortuaires pour aider au deuil.

Beaucoup d’études soulignent la valeur des rites. Or, ils tendaient à disparaître, surtout dans les villes. Dans leurs pratiques, les entreprises de pompes funèbres proposent et aident à réaliser quelques rites de transition importants.

 

Sur le chemin qui mène à la séparation, nous avons retenu cinq moments essentiels :

Le recueillement au lieu du décès permet de passer encore un peu de temps auprès du défunt et de prendre conscience de la réalité de la perte.

Une visite à la chambre mortuaire incite à partager sa peine avec d’autres personnes et de parler du défunt.

Etre présent à la fermeture du cercueil, c’est le sentiment d’avoir accompagné le défunt jusqu’au bout.

Le dernier hommage de la cérémonie permet à chacun de témoigner son attachement au défunt et d’apporter un réconfort à la famille.

Au cimetière, une ultime présence permet de procéder à un dernier rite en jetant une poignée de terre, une fleur, une enveloppe sur le cercueil.

 

Gérer un deuil, surtout s'il s’agit d’une mort subite ou de la perte d’une personne jeune, est toujours très difficile. Accomplir certains gestes ou paroles facilitent un indispensable travail de deuil.

 

 

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Les danses macabres

Christophe Gros

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Le sens d’une danse macabre est une figuration, celle de la venue de la mort lors du moment fatal du trépas. Les prédicateurs utilisent cette figure rhétorique pour avertir que quels que soient le rang ou la ruse du mourant, la mort saisit le vif. L’âme alors plongera dans la douleur du châtiment ou, au contraire, s’élèvera dans le ravissement céleste, loin des plaisirs, des métiers et des pouvoirs terrestres.

À l’âge baroque, on n’exprime plus, comme au Moyen Age, un effroi devant la fin dernière; on illustre une allégorie individualisée sous forme d'un cadavre drapé et échevelé. La Totendanz y est lascive et se mue en partie fine, intimiste, pendant laquelle la danse exécutée tourne à la mise à mort. Pugilat d'un rapt durant lequel le sujet est cajolé, se défend, puis s'abandonne, envoûté, pour être emmené énergiquement par son double. Moment d’une métamorphose des vivants en leurs cadavres et renversement vertigineux de la perspective par le basculement des corps décentrés.

Il s’agit ici de l’ossuaire d’Hasle et de la chapelle de pèlerinage de Wolhusen, dans l'Entlebuch, canton de Lucerne. La fresque est attribuée à Jakob Fleischlin qui a également exécuté en 1687 les peintures de l'autel. Les noms de famille des commanditaires ou des donateurs du bâtiment, calligraphiés dans les médaillons, montrent que cet artiste local fait participer ses contemporains à la peinture réaliste des moeurs en y intégrant leurs costumes, leurs parlers et leur mentalité corporatiste. La mort parle à ses victimes qui, tour à tour, répondent, pour tenter de la repousser et lui ordonnent de s'approcher d'un autre humain, d'un voisin plus vieux, plus paresseux, certainement plus libertin, voire d'un puissant, sinon d'un plus riche.

Dans l'Entlebuch, les gestes de piété sont restés baroques jusqu’au XXe siècle, notamment en raison de l'affirmation d'une lutte confessionnelle tumultueuse avec le reste de l’Emmenthal, passé lui, à la Réforme bernoise. La survivance en est visible dans les ossuaires sauvegardés, mais aussi parmi les ex-votos, dans les costumes de Carnaval et lors des processions.

 

Vers les rites des autres : non par exotisme mais par quête de la diversité et de la grammaire symbolique universelle.

 

Claude Savary

 

 

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Le souffle des ancêtres :

la mort en Afrique au sud du Sahara

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Comme partout dans le monde, la mort en Afrique représente une rupture définitive. Toutefois, elle n’est pas considérée de la même façon qu’en Europe, où elle est entourée de conceptions provenant de l’Egypte ancienne et du monde gréco-romain, ainsi que par des croyances judéo-chrétiennes. Pour les Africains, même chrétiens ou musulmans, la mort constitue avant tout un passage vers le monde des ancêtres, selon l’idée d’une force vitale qui se transmet de génération en génération. La mort devient ici source de vie pour les générations à venir et c’est justement le but des rites funéraires que de rétablir la chaîne rompue, en faisant du défunt un ancêtre qui désormais peut veiller de manière positive au bien-être de ses descendants. Naturellement, cela demande certains sacrifices de la part des vivants, un culte régulier pour commémorer les ancêtres, les remercier de leurs bienfaits et solliciter leur intervention au bénéfice de la famille. Mais c’est de la sorte que peut s’établir de façon durable une relation entre les vivants et les morts.

La notion de rédemption ou de salut après la mort n’existe que rarement dans les traditions africaines. Les défunts gardent le statut et le genre de vie qu’ils connaissaient de leur vivant. D’ailleurs, les morts occupent un monde symétrique à celui des vivants, habitant des villages dont la population varie en fonction des naissances sur terre, suivant le même type d’organisation que chez les vivants. Ainsi, un chef ou un roi demeure toujours chef ou roi dans l’au-delà, un chasseur et un cultivateur continuent leurs activités dans le monde des morts tout comme les devins, sorciers, artisans ou artistes, etc., qu’ils aient été méritants ou non de leur vivant! D’où l’importance de savoir à qui s’adresser lorsqu’on doit faire appel à eux.

 

L’explication que donnent les anciennes traditions africaines sur les composantes de la personnalité de l’individu, ses âmes dirait-on en Occident, tient compte de cette permanence au-delà de la mort. Ainsi, beaucoup de peuples de l’Afrique de l’Ouest considèrent qu’il y a au moins trois âmes: la première réside dans l’ombre de la personne – son double en quelque sorte – de nature spirituelle et matérielle à la fois, c’est pourquoi on peut la voir derrière soi quand on marche au soleil ou reflétée par une étendue d’eau. C’est notamment cette âme qui peut entrer en contact avec le monde de l’au-delà grâce aux rêves. Au moment du décès, elle quitte le corps pour rejoindre le monde des morts. La seconde représente la destinée de l’individu, non pas déterminée à l’avance, mais plutôt faite d’options qu’il devra choisir pour établir une certaine harmonie dans sa vie sur terre. La troisième, enfin, constitue la personnalité même de l’individu, celle qu’il va modeler tout au long de son existence, par les connaissances acquises, les expériences de toutes sortes, avec bien entendu les dons naturels qu’il aura su développer, etc. Ces deux dernières âmes vont se fondre après la mort pour donner le principe même de la force vitale qui se transmettra dans la descendance. Il ne s’agit en aucun cas d’une forme de réincarnation, mais bien plutôt d’un capital légué par les ancêtres, une accumulation d’expériences et de savoirs qui, par ailleurs, sont à la base des traditions culturelles africaines ou, en d’autres termes, de la pensée philosophique et religieuse des peuples africains.

 

Une autre particularité africaine, c’est de penser que la mort, même celle qui semble la plus naturelle, ne l’est pas forcément, surtout lorsque le défunt ou la défunte sont relativement jeunes et n’ont pu accomplir tout ce qu’ils auraient pu réaliser durant leur vie. Le mauvais sort, la malchance comme on dit là-bas, n’est pas toujours le fruit du hasard. Il existe aussi des personnes malveillantes qui, en utilisant des moyens occultes, parviennent à détruire la vie des gens. Ce sont les mauvais sorciers (car il en existe aussi de bons) que la communauté cherchera à démasquer. Ainsi, interroge-t-on les devins, parfois même le cadavre, pour découvrir ces «mangeurs d’âmes». Les membres de la famille ne sont pas épargnés et l’on soupçonne trop souvent à tort certaines vieilles personnes accusées d’utiliser des pouvoirs magiques.

 

 

Ecoute plus souvent

les choses que les êtres.

La voix du feu s’entend,

entends la voix de l’eau,

écoute dans le vent

le buisson en sanglots.

C’est le souffle des ancêtres...

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis,

ils sont dans l’ombre qui s’éclaire

et dans l’ombre qui s’épaissit,

les morts ne sont pas sous la terre:

ils sont dans l’arbre qui frémit,

ils sont dans le bois qui gémit,

ils sont dans l’eau qui coule,

ils sont dans l’eau qui dort,

ils sont dans la cave, ils sont dans la foule;

les morts ne sont pas morts.

 

Birago Diop 

Extrait de « Souffles » Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française. Paris 1948

 

 

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La mort et la religion vodun au Bénin

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Au Bénin, chez les Fon, Gun, Mina, Nago-Yoruba, etc., qui conservent encore leur religion traditionnelle, tout individu devient vodun après sa mort (orisha en Yoruba). Donc, la mort ne constitue pas une fin définitive, mais plutôt un passage vers le monde des divinités, selon une hiérarchie qui ne doit rien au hasard. C’est par ce moyen que les ancêtres familiaux (henuvodun) peuvent agir sur les vivants, transmettre leur force vitale et en même temps établir un lien entre les hommes et les multiples forces de la nature qui sont régies par les vodun publics (tovodun), par exemple Mahu et Lisa les vodun de la création du monde et des hommes, les vodun du ciel représentés par Hèbioso, ou ceux de la terre par Sakpata, ou encore les divinités indépendantes comme Gu, Dan Ayidohwedo, Lègba et Fa, le génie de la divination. Les anciens rois du Danhomè, qui avaient leur capitale à Abomey, ainsi que les ancêtres des familles qu’ils ont fondées sont devenus des vodun très puissants et occupent une place de choix dans le panthéon, tout particulièrement les Tòxòsu, enfants anormaux sacrifiés ou avortés d’origine royale, qui coiffent tous les autres cultes publics, pour la plupart importés des régions conquises. Au temps de l’ancien royaume du Danhomè, les funérailles des rois étaient toujours accompagnées de sacrifices humains, prétextes à de nouvelles guerres en vue de se procurer des victimes, en plus des esclaves destinés à la traite européenne ou aux travaux des champs.

 

Pour les Fon, traditionnellement, les funérailles (cionu) comprennent plusieurs étapes: tout d’abord un rite de séparation, l’ensevelissement qui a lieu rapidement après la mort et qui est assuré par un groupe de spécialistes, les donkpegan; ensuite, après un certain laps de temps pour permettre de réunir la famille et les moyens de faire face à d’importantes dépenses, un rite de purification qui constitue l’enterrement proprement dit avec le dallage du tombeau; enfin, un rite de consécration qui établit le défunt en tant qu’ancêtre. Jadis, les morts étaient enterrés dans la concession familiale, sous leur case, alors qu’aujourd’hui les familles sont souvent obligées de se rendre au cimetière, ce qui a passablement modifié le déroulement et la portée des cérémonies.

 

Celles-ci n’en sont pas moins accomplies, même chez les chrétiens et les musulmans, notamment pour la levée de deuil. On peut dire que les rites funéraires représentent de plus en plus de nos jours un phénomène social où l’on cherche surtout à faire étalage de sa notoriété à travers la participation d’une nombreuse clientèle.

 

Ces rites funéraires se compliquent en cas de morts brutales ou considérées comme infamantes, par exemple les suicidés, les noyés, les foudroyés, les accidentés de la route ou les victimes de crimes, toutes ces morts que l’on suppose avoir été provoquées par des divinités ou des individus malveillants (azèto). Pour en découvrir les causes et surtout pour s’en prémunir, on consultera la divination, le Fa, qui est une sorte de géomancie comprenant 256 signes, soit 16 signes principaux et leurs 240 combinaisons. L’un des signes, Yèku-Mèji, représente en effet la mort mais ne l’annonce pas forcément. Il est à l’opposé de Gbè-Mèji, le signe de la vie, qui est aussi celui du large chemin qui peut conduire à la tombe. Yèku-Mèji prévoit «d’échanger la mort», c’est-à-dire de déposer en brousse un substitut, une figure humaine modelée en terre et accompagnée de la viande d’une chèvre sacrifiée. Toujours selon le Fa, on pratique également des sacrifices sur les autels familiaux formés de poteries rituelles ou des libations sur les asen, ces autels en fer forgé ayant la forme de parasols ou de cornets. 

 

 

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Rituels funéraires chez les Fali du Cameroun

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Les Fali habitent les zones montagneuses refuges du Nord-Cameroun, de même que d’autres peuples désignés communément sous le terme de «Kirdi» par les musulmans. Ils ont comme eux construit leurs villages sur des pitons rocheux d’accès difficile pour se protéger des incursions Peul. De l’ancienne civilisation Sao, ils ont conservé des traits culturels importants, surtout en ce qui concerne le mode de sépulture.

 

Les origines des Fali sont très diverses, mais on pense qu’elles remontent à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle par fusion avec d’autres ethnies. Les Sao, chassés de leur habitat au sud du lac Tchad au début du XVIIe se réfugièrent dans la vallée de la Bénoué et se mêlèrent aux populations déjà en place, parmi lesquelles des groupes dont sont issus les Fali Mango (Hou), les plus anciens sur le massif de Tinguelin. L’influence Sao se remarque notamment dans le changement de sépulture: les tombes «allongées», directement creusées dans le sol, sont remplacées vers le début du XVIIe siècle par des tombes en double jarre de type Sao (voir la chronologie). Ces tombes, d’abord isolées, sont vers la fin du XVIIIe groupées en de vastes nécropoles (Ngoutchoumi). Le mobilier funéraire, perles en cornaline, bracelets, colliers, etc., est assez semblable au mobilier trouvé dans les sépultures de la région tchadienne, bien que plus rare et de qualité nettement inférieure.

 

Chez les Fali de Tinguelin, les rites funéraires comprennent tout d’abord l’emmaillotement du cadavre dans de longues bandelettes de coton, complétées par des lanières de cuir et une peau de bœuf s’il s’agit d’un homme. Ce sont les forgerons qui sont chargés de cette besogne. Le cadavre ainsi emballé est ensuite assis à l’extérieur sur une natte, calé par des pierres et des cornes d’antilopes pour recevoir l’hommage de son clan et de tous ceux des villages voisins. Après la visite du masque Tiwot Tu Manu, représentant le grand ancêtre venu chercher le mort, les parents et amis pratiquent des libations de bière de mil sur le défunt.

 

Désormais celui-ci ne représente plus qu’un cadavre que l’on a hâte d’ensevelir. Les tombes actuelles des Fali ont une forme évasée au fond et une étroite ouverture couverte d’une large poterie percée d’un trou pour permettre à l’esprit du mort de s’échapper, le tout disparaissant sous un tertre de terre entouré d’un cercle de pierres. Cette forme de sépulture diffère des anciennes tombes où les morts étaient placés dans des urnes funéraires assis ou en position foetale, elles-mêmes recouvertes de larges poteries. 

 

 

D’après Jean-Gabriel GAUTHIER: «Les rituels funéraires des Fali Tinguelin (Hou et Tsalo)». Extrait du Bulletin de l’Association Française pour les Recherches et Etudes Camerounaises. Bordeaux, Faculté des Lettres et Sciences Humaines (1968): 7-21, ainsi que: «Art ancien du Nord-Cameroun: Saô et Fali». Anthropological Publications. Oosterhout –The Netherlands, 1973: 13-18.

 

 

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Le culte des ancêtres au Gabon

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Jadis, chez les Fang du Gabon, le culte des ancêtres se déroulait autour du reliquaire byeri, boîte d’écorce contenant les crânes et autres ossements des ancêtres du lignage. Ces boîtes cylindriques présentaient souvent sur le couvercle une figure humaine ou une tête en bois remarquablement sculptée. A vrai dire, ce n’était pas une représentation d’un ancêtre particulier, mais plutôt un modèle idéal qui avait pour but de signaler qu’il ne s’agissait pas d’un objet anodin et que seuls le chef du lignage ou ses gens avaient le droit de toucher à cet objet sacré. En effet, le reliquaire représentait un véritable condensé des pouvoirs issus du monde de l’au-delà. Des sacrifices d’animaux étaient régulièrement faits sur les ossements chaque fois qu’on venait solliciter l’aide ou la protection des ancêtres.

 

Chez les Kota voisins, les crânes et les ossements des ancêtres étaient jadis conservés dans des paniers surmontés de figures stylisées en bois recouvert de cuivre. Ces reliquaires (bwete) disposés sur des claies à l’intérieur d’une case ou sous un auvent, étaient également consultés avant toute décision importante et en vue d’obtenir l’aide des ancêtres. C’est d’ailleurs à l’occasion d’un rite semblable, lors du passage de la mission Pierre Savorgnan de Brazza en pays Shamaye, que fut dessiné pour la première fois un autel de ce genre («Voyages dans l’Ouest africain». Le Tour du Monde, 1887/2: p. 329). Les bwete Kota remplissaient en somme le même rôle que les byeri Fang.

 

Condamné comme «pratique d’anthropophages» dès le début de la colonisation, le culte des reliques a totalement disparu et a été remplacé par celui du Bwiti, au cours duquel des initiés spécialement entraînés peuvent entrer en contact avec les ancêtres, notamment grâce à la racine hallucinogène de l’iboga (Tabernanthe iboga). Les rites qui ont lieu de nuit sont toujours très spectaculaires et peuvent mystifier le profane grâce à l’habileté des acteurs. Cela fait partie en quelque sorte du mystère entourant ces rites qui ont pour but de faire revenir les morts parmi les vivants et leur confère en même temps un caractère sacré.

 

Ailleurs, principalement chez les peuples de la Ngouniè, chez les Eshira-Punu, Njabi, Sango, Lumbo, etc., des personnages masqués montés sur échasses apparaissent après la fin des séances nocturnes du Bwiti. Ils arborent des visages en bois délicatement sculptés, aux yeux clos et peints en blanc, les Mukuyi, qui représentent un idéal de beauté féminine difficilement accessible. Ce sont en effet des esprits féminins provenant du monde de l’au-delà et se déplaçant en plus sur des échasses, ce qui leur donne une dimension hors du commun, hors de l’humanité...

 

Doubles et substituts

Figures d’ancêtres et figures de pierre

 

Le conjoint de l’au-delà

 

Blolo bian au masculin et blolo bla au féminin, ou simplement waka slan, personnes de bois. Ces statuettes en bois représentent le double ou le conjoint de l’au-delà chez les Baoulé de Côte d’Ivoire. En effet, les Baoulé pensent que chacun possède en quelque sorte son double dans le monde des morts où ceux-ci ont des villages et des activités similaires à celles des vivants. Comme les morts cherchent toujours à revenir sur terre ou à renouer avec les vivants, ils se manifestent souvent dans les rêves pour établir une relation avec les vivants du sexe opposé. Pour éviter d’être constamment perturbée et en vue d’obtenir leur appui, la personne visitée leur consacre une statuette dont elle prendra soin comme s’il s’agissait de son conjoint ou de sa conjointe et lui fera des offrandes régulières sa vie durant.

 

Le substitut des jumeaux décédés

 

Au Bénin où on les appelle hohovi, au Nigeria et au Togo où on les nomme ibeji et vènavi, les jumeaux sont considérés comme inséparables. Lorsque l’un d’eux décède, il est censé entraîner dans la mort son frère ou sa sœur. Pour éviter ce drame, les parents vont lui substituer une statuette en bois qui fera l’objet des mêmes soins que l’enfant survivant. Ainsi, l’enfant décédé ne peut revenir car sa place est déjà prise. Les naissances gémellaires, ainsi que toutes celles qui leur sont associées comme naissances à risque, nécessitent pour éviter qu’elles ne se reproduisent un rituel à observer, de même que des autels familiaux comportant des poteries consacrées. Les enfants nés après des jumeaux ou après des enfants mort-nés portent des noms particuliers et parfois aussi des marques ou scarifications, afin que leurs frères et soeurs décédés ne puissent les reconnaître, ce sont les Abiku. 

 

Les terres cuites votives des Akan

Chez les populations d’origine Akan en Côte d’Ivoire comme au Ghana, existe l’habitude de rendre hommage aux défunts par des monuments souvent extravagants, surtout avec l’usage du ciment armé qui permet de reproduire des scènes de la vie du défunt. Auparavant, les Agni de l’ancien royaume de Krinjabo en Côte d’Ivoire rappelaient leurs morts grâce à des effigies en terre cuite placées sur les tombes. Les Ashanti du Ghana, quant à eux plaçaient également des vases funéraires et des effigies de terre cuite sur les tombes, en particulier un type de vase appelé abusua kuruwa, orné de motifs qui se réfèrent à des proverbes de circonstance, dont le plus courant rappelle que «l’homme n’est pas seul à gravir l’échelle de la mort» (ce qui veut dire que la mort est inévitable!).

 

Figures d’ancêtres

Dans beaucoup de régions africaines, les ancêtres ne sont pas représentés de façon formelle par des sculptures en bois ou réalisées dans d’autres matériaux. Cependant, là où elles existent, ces effigies d’ancêtres n’expriment pas seulement la vision des artistes qui en sont les auteurs. mais d’abord le modèle idéalisé qui émane du groupe tout entier et qui peut être identifié ethniquement. Dans certains cas, ces statuettes sont utilisées comme des mini-reliquaires, par exemple chez les Bembe où elles comportent fréquemment une charge anale.

 

 

Les figures de pierre

 

Non loin de Matadi, chez les Boma et Kongo du Bas-Zaïre, région aujourd’hui partagée entre la République démocratique du Congo et l’Angola, on a découvert des monuments funéraires en pierre savonneuse (stéatite) marquant l’emplacement de tombes dans d’anciens cimetières abandonnés. Ces pierres, de style assez homogène et appelées ntadi, d’après la ville de Matadi où les premières furent découvertes, proviennent en fait d’un petit nombre d’ateliers et d’artistes dont on pense que les derniers ont disparu vers 1950. Beaucoup de ces sculptures rappellent le style Yombe avec des personnages assis en tailleurs ou pensifs se tenant la tête. Plusieurs présentent encore des traces de polychromie.

 

Gilles Labarthe

 

 

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Dialogue avec les ancêtres à Madagascar

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Mourir de mort naturelle. S’en aller après avoir passé un beau séjour sur terre et partir pour l’au-delà «rassasié de jours»... Tel est le souhait le plus cher des Malgaches, qui pour la plupart acceptent le deuil sans crainte et avec fatalité, puisqu’ils croient fermement en une vie après la mort. Convaincus de retrouver leurs parents dans le monde des esprits, ils entretiennent un dialogue permanent avec leurs ancêtres (razana) et les consultent avant de prendre toute décision importante. Ces ancêtres interviennent dans le quotidien des mortels, soit en leur rendant visite dans leurs rêves (nofy), soit en inspirant les devins chargés de trans-mettre leurs messages. Ce sont eux qui donnent une explication aux phénomènes naturels ou aux cataclysmes, eux encore qui indiquent la cause des épidémies ou des accidents, des conflits entre individus, voire des événements politiques.

De leur côté, les vivants sont tenus d’honorer les ancêtres afin d’attirer leur bienveillance. C’est pourquoi les familles consacrent une grande partie de leur fortune aux rites funéraires et à la construction des tom-beaux. Ces derniers sont souvent plus solides et plus richement décorés que leurs propres maisons. Il s’agit en effet d’édifier, pour ceux qui sont passés dans l’autre monde, de véritables demeures pour l’éternité dans lesquelles les défunts puissent se sentir bien installés, et de leur ôter l’envie d’en ressortir. On y emmène les morts avec toutes sortes de pré-cautions, les transportant à travers le village, leur faisant parcourir les multiples chemins qu’ils aimaient à emprunter, cherchant à les con-vaincre de quitter leur famille. Arrivés aux tombeaux, on les enterre parfois avec leurs biens, quelques objets utilitaires (céramiques, réci-pients, ustensiles de cuisine, couteaux...) ou d’autres viatiques pour assurer le voyage dans l’au-delà (du tabac, du rhum, un peu d’argent).

Elevés au rang d’ancêtres, les morts se nourrissent de la prière de leurs enfants, des honneurs et des offrandes qu’ils reçoivent. Si la coutume (fomba) n’est pas respectée, l’esprit du défunt risque de se fâcher. Il peut quitter sa tombe pour venir troubler le monde des vivants.

 

Par ailleurs, les cultes rendus aux ancêtres doivent respecter de nombreux fady (interdits), ensemble de règles comportementales et morales à ne pas transgresser sous peine de sanction collective pouvant entraîner maladies ou accidents. Les rituels funéraires représentent les événements les plus importants que connaisse la société malgache. Une cérémonie bien menée protège des représailles des ancêtres. Elle assure bénédiction, prospérité de la famille, descendance nombreuse et fertilité des récoltes. Ces croyances sont encore observées, traditionnellement et sous des formes très diverses, dans de nombreuses régions. Elles sont l’objet de constantes réadaptations dans les zones christianisées et dans les grandes villes, exprimant autant les problèmes économiques et sociaux que traverse Madagascar que le clivage entre les générations.

Vivants et morts sont comme les eaux d’un même fleuve, les lianes d’un même arbre et les arbres d’une même forêt

Vivants, on habite le même village, morts, le même tombeau

Une seule maison pour les membres vivants d’une famille, une seule tombe pour les morts

Les morts eux-mêmes désirent être nombreux

On se marie pour avoir une compagne (ou un compagnon) et on fait des enfants pour avoir des successeurs

Seul l’oubli peut tuer les razana

Le linceul sera pour les courageux

Vous êtes des ancêtres vivants, propriétaires des bénédictions, car les bénédictions sont précieuses mais les torts portent malheur

Vous, les ancêtres, du côté paternel, du côté maternel, qui êtes déjà morts et qui deviendrez des dieux et des objets sacrés

Nous vous appelons pour nous assister, nous vous appelons pour bénir ce que nous entreprenons...

 

(Proverbes et invocations malgaches)

 

Cimetières sakalava

Il existe à Madagascar une grande variété de tombeaux. En certains endroits de la côte ouest, l’art funéraire sakalava met en scène de manière évocatrice les rapports entre l’Amour, le Sexe et la Mort, avec la construction au début de ce siècle des cimetières de roturiers vohitse. Leurs tombes sont formées par des enclos taillés en un bois vigoureux et dont les poteaux sont surmontés de sculptures érotiques. Ces sculptures font référence à une transformation d’état: celui du passage du monde des vivants au monde des ancêtres. L’oiseau ibis (mijoa) représente le messager entre la terre et l’au-delà. Il est aussi le symbole de fécondité. Les couples enlacés, parfois dans des positions aussi ingénieuses que suggestives, renvoient à la prolongation du défunt par la procréation et à l’importance de la famille dans la société malgache. Affirmer le désir, c’est dépasser la mort. Avoir de nombreux enfants, c’est avoir l’assurance d’être maintenu dans la mémoire des hommes. Les Sakalava cultivent là une idée précise de l’éternité, d’une éternité garantie non pas par un dieu suprême, mais par l’honneur qui est rendu aux ancêtres au travers d’une belle descendance.

 

Le tromba, une évocation des morts

Lorsque le défunt est devenu cet idéal de perfection que l’on appelle ancêtre, accomplissement de sa vie humaine, il détient enfin la sagesse du monde des esprits. Garant des traditions, il est invoqué comme juge et protecteur pour assurer la bonne harmonie du monde des vivants. La pêche, les récoltes, les mariages, la guérison des maladies et les choix politiques dépendent souvent de ses interventions sur terre. Mais ces relations entre les vivants et l’au-delà sont délicates. Chez les Sakalava de l’ouest de Madagascar, on appelle les esprits par des offrandes ou des sacrifices de bétail (afo) effectués lors du tromba, un culte avec évocation des ancêtres royaux. La cérémonie est dirigée par des interprètes, qu’il s’agisse du représentant du lignage ou d’un devin-guérisseur (ombiasy). Le rituel du tromba est toujours l’occasion d’assister à des phénomènes de possession et de transe spectaculaires, sous une forme sans cesse réinventée et modernisée. Ils peuvent survenir le jour de la mort d’un proche, ou quelques jours après et signifient que l’ancêtre visite le corps d’un des participants pour entrer en contact avec ses descendants. La voix de l’ancêtre parle par la bouche du possédé et révèle quels sont les remèdes aux malheurs et aux conflits actuels qui assaillent la communauté.

 

Un art funéraire bien vivant

Chez les Mahafaly, tout au sud de l’île, les sculptures qui ornent les poteaux funéraires érigés à la mémoire des ancêtres montrent quelles étaient leurs activités favorites, leur métier, l’étendue de leur progéniture ou de leur richesse. Depuis le début du siècle, cette forme majeure et traditionnelle de l’art funéraire malgache se révèle très créatrice et n’hésite pas à présenter des personnages coiffés de casques coloniaux. Elle connaît un renouveau depuis quelques décennies et s’inspire volontiers de scènes de la vie quotidienne ou de figures plus modernes, telles que des paquebots, hélicoptères ou automobiles. Quant aux motifs géométriques et à leurs formes humaines schématisées, qui composent la partie centrale de ces poteaux funéraires sculptés – appelés aloalo pour les Mahafaly et volihety pour les Sakalava – ils rappellent certains traits identifiés dans l’art indonésien ou même du Pacifique. Renvoient-ils aux lointaines migrations venant de ces contrées qui ont progressivement peuplé Madagascar au milieu du premier millénaire, se mêlant aux habitants d’origine arabe et africaine? La juxtaposition des cercles et des demi-lunes reste un mystère. Elle pourrait représenter les lignées patrilinéaires évoquées lors des rituels funéraires ou de guérison.

 

Le retournement des morts

La cérémonie du retournement des morts (famadihana) est une des rares pratiques d’exhumation connues dans le monde. Elle constitue un des événements les plus importants de la vie sociale des Malgaches des Hauts Plateaux et se déroule pendant la saison sèche, de juin à septembre. Il s’agit soit d’un changement de domicile des morts, qui intègrent un nouveau statut en se faisant enfin rapatrier dans le tombeau familial, soit de respecter les obligations envers les ancêtres déjà enterrés depuis de nombreuses années.

 

Les esprits des défunts se sont manifestés auprès de leurs descendants. Ils demandent à être honorés, exigent de l’attention, se sentent négligés et ont froid. Le moment est venu de les entourer de nouveaux linceuls (lambamena). Selon les traditions, le choix du jour le plus favorable à l’exhumation est alors prévu d’entente avec l’aîné du lignage et le devin-astrologue (mpanandro). Le famadihana est l’occasion pour la famille de réenvelopper les restes de ses ancêtres dans de nouveaux suaires. Par cette cérémonie, la famille implore la bénédiction des ancêtres. Elle demande parfois leur intervention pour résoudre les problèmes de la communauté, voire apporter un éclaircissement aux dernières actualités nationales. Mais elle invite aussi les morts aux plaisanteries, cherche à les réjouir par une fête somptueuse, agrémentée de musique, de danses et bien souvent, d’alcool.

 

Roberta Colombo Dougoud

 

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La mort et le monde spirituel des Aborigènes d'Australie

Comment accompagner l'esprit du défunt au royaume des morts

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Dans toute société, la mort d'un individu est vécue comme une menace à l'intégrité du tissu social de la communauté entière. Parmi les Aborigènes d'Australie, la mort est considérée comme naturelle seulement lorsqu'elle frappe une personne âgée ou un petit enfant. En revanche, le décès d'un homme ou d'une femme jeunes est interprété comme la conséquence d'un acte de sorcellerie. Des pratiques d'investigation permettent de déceler l'auteur et de rétablir l'ordre social, par le biais d'une vengeance ou d'une compensation qui doit être payée à la famille du défunt.

Les rites funéraires aborigènes, qui mobilisent toute la population, sont multiples et variés: enterrement, crémation, mise à l'eau, exposition à l'air sur une plate-forme ou dans une fourche d'arbre. Certaines tribus combinent deux ou plusieurs formes. La plupart de ces rites complexes sont accompagnés de tabous, qui ont souvent pour but d'aider la part spirituelle du défunt à trouver le chemin qui le conduit au lieu de son origine totémique.

L'art des Tiwi qui habitent les îles Bathurst et Melville (Australie, Territoire du Nord) est lié au rite mortuaire appelé pukumani, terme que l'on pourrait traduire par "tabou" ou "dangereux" et qui indique les interdictions auxquelles est soumise la parenté du défunt. Les principales œuvres produites durant cette cérémonie sont les poteaux funéraires (tutini) sculptés par la parenté du défunt comme un monument à sa mémoire et dont le nombre peut s'élever à 20 exemplaires pour une personne très importante. Quelques mois après l'enterrement, ces poteaux sont assemblés sur le site funéraire où ont lieu les dernières étapes de la cérémonie. Les Tiwi considèrent les tutini comme analogues à la forme humaine, car ils sont censés représenter certains aspects de la personne décédée. Lorsque les cérémonies funéraires sont terminées, plus aucun soin n'est pris des poteaux en vue de leur conservation.

 

La cérémonie connue sous le nom dupun est pratiquée en Terre d'Arnhem (Australie, Territoire du Nord) et a comme but de veiller à ce que l'esprit du défunt rejoigne sans incident le royaume des morts. Après la mort, le cadavre est décoré de motifs totémiques, chanté et pleuré. Ensuite, il est emmené dans la terre de son clan où il est enterré ou bien exposé sur une plate-forme aménagée dans un arbre, afin qu'oiseaux et insectes le débarrassent de sa chair. Après quelques mois, voire des années, les os sont récupérés, nettoyés, cassés, éventuellement peints et placés dans un rondin (dupun) creusé par les termites. Des chants et danses sont effectués lorsque l'étui à ossements est installé verticalement. L'étui est abandonné aux éléments et le cycle funéraire prend fin.

 

Bonnet funéraire (kopi)

Autrefois, si un homme mourait, sa veuve confectionnait un bonnet de gypse ou de chaux. Ce bonnet, qui mesurait trois pouces ou plus d'épaisseur et qui pouvait peser jusqu'à seize livres, s'ajustait sur le sommet du crâne et devait être porté pendant la période de deuil. Les cheveux étaient auparavant enlevés par brûlage à l'aide de cendres chaudes. Ces bonnets étaient renouvelés à l'intervalle d'une ou deux semaines et les usagés étaient placés sur la tombe, au fur et à mesure, étant la preuve de l'estime dans laquelle on tenait le défunt.

 

Les malanggan de Nouvelle-Irlande:

Rites de mort, rites de vie

 

Dans la partie nord de la Nouvelle-Irlande et dans les petites îles avoisinantes (Papouasie-Nouvelle-Guinée), la mort d'un notable déclenche un cycle de cérémonies funéraires appelées malanggan qui peut se prolonger pendant plusieurs années. La dépouille du défunt est brûlée, inhumée, parfois placée dans une grotte ou bien abandonnée à la mer dans une petite embarcation. Ses parents sont soumis à un deuil sévère qui est considéré comme achevé seulement après l'organisation d'une cérémonie commémorative qui comporte un festin avec des danses, la distribution de dons et qui culmine avec l'exposition de sculptures. De nouvelles œuvres, qui symbolisent le lien entre le défunt et les vivants, sont créées pour chaque occasion particulière. Tous ces objets, qui se présentent sous des aspects très différents (masques, éléments architecturaux, sculptures, tissus et vannerie) sont désignés par le terme malanggan, parce qu'ils ont trait aux cycles rituels qui portent le même nom. La préparation des sculptures se déroule en grand secret dans un enclos qui entoure la maison des hommes. Le jour de la cérémonie, l'enclos est ouvert et les œuvres sculptées sont disposées de manière formelle contre un mur. Après avoir été exposées, elles sont détruites, abandonnées à une dégradation naturelle ou depuis quelques années, vendues à des étrangers.

Traditionnellement, les rites malanggan se divisent en plusieurs phases qui sont liées aux étapes les plus significatives de la vie d'un individu: la naissance, l'initiation, la mort et la commémoration. Cependant, la série principale se rattache aux activités funéraires et aux cérémonies destinées à commémorer un ou plusieurs défunts. Les cérémonies malanggan ne concernent donc pas uniquement la relation avec les morts en  permettant de les honorer et d'entretenir leur souvenir, mais touchent chaque aspect de la vie des habitants: elles se basent sur un système de croyances généralisé, fournissent l'occasion d'initier les jeunes, stimulent l'activité économique – étant donné que leur organisation est très coûteuse – offrent un cadre pour la résolution des conflits et jouent un rôle crucial dans le maintien et la consolidation des liens sociaux.

 

 

            La conservation des crânes

Chez les peuples d'Océanie, le crâne a souvent été l'objet d'attentions spéciales, car il est considéré comme pouvant incarner la présence tangible de l'ancêtre qui a la capacité d'intercéder entre le monde des vivants et le monde de l'au-delà et des ancêtres.

Pour les Iatmul qui habitent le Moyen-Sépik (Papouasie-Nouvelle-Guinée), les crânes sont le support de la mémoire des origines du clan. Quelques mois après l'inhumation, le crâne d'un défunt était déterré et placé à bouillir dans de l'eau avec une décoction de plantes. Après le séchage au soleil, la mâchoire était fixée à l'aide d'un rotin ou remplacée par une prothèse de bois. Le crâne était alors surmodelé avec de l'argile qui tendait à rendre à la tête sa physionomie originaire. Des coquillages cauris ou conus étaient collés dans les orbites. Une perruque de cheveux des consanguins, rasés pour la période de deuil, recouvrait la partie frontale du crâne. Le but de l'artiste était de faire ressembler le crâne surmodelé le plus possible à la personne décédée. Ces crânes étaient conservés dans la maison des hommes et lors des grandes fêtes ils étaient présentés au sommet de mannequins en vannerie ou de sculptures en bois.

Dans certains cas aussi, les crânes des ennemis tués pendant les expéditions de chasse aux têtes étaient préservés et décorés. Ces crânes-trophées représentaient une façon de s'approprier la puissance de l'ennemi  et constituaient également l'offrande rituelle pour les ancêtres auxquels on demandait en retour bénédiction et protection.

 

 

Chez les Marind-anim d'Irian Jaya, la chasse aux têtes jouait un rôle socio-politique important et avait souvent comme motivation la recherche de noms. C'était surtout le nom ainsi obtenu, qui pouvait être celui de la victime ou le mot prononcé lors de sa prise, qui conférait prestige à sa famille et à sa descendance. La peau de la tête était incisée, enlevée et mise à sécher sur une noix de coco. Ensuite elle était replacée et modelée sur le crâne préalablement nettoyé des chairs. On essayait de donner le plus possible l'apparence vivante en confectionnant une coiffure aux longues nattes enveloppées de feuilles et en remplaçant les yeux par

des coquillages.

 

 

Lors d'une cérémonie accompagnée de chants, danses ainsi que des récits des exploits des guerriers, les crânes-trophées étaient accrochés à un crochet en rotin et disposés dans la maison des hommes.

Chez les Asmat d'Irian Jaya, les crânes des ennemis (ndaokus) étaient rapportés comme témoignage des prouesses et du courage des guerriers. On les perforait pour en extraire la cervelle qui était consommée et on détachait la mâchoire qui était offerte aux femmes pour qu'elles la portent en guise de collier. Les crânes-trophées ne recevaient pas de déco­ration, mais ils intervenaient dans les rites d'initiation. En revanche, les crânes des grands hommes (ndambirkus) faisaient l'objet de soins particuliers: la mâchoire était fermement fixée, les orbites étaient emplies avec de la cire d'abeille incrustée de graines grises ou rouges, la cavité nasale était décorée avec un coquillage, un os humain ou de cochon et la coiffure était réalisée avec des plumes découpées. Ces crânes étaient conservés dans la maison des hommes ou étaient utilisés par les parents. Ils étaient également employés comme appuie-tête où le vivant, en dormant, pouvait puiser la force de son ancêtre.

 

Jérôme Ducor

 

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ASIE

La Mort dans la Vie, La Vie dans la Mort

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Malgré leur grande diversité culturelle, la plupart des traditions spirituelles de l’Asie partagent une notion cyclique du temps. Il s’ensuit que tout change constamment, à travers un jeu complexe de causes et de conditions : l’univers passe par des cycles successifs d’évolutions et d’involutions, tandis que les êtres naissent, meurent et renaissent à nouveau.

La mort y est donc comprise non pas comme un état, mais comme un passage d’une existence à une autre, au même titre que la naissance.

La mort fait ainsi partie de la vie, et les rites funéraires constituent toujours une manifestation importante de la vie sociale de la communauté des survivants.

 

 

 L’impermanence et le cycle des renaissances en Inde

 

L’hindouisme ne présente pas de doctrine unifiée. Cependant, quelques notions sont généralement partagées par l’ensemble des fidèles :

- derrière la constante mutation du monde et des êtres demeure cette âme

universelle et neutre qu’est le Brahman ;

- les êtres eux-mêmes sont pourvus d’une âme individuelle (âtman), dont

la vocation naturelle est de retourner au Brahman ;

- entre temps, ils passent par la transmigration (samsara) d’existences en

existences sous le poids de leurs actes (karma).

 

1. Le cycle création-destruction

Les forces du cosmos sont incarnées par un grand nombre de dieux, mais les principaux sont au nombre d’une trentaine.

Ceux qui gèrent le cycle création-destruction forment «La Triade» (Trimurti), composée de :

- Brahmâ : dieu créateur;

- Vishnu : dieu conservateur et bienfaisant,  il délègue ses pouvoirs à

   des incarnations, dont la plus célèbre est Krishna;

- Çiva : dieu ambivalent de la vie, destructeur et réparateur.

Alors que Brahmâ ne fait pas l’objet de culte particulier, Vishnu et Çiva, avec leurs multiples manifestations, sont extrêmement révérés, et même parfois considérés chacun comme l’Être suprême.

 

2. La mort et le sexe, sources de vie

Morts en plein accouplement, Çiva, le procréateur, et Durgâ, la redoutable, renaquirent sous la forme du phallus (linga) et de la vulve (yoni), rappelant la concomitance universelle de la création et de la destruction, la réunion des contraires et l’abolition des dualismes.

La représentation stylisée du phallus émergeant de la vulve est l’objet d’un culte d’offrandes (pûjâ) au même titre que les statues des dieux.

«Celui qui laisse s’écouler sa vie sans avoir honoré le phallus a perdu son temps. Après la mort, il n’atteindra pas un monde meilleur. (...)

C’est l’adoration du phallus, source de plaisir et de libération, qui protège de l’adversité, qui l’emporte.»

            (Skanda Purâna)

 

3. La révolution bouddhique de l’insubstantialité

Né en Inde, le bouddhisme reprend à son compte les notions d’impermanence (un mot qui n’existe pas dans les dictionnaires français), de karma et de transmigration dans le cycle des naissances et des morts.

Mais il les radicalise de manière révolutionnaire en rejetant la notion hindouiste de l’âme substantielle, que celle-ci soit universelle, comme le Brahman, ou individuelle comme l’âtman.

À la place des statues, le monument bouddhique par excellence fut d’abord le stûpa, ou tertre funéraire contenant les cendres du Bouddha.

 

4. L’incarnation

Alors que les êtres ordinaires subissent la réincarnation, les dieux de l’hindouisme peuvent l’utiliser délibérément pour réaliser certains de leurs projets. La plus célèbre de ces incarnations divines est celle de Krishna, avatar du dieu Vishnu.

Les diverses scènes de sa légende rapportées par le Gîtâ-Govinda (12e siècle) traduisent l’attirance du Divin sur les âmes et les étapes de leur union mystique avec lui.

Sous la forme d’un adolescent de seize ans, Krishna fascine les bouvières (gopî)  par sa beauté sublime tandis qu’il joue de la flûte dans le Bois de Vrindâvana : un millier d’entre elles seront possédées simultanément par lui. Lui-même ne résistera pas à la tentation d’éprouver personnellement l’amour qu’il inspire aux bouvières : pratiquant le yoga pendant cent ans, il crée une manifestation de lui-même sous forme de bouvière qui lui permet de tomber amoureux de lui-même : c’est le comble de l’érotisme, l’amour de l’amour.

Cependant, comme tous les êtres, Krishna mourra aussi, victime d’un chasseur maladroit nommé «Vieillesse » (Jara), qui l’atteint d’une flèche au talon, son seul point vulnérable !

 

5. La crémation

Disposer du cadavre en le brûlant est la pratique la plus courante en Inde, et procède d’un rituel de purification rappelant aussi l’impermanence. Les cendres sont récupérées dans une urne qui sera enterrée ou larguée sur une rivière ou un fleuve sacré. Les hindous les plus pieux peuvent acquérir de leur vivant leurs linceuls et leur urne, qui est ordinairement en terre cuite ou, pour les plus riches, en cuivre.

Dans les semaines qui suivent, l’hindouisme procède à un «rite de foi» (çrâddha), constitué par un banquet où sont invités trois prêtres représentant les ancêtres directs du défunt pour le faire accéder au rang d’ancêtre bienveillant.

 

            «Je fais appel à ta pensée par ma pensée :

va-t-en joyeux vers cette demeure,

agrège-toi aux Pères, au dieu de la mort Yama,

que les vents soufflent vers toi, bienfaisants et secourables !

Que de ton âme, de ton souffle, de tes membres, de ta sève,

que de ton corps enfin rien ne demeure ici ! (...)

Les vivants ont chassé cet homme de la maison.

Poussez-le dehors au-delà du village !

C’est la mort, l’habile messagère de Yama, qui a acheminé

vers les Pères son souffle de vie. (...)

Ô Terre, comme une mère fait pour son fils,

recouvre-le du pan de ton manteau ! (...)

Ô Terre, comme fait la femme pour son mari,

recouvre-le de ton vêtement ! »

(Atharva-veda, XVIII, 2)

 

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Le bouddhisme

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L’enseignement du Bouddha se fonde sur un constat immédiatement accessible à tous : l’universalité de la souffrance, inhérente à chaque forme d’existence.

Un raisonnement lucide permet de trouver l’origine de cette souffrance dans la contradiction absurde qui se dresse entre la croyance illusoire dans un «moi» réel et la réalité inéluctable de la mort : celle-ci montre que le mental comme le corps des êtres est finalement soumis à la décomposition.

 

1. La contemplation de la mort

Parmi les différentes pratiques bouddhiques, celle de la commémoration de la mort (maranânusmriti) permet, plus que toute autre, de prendre conscience de l’impermanence de la vie, et de l’urgence de s’engager sur la voie de la délivrance du cycle des naissances et des morts.

 

Les manuels déclinent cette méditation selon trois points principaux :

1. certitude de ma mort :

- personne avant moi, même parmi les plus grands saints, n’y a échappé ;

- ma personnalité psycho-physique est composite et, donc, transitoire et périssable;

- ma vie se raccourcit à chaque instant depuis ma naissance.

 

2. incertitude de l’heure de ma mort :

- mon espérance de vie n’est pas fixe ;

- rien en moi ne peut être isolé comme un élément stable et permanent ;

- les causes de la mort sont multiples.

3. inutilité et embarras de mes richesses, de mes amis et de mon corps.

 

«On meurt dans la matrice,

on meurt à la naissance,

on meurt à l’âge mûr,

on meurt durant la vieillesse.

De même, quand le fruit est mûr,

il tombe pour toutes sortes de causes.

Toujours, on cherche à éviter la mort,

voleur cruel et méchant.

Mais ce voleur, il est difficile de croire

qu’on puisse jamais l’éviter et trouver la sécurité. (...)

Ce n’est ni par l’observance de la pure moralité,

ni par l’énergie qu’on peut l’esquiver.

La mort est un voleur sans pitié :

quand elle vient, point d’endroit pour s’y soustraire.»

(Nâgârjuna, Traité de la grande vertu de sagesse, ch. 36)

 

2. La contemplation du cadavre

Une autre pratique répandue dans le monde bouddhique est celle de la contemplation du cadavre, dite «commémoration de l’horrible» (açubha).

Décrivant de manière détaillée les phases de la décomposition d’un cadavre de femme, elle visait d’abord à contrecarrer la sensualité chez les moines astreints au célibat. Mais au Japon, elle devint un thème romantique, la femme morte ayant été identifiée à une célèbre beauté du IXe siècle, Ono no Komachi, également considérée comme l’un des six meilleurs poètes du Japon.

Les étapes de la destinée de son corps sont reproduites dans une série de neuf images (kusôzu) représentant : le nouveau cadavre, son gonflement, ses lividités, sa putréfaction, sa dévastation par les animaux, la dislocation du squelette, la dispersion des ossements et la tombe.

De telles images sont exposées durant la semaine de la Fête des morts (O-bon), à la mi-juillet ou à la mi-août.

 

Le thème de l’impermanence est rappelé de manière particulièrement crue dans la liturgie bouddhique tantrique de l’Himalaya qui utilise divers objets en ossements humains. Un rite tantrique particulier, dit «chöd», amène même le pratiquant à se visualiser offrant sa chair à tous les êtres spirituellement affamés, préfigurant ainsi la destruction de son «moi» illusoire.

 

«Je détache d’abord,

mentalement, la peau.

Puis, avec l’épée de la connaissance,

je sépare la chair des os.

J’ouvre ensuite les os,

j’en scrute la moelle

et me demande alors :

Y a-t-il là quelque chose de consistant ? »

(Shantideva, La Marche vers l’éveil, V, 62-63)

 

3.  La roue de la vie

Les textes indiens recommandent de peindre à l’entrée des temples une représentation de la «Roue de la vie», résumé imagé des fondements doctrinaux du bouddhisme pour l’édification des fidèles. Cet usage s’est également répandu au Tibet, où ce thème extrêmement populaire est également reproduit sur les rouleaux peints (thangka) ou par xylographie.

 

Six éléments principaux composent la représentation de la roue de la vie.

 

(a) La roue est représentée tenue entre les mains d’un monstre qui la dévore et qui n’est autre que l’impermanence. La tête de celui-ci est surmontée de cinq crânes évoquant cinq types de consciences transformées en sagesses ; son oeil frontal symbolise la vue médiane, entre les extrêmes de l’être et du non-être.

 

(b) Le moyeu abrite le moteur du cycle des naissances et des morts, constitué par

ces trois poisons que sont les passions de la haine (figurée par un serpent), du désir (coq ou pigeon) et de l’ignorance (porc).

 

(c) Autour du moyeu, un double segment noir et blanc montre le chemin des

actes (karma) : les hommes qui ont accompli le bien montent vers les bonnes destinées, tandis que ceux qui ont commis le mal tombent dans les mauvaises destinées.

 

(d) Les six destinées divisent la roue en autant de quartiers. Les deux bonnes destinées sont celles des dieux (en haut au milieu) et des hommes (en haut à gauche). Les quatre mauvaises destinées sont celles des titans jaloux des dieux (asura), qu’ils assaillent (en haut à droite), celles des esprits affamés (preta), des enfers et des animaux (en bas). Au milieu des enfers apparaît Yama, le roi de la mort : il tient un miroir dans sa main gauche, dans lequel se reflète le bilan des actes des défunts. Dans chacune des six destinées figure souvent un bouddha, montrant ainsi que tous les êtres peuvent finalement obtenir l’éveil.

 

(e) La jante de la roue est divisée en douze séquences montrant l’enchaînement

des différents facteurs entraînant les renaissances d’une vie à une autre.

Cette réaction en chaîne débute par l’ignorance (1); elle donne jour aux diverses constructions mentales (2) ; de celles-ci naît la conscience fondée sur les six sens, soit  les cinq sens ordinaires et celui du mental (3) ; apparaît ensuite la personnalité, conglomérat des cinq groupes de constituants physiques et mentaux d’un «individu» (4) ; comme corollaires se manifestent les six domaines d’investigation des six sens (5) ; s’établit alors le contact entre les sens et leurs domaines (6) ; s’ensuivent des sensations agréables, désagréables ou neutres (7) ; en réaction survient la soif, qui se traduit par un sentiment d’attraction ou de répulsion (8) ; elle entraîne un mouvement d’appropriation, qui pousse à l’action (9) ; c’est ainsi que s’établit l’existence (10) ; survient alors la naissance dans une nouvelle vie (11) ; d’origine composite, elle est nécessairement accompagnée de la sénescence et de la mort (12). Ces séquences sont souvent représentées dans le désordre afin de souligner leur extrême interdépendance.

 

 

(f) Naître dans l’une ou l’autre des six destinées implique également qu’on y mourra, car toutes sont provisoires. Le but même du bouddhisme vise à sortir de ce cycle ininterrompu pour goûter la paix du nirvâna, ou «extinction de la douleur». C’est pourquoi les représentations de la roue de la vie figurent souvent le Bouddha Shâkyamuni montrant le chemin à l’extérieur de celle-ci.

 

Ces peintures peuvent être accompagnée d’une inscription du type de celle-ci :

    «= En s'exerçant soi-même, on atteindra la Délivrance.En adoptant l'enseignement du Bouddha,

    De même qu'un éléphant brise une maison de roseaux,

    On brisera le royaume de la mort.

    Celui qui, avec une grande attention,

    S'applique à cette discipline de la Loi,

    Délaissant complètement la roue de la vie,

    Réalisera la fin de la souffrance.

    Ne pas commettre le mal,

    Accomplir parfaitement le bien,

    Discipliner complètement ses propres pensées:

    Tel est l'enseignement du Bouddha».

 

4. Recommandations aux mourants

La pensée au moment de la mort (maranacitta) est considérée comme d’une importance capitale, car elle va orienter la prochaine renaissance. Du vivant du Bouddha déjà se développèrent ainsi des rites d’accompagnement du mourant :

 

« L’accompagnant s’adresse au mourant:

            ‘As-tu, Ami, quelque regret languissant de ton père et de ta mère?’ »

« S’il dit qu’il a le regret languissant de son père et de sa mère, il faut lui adresser ces paroles:

‘Ami, tu es sujet à la mort. Bien que tu aies le regret de ton père et de ta mère, cependant, tu mourras; même si tu n’avais le regret de ton père et de ta mère, cependant tu mourrais. Il vaudrait mieux, Ami, écarter le regret languissant de ton père et de ta mère.’ »

(De même, successivement, s’il entretient du regret envers sa femme et ses enfants, les plaisirs des cinq sens et les plaisirs des dieux.)

« S’il disait que son esprit est fixé sur les plus hauts paradis, comme ceux-ci font aussi partie du cycle des renaissances, il faudrait lui adresser ces paroles:

‘Ces paradis aussi, Ami, sont impermanents, instables et limités à l’individuel. Il vaudrait mieux, Ami, élever ton esprit au-dessus de ces paradis et le recueillir sur la destruction de la fausse idée du moi.’ »

« S’il disait que son esprit est élevé au-dessus des plus hauts paradis et qu’il recueille son esprit sur la destruction de la fausse idée du moi, alors, quand on a adressé ces paroles à un laïc, ô Mahânâma, je dis qu’il n’y a pas de différence entre lui et un moine dont le mental est libéré des passions, c’est-à-dire entre libération et libération. »

Sermon du Bouddha à Mahânâma (Samyutta, V, 408)

 

5. Les rituels de prolongation de la vie

 

La mort peut survenir de trois manières :

1. par l’épuisement des mérites antérieurs ayant occasionné la naissance

dans une destinée donnée ;

 

2. par le terme de l’espérance de vie, qui diminue chez les hommes selon

les époques : elle est actuellement de 75 ans, alors qu’elle était encore de 100 ans du temps du Bouddha ;

 

3. par la conjonction de ces deux facteurs.

Le bouddhisme tantrique fournit des rituels dits d’accroissement, dont certains permettent de prolonger l’espérance de vie afin que les mérites d’actes antérieurs puissent encore porter leurs fruits en cette existence, même si celle-ci devrait normalement arriver à son terme.

Dans la sphère himalayenne, ces rites sont principalement centrés sur la «Triade de longévité » (Tse-lha nam-sum), dont le personnage principal est le Bouddha «Vie-Infinie». Au Japon, selon un texte apocryphe du 17e siècle, ce rôle est assuré par le Bodhisattva Ksitigarbha-prolongateur-de-vie (Emmei-Jizô), qui est également considéré comme le protecteur des défunts.

Comme alternative originale à la prolongation de la vie par delà la mort, le bouddhisme tibétain connaît aussi la tradition des renaissances continues de certains grands maîtres (tulku), qui leur assure la pérennité de leur enseignement.

 

6.  Les funérailles

Le bouddhisme admet toutes les sortes de disposition du cadavre comme autant de retour à l’un ou l’autre des quatre éléments : l’ensevelissement dans la terre, la crémation dans le feu, l’exposition en plein air et la noyade dans l’eau.

Cependant, il privilégie celle de la crémation, puisqu’elle fut la méthode utilisée pour traiter le corps du Bouddha lui-même, dont les cendres furent partagées entre huit tertres funéraires (stûpa).

 

Dans l’Himalaya, la rareté du combustible a favorisé la pratique de l’exposition des cadavres : ceux-ci sont emportés par la famille dans un endroit isolé, où des bouchers découperont ensuite les chairs pour favoriser leur dépècement par les charognards. Cependant, certains grands dignitaires, comme les Dalaï-lama ou les Panchen-lama, sont momifiés par salaison, et leurs corps enfermés dans un stûpa pour servir à la vénération des fidèles.

 

7. Les réincarnations des maîtres tibétains (tulku)

Tous les êtres vivants actuellement peuvent être définis comme des renaissances découlant d’actes posés dans une vie antérieure. C’est sur ce principe que se développe la pensée bouddhique du grand amour et de la grande compassion : celle-ci consiste à considérer que tous les êtres qui nous entourent ont pu, dans une existence ou une autre, être notre propre mère.

Mais si le commun des mortels subit sa renaissance en fonction de ses actes passés, certains êtres spirituellement très avancés peuvent délibérément orienter le cours de leurs renaissances pour le bien de tous. Cette méthode a été spécialement développée dans le bouddhisme tibétain, qui identifie plusieurs centaines de lignées de «tulku», littéralement des «corps de transformation», d’anciens maîtres vénérés.

Le plus célèbre d’entre eux est le Dalaï-Lama, dont l’actuel et 14e manifestation, Tenzin Gyatso est née en 1935 et vit réfugiée en Inde depuis 1959. Ancien souverain du Tibet Il est considéré comme une manifestation du Bodhisattva Avalokiteshvara, parangon du grand amour et de la grande compassion.

 

 

8. L’existence intermédiaire

Avant de renaître dans l’une des six destinées, la plupart des êtres passent par une existence intermédiaire (bardo en tibétain, chûin ou chûu en japonais). Cette période sera d’autant plus courte que le défunt était plus avancé spirituellement, mais elle est au maximum de sept semaines.

L’être passant par cet intervalle n’est visible que de ses semblables et ne se nourrit que d’odeurs, comme le traduit son nom sanskrit de «gandharva» ; cette caractéristique explique l’usage abondant d’encens tout au long des funérailles et des rites posthumes. Pendant toute cette période, en effet, des rituels peuvent être célébrés pour le guider vers la meilleure renaissance possible.

Lorsque son choix est fixé, il voit ses parents en union sexuelle et éprouve une pensée d’amour pour celui d’entre eux qui appartient au sexe opposé au sien, tout en produisant un sentiment de haine pour le second. À ce moment précis, a lieu la renaissance. La fécondation est impossible en l’absence d’un gandharva.

Au cours de son périple, le gandharva est assailli par plusieurs visions, projections de son propre esprit. Le contenu de ces visions diffère selon la tradition tibétaine ou la tradition sino-japonaise.

 

La tradition tibétaine décrit ces apparitions dans un texte intitulé «La délivrance par l’audition dans l’existence intermédiaire» (Bardo-thödol), lequel sera lu à l’oreille du mourant, puis de son cadavre, ou devant son substitut. Sous le titre de «Livre des morts tibétain», ce texte a acquis une notoriété douteuse dans les milieux hippies des années 70, comme source d’inspiration d’expériences psychédéliques à base de L.S.D. Il ne prend cependant toute sa valeur que dans le cadre d’une pratique religieuse conduite par un maître expérimenté.

Le livre décrit deux sortes de bardo suivant la mort. Le premier est celui du «bardo de la nature des choses» (chönyid bardo), au cours duquel apparaissent successivement quarante-deux divinités paisibles, pendant une période d’une semaine. Si la délivrance n’a pas été obtenue, se manifestent alors, successivement, cinquante-huit divinités effrayantes, qui sont autant de métamorphoses des divinités paisibles précédentes et ce, pendant une semaine également.

 

Si la délivrance n’a toujours pas été obtenue, commence le second bardo, celui du devenir (sidpa bardo), s’étendant sur dix jours au moins. Durant cette période, le gandharva assiste à la pesée de ses actes passés et au jugement rendu par Yama, le dieu de la mort. Puis lui apparaissent les six destinées, et on lui enseigne comment éviter d’y entrer et comment en fermer les portes. À défaut, il est amené à choisir la moins mauvaises des destinées, de préférence celle des hommes.

À tout moment, le gandharva peut obtenir la délivrance s’il reconnaît la nature illusoire de ses visions. Il peut également toujours diriger sa pensée vers la renaissance dans la terre du Bouddha «Lumière-Infinie» (Amitâbha), autre nom du Bouddha «Vie-Infinie» (Amitâyus).

 

«Hélas, séparé de mes amis, je dois errer seul ; au moment où les formes vides qui ne sont autres que mes propres projections m’assaillent, daignent les bouddha m’accorder la force de leur compassion qui me libérera de la peur, de l’angoisse et des effrois de l’existence intermédiaire(...).

Cette prière ayant été récitée, elle revient à la mémoire du mort, elle lui redonne courage et lui permet d’atteindre la libération. (...) Il est très important de réciter cette prière plusieurs fois.»

Bardo-thödol, instructions pour le «bardo du devenir»

 

 

« Il faut se rendre auprès de tous les morts et, près de la dépouille, qu’un ami lise continuellement et distinctement cet enseignement jusqu’à ce que le sang et le sérum s’écoulent par les narines. (...) Parents et amis qui veillent le défunt ne doivent pas pleurer, ni gémir ou s’affliger. Personne ne doit se lamenter. Tout au contraire, il faut faire le bien autant qu’on le peut. »

Bardo-thödol, instructions de conclusion

 

La tradition japonaise suit un apocryphe bouddhique chinois du 10e siècle, selon lequel les défunts passent devant «Dix rois» (Shiwang) présidant à autant de tribunaux des enfers qui jugent de la renaissance en fonction des actes passés.

Dès le 13e siècle, cette conception a passé au Japon, où la tradition bouddhique ésotérique a sélectionné dix divinités chargées de protéger le mort lors de son audition devant les Dix rois (Jûô). Pour faire bonne mesure, elle y a ajouté trois divinités supplémentaires qui offrent leur protection jusqu’au 33e anniversaire de la mort !

Ces treize divinités sont collectivement dénommées les «Treize Bouddhas» (Jûsan-butsu), bien que toutes ne soient pas des bouddhas à proprement parler. Elles sont invoquées par les survivants pendant toute la durée de l’existence intermédiaire et au delà, en fonction notamment de la tradition du deuil confucianiste importée de Chine.

 

Liste des «Treize Bouddhas» avec leur jour de célébration :

 

1ère semaine après le décès : le roi de science Acala (jap. Fudô)

2e semaine : le Bouddha Shâkyamuni (Shaka)

3e semaine : le Bodhisattva Mañjusrî (Monju)

4e semaine : le Bodhisattva Samantabhadra (Fugen)

5e semaine : le Bodhisattva Kçitigarbha (Jizô)

6e semaine : le Bodhisattva Maitreya (Miroku)

7e semaine (fin de l’existence intermédiaire bouddhique) : le Bouddha Baisyajaguru  (Yakushi)

 

100e jour (fin du grand deuil confucianiste) : le Bodhisattva Avalokiteshvara (Kannon)

1er anniversaire (1 an après le décès, fin du moyen deuil confucianiste) : le Bodhisattva Mahâsthâmaprâpta (Daiseishi)

 

3e anniversaire (2 ans après le décès, fin du petit deuil confucianiste) : le

Bouddha Amitâbha (Amida)

7e anniversaire (6 ans après le décès) : le Bouddha Akshobya (Ashuku)

13e anniversaire (12 ans après le décès) : le Bouddha Vairocana (Dainichi)

33e anniversaire (32 ans après le décès) : le Bodhisattva Âkâshagarbha (Kokuzô)

 

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La Chine

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Dès la préhistoire, la Chine a entouré les défunts de rituels destinés à les munir du viatique nécessaire à leur séjour dans l’au-delà. Les sacrifices humains visant à faire accompagner le défunt pas ses serviteurs ou ses épouses ont été remplacés par des statuettes de substitution.

 

1. L’administration de l’au-delà

Mais au cours des siècles s’est développé le goût chinois pour l’administration systématiquement organisée, qui vise à assurer sur terre un ordre en parfaite harmonie avec le cosmos. La tradition confucianiste a ainsi organisé l’au-delà sur le modèle de l’administration judiciaire de l’empire.

L’imagerie populaire montre volontiers le Juge des enfers rendant son jugement. À ses pieds les défunts lui présentent chacun un livre rouge, dans lequel est consigné le bilan de leur vie sur terre. Dans le miroir de la sincérité qui les sépare du juge apparaît la réalité de leurs actes passés. Tout autour sont représentées les tortures subies par les morts au passé indigne, à peine plus cruelles que celles alors appliquées par la justice impériale.

 

2. Les dix âmes

À l’opposé du bouddhisme, la tradition taoïste chinoise considère que les hommes sont dotés non seulement d’une, mais même de dix âmes! Trois d’entre elles, les hun, sont considérées comme supérieures. Ce sont elles qui rejoindront le paradis des Immortels du taoïsme.

Les sept autres, dites po, sont inférieures et restent attachées au corps, dont seule la décomposition naturelle permettra la délivrance. C’est pourquoi la culture chinoise répugne à toute forme de disposition du cadavre autre que l’enterrement.

Le viatique des âmes hun doit être fourni par la famille, de préférence le fils aîné transmetteur du nom, qui brûle des offrandes en papier, tandis que les fumigations d’encens leur fournissent la nourriture.

 

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Le Japon

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Parmi les différentes écoles du bouddhisme japonais, celle de la Terre Pure (Jôdo) jouit d’une faveur particulière car elle assure que tous les êtres peuvent renaître dans le royaume du Bouddha Amida s’ils ont placé sa foi en lui tout en récitant simplement son nom. Cette tradition a donné le jour à des rites d’accompagnement du mourrant, notamment décrit dans la «Somme sur la naissance dans la Terre Pure», composée par le maître Genshin (942-1017), dont l’œuvre a été comparée à la «Divine comédie» de Dante.

Au cours de ces rites, une image représentant le Bouddha Amida venant accueillir le défunt (raigô) était disposée devant les agonisants pour les réconforter dans leurs derniers moments.

 

« On encourage le mourant en lui disant:

 

‘De la touffe blanche sur le front du Bouddha Amida, des milliers de rayons éclairent constamment ceux qui prononcent son Nom dans les univers des dix directions, en les embrassant sans les abandonner. Saches que ces rayons de sa grande compassion viennent t’éclairer! (...)

Le Bouddha Amida ne fait pas que t’éclairer de sa lumière: accompagné d’Avalokiteshvara et de Mahâsthâmaprâpta, il vient toujours, en personne, protéger le pratiquant. Même si tu ne peux le voir, parce que les obstacles des passions s’interposent, sa grande compassion n’est pas douteuse: il va assurément entrer dans cette chambre.’ (...)

 

« Lorsque les forces du patient s’affaiblissent, il faut lui dire:

‘Le Bouddha avec Avalokiteshvara et Mahâsthâmaprâpta viennent ensemble te recevoir sur un trône de lotus précieux pour t’emmener, Ô Enfant du Bouddha!’ (...)

« Au moment du trépas proprement dit, on doit lui dire:

‘Ô Enfant du Bouddha! Que tu le saches ou non, c’est précisément maintenant ton ultime pensée: en cet instant unique du trépas, elle l’emporte même sur les actes que tu aurais accomplis pendant un siècle. Passé cet instant, tu naîtras là où elle l’a déterminé. C’est maintenant le moment de commémorer le Bouddha de tout cœur! Et, assurément, tu vas aller naître dans sa Terre Pure merveilleuse ‘Bonheur-Suprême’, sur un trône de lotus précieux aux sept joyaux.’ »

(Genshin, Ôjô-yôshû, ch. VI)

 

Le Shintô, religion indigène du Japon, est centré sur le culte des esprits (kami) de la nature et des ancêtres, et il considère la mort comme une souillure possible de la relation de pureté établie entre les vivants et les esprits. C’est pourquoi l’autel domestique des esprits du Shintô est voilé dès qu’un décès survient dans une maison, et il le restera jusqu'à la conclusion des rites mortuaires. De même, au retour du cimetière, il faudra rentrer par un autre chemin qu’à l’aller et procéder à une purification en jetant du sel par dessus son épaule.

 

Les rites liés à l’au-delà sont donc essentiellement du ressort du bouddhisme, jusqu'à nos jours.

 

À la suite de la toilette mortuaire (yukan), le défunt est revêtu, comme un pèlerin, d’un costume blanc, couleur de purification et de deuil, comprenant un bonnet triangulaire, une tunique, des mitaines, des jambières et des chaussettes. On lui passe aussi au cou une bourse à aumône (zuda-bukro) et contenant six piécettes (roku-monsen) destinées à payer le passage de la Rivière des Enfers (Sanzu no kawa). Ces usages relèvent d’une tradition purement japonaise selon laquelle la «Vieille Détrousseuse » (Datsueba) attend les défunts au bord de la Rivière des Enfers pour les dépouiller de leurs costumes, afin de marquer leur égalité devant la mort.

 

 

Célébrés si possible près de l’autel bouddhique domestique (butsudan), les rites de la mise en bière (nôkan) comprennent une ordination symbolique du défunt laïc, lui procurant les mérites propres à la vie des religieux ordonnés : un bonze procède ainsi à une tonsure en déposant par trois fois un rasoir (kamisori) sur la tête du mort. Le nom bouddhique du défunt est ensuite inscrit sur une tablette (ihai) de bois blanc.

Dans le cercueil est encore déposé un viatique pour assurer son pèlerinage dans l’au-delà : des sandales, voire un bâton de marche, un chapelet, un bol pour se nourrir et des sandales.

Moment important des funérailles, la veillée funéraire (o-tsûya) précédant l’incinération réunit la famille et les amis auprès du défunt, de préférence à son domicile.

 

Le cercueil, ouvert sous son poêle, est installé devant une image bouddhique. Devant lui est dressé un petit autel pourvu des offrandes bouddhiques traditionnelles de fleurs, d’encens  et de lumière : l’encens y brûle en permanence (jôkô), puisqu’il constitue la nourriture de l’être dans l’existence intermédiaire. Devant l’autel prennent place les religieux invités pour réciter les textes sacrés (dokyô).

Le poêle (kan-kake) est toujours un riche tissu, tant il est vrai que les funérailles offrent l’ultime opportunité de rendre les derniers honneurs au défunt.

 

Car c’est le message constant de l’Asie que les rites religieux mortuaires s’adressent en priorité au défunt : c’est son droit ultime, quelle que soit son origine sociale. Les vivants se consoleront dans l’intimité de leur famille et de leurs amis, mais c’est dans la vie qu’il faut se préparer à l’échéance inéluctable de la mort.

 

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Paradoxe de la mort

Familiarité, étrangeté, violence

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Trois exemples pour un nouveau manuel des rites funéraires :

 

Pour ma propre mort j’aimerais comme mes ancêtres, qui faisaient faire de leur vivant leur cercueil, retrouver la familiarité de la mort. Mais j’aimerais entendre de mon vivant aux enterrements, où souvent de m’ennuie, une parole qui entre le silence du Jardin des Oliviers et l’annonce de la Résurrection, garderait ouverte de façon absolue, l’énigme et le mystère de la mort.

 

Bernard Crettaz

 

                                                                      

Je m’appelle Jean Hategekimana et je viens du Rwanda. En 1994, lors des massacres et du génocide, j’ai perdu ma femme et mes trois enfants. Je les avais quitté début avril pour participer à un séminaire ici à Genève. La nouvelle de leur disparition je l’ai apprise 3 mois après leurs morts. Pendant tout ce temps j’avais attendu avec espoir. Mais la nouvelle tomba comme un couperet. On les avait jeté vivants dans une fosse. Incrédule, j’ai décidé d’aller me rendre compte par moi-même à Kigali en été 1994. Mais la cruelle nouvelle se révéla hélas vraie. A Kigali j’ai retrouvé un environnement nouveau. Je ne reconnaissais plus ma maison, mon quartier, ma ville, mon pays. Cela m’était égal de toute manière, car j’était dégoutté des hommes de la vie, de tout...

 

J’ai passé 2 jours à Kigali et je suis revenu à Genève où les amis ont tout fait pour que je puisse garder la tête hors de l’eau. Ce n’était pas évident, car pour moi la vie ne se justifiait plus. Plus tard, en 1995 je suis retourné pour voir ma mère rescapée. Mon chagrin était toujours grand mais c’était un devoir. J’y ai passé deux semaines sur les trois que j’avais prévues. Tellement le séjour dans cet espace que j’avais partagé avec ma femme et mes enfants m’était insupportable. Ma mère avait beaucoup de peine à cause de mes larmes. Je suis revenu à Genève pour continuer la formation que j’avais commencé, mais la vie était toujours fade, vide et sans aucun sens.

 

En 1998, je suis retourné à Kigali pour visiter ma mère. Mais arrivé sur place j’ai réalisé que rien n’avait changé. Mes larmes n’avaient pas tari et la joie de ma mère à me revoir se changea en tristesse quand elle me vit pleurer. Révolté, je décidais d’ouvrir la fosse où on avait jeté mes enfants et ma femme. Jusqu’ici j’avais pensé qu’il n’y avait plus rien à faire pour eux. J’était décidé d’aller jusqu’au bout de ma douleur. Ma réaction était imprévisible une fois confronté à l’identification des corps mais j’était décidé. L’idée affola ma mère, sema la panique parmi les voisins et dérangea les autorités. Mais après des démarches longues et épuisantes, la fosse fut ouverte et les corps des victimes furent sortis. L’heure de vérité était venue pour moi. Il fallait identifier les corps de miens. Mais je le fis avec un sans froid qui me surprit moi-même. Je mis ensuite leurs corps dans un cercueil et le rite complet put avoir lieu.

 

Jean Hategekimana

 

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Ce texte a été lu par Dominique Roulin lors du 6ème Congrès de l’Association Européenne des Soins Palliatifs à Genève

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Le silence se fait, la parole se libère

 

Je tisse le silence sur mes lèvres

Je tisse le silence dans mon esprit

Je tisse le silence à travers mon cœur.

 

Quoique nous puissions dire où taire, nous sommes toutes et tous ici, non pas pour offrir une bonne et belle mort. Nous sommes ici pour permettre et faire tout ce que nous pouvons pour offrir une meilleure vie possible aux personnes jusqu’à leur dernier souffle.

 

Rien ne peut gomme, masquer, camoufler le scandale, la violence, l’insupportable de la mort. Rien ni personne ne peut effacer l’absurdité et le non sens de la mort. Nous pouvons lutter pour vivre sans douleur, pas pour mourir sans souffrance. Nous pouvons lutter pour accompagner celui ou celle qui vit ses derniers instants, pas pour nous approprier une mort qui ne nous appartient pas.

 

Je suis pasteure et j’appartiens à l’une des grandes traditions religieuses. Je ne détiens pas le sens, ni de la vie, ni de la mort.

Tous les grands courants spirituels ont essaye de trouver des réponses, de mettre des mots sur les questions que nous pose la mort. Ce ne sont que des tentatives pour supporter l’insupportable, pour se confronter à l’absurde.

Les soins palliatifs doivent se garder de céder à la tentation d’une nouvelle idéologie, d’un nouveau discours sur la mort. Il n’y pas de belle mort, une manière correcte de mourir. Il y a juste des tentatives, des efforts, des luttes pour vivre le mieux possible, pour apprendre à aimer ce que l’on vit.

 

Si les soins palliatifs ne se protègent pas d’un discours enfermant, donnant le sens, sur la mort, alors le danger sera grand de devenir une secte.

Arriverons-nous à éviter cet écueil et accepter la mort comme interpellation permanente au sens que nul ne détient. C’est un défi que nous voulons garder dans la mémoire de ce congrès.

 

C’est pourquoi nous voulons aussi parler des rites. Tout n’est pas rite. Etre aux portes de la mort et poser des gestes ne signifie pas forcement faire du rite. Le rite est l’outil, le moyen qu’ont trouvé les êtres humains dans l’histoire pour manifester les questions existentielles. Ils marquent souvent un passage, un mystère. Ils sont hors du temps et profondément enraciné dans des traditions et des cultures. Les rites ne donnent pas le sens, mais permettent l’expression de ce qui pose problème ou heurte la raison.

Les rites sont une mise en scène. Les acteurs sont ceux et celles qui forment la communauté qui le pratique et ils et elles donneront le sens ou pas. Après le rite, nous sommes autres, différents et même si ce n’est pas perceptible immédiatement, c’est en devenir.

Le rite manifeste donc souvent et en tous cas pour la mort, l’énigme du sens mais il ne répond pas.

Aujourd’hui nous avons souhaité qu’il y ait un avant et un après le congrès. Nous avons souhaité manifester l’importance d’un changement, d’un mouvement, d’une mise en route. Cette mise en route sera jalonnée de cette face cachée que nous avons voulu rendre visible.

 

Dominique Roulin

Pasteure en charge du Ministère SIDA

 

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La mort dans les grandes religions monothéistes

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Tariq Ramadan

 

L’ISLAM

 

 

La mort est un retour. Le corps inhumé, l’âme, l’être (an-nafs) de l’individu va vivre plusieurs étapes de ce chemin qui ramène à Dieu avant le dernier Jugement, auquel chacun sera soumis.

 

C’est d’abord la vie de la tombe, les questions des anges, l’être animé dans l’état d’attente (al-barzakh) vivant de la vie des esprit, puis, dans un temps que seul Dieu connaît, l’annonce et la réalité de la fin des temps.

 

La mort est une autre vie : pour ceux qui restent, elle requiert l’acceptation, la patience et l’espoir.

 

Pour trouver la paix, il leur est demandé de lire le texte révélé, le Coran, de s’en imprégner, de le méditer et de faire des invocations pour le salut et la protection de l’être qui a été rappelé. La paix du cœur doit s’accompagner de l’expression de l’espérance en acceptant la tristesse sans se laisser aller à la révolte.

 

Le prophète Muhammad, lorsqu’il apprit la mort de son petit-fils, dit :

« Certes les yeux sont mouillés, le cœur est triste, mais il ne faut dire que ce qui plaît à Dieu. »

Ces mots sont effectivement représentatifs de l’état de cœur et d’esprit de la croyante et du croyant quant un être aimé s’en va.

 

La douleur, quand elle est maîtrisée par l’intensité de la foi, donne accès à la force de la patience (as-sabr) qui est l’une des qualités les plus profondes de la spiritualité vivante et active.

 

Comme le temps, le terme est une épreuve : face à la mort, l’être dit quelque chose de la foi. La mort rappelle et révèle.

 

Jean Halpérin

 

 

LE JUDAÏSME

 

La mort met fin au temps qui s’écoule et met un terme à cette disponibilité dont tout vivant bénéficie.

La naissance et la mort échappent à la volonté humaine.

 

Par l’immortalité de l’âme, les morts sont reliés au faisceau des vivants. Ils continuent de vivre dans le souvenir des vivants. Ils sont appelés à être nos intercesseurs dans le monde d’en haut.

« Que la poussière retourne à la poussière, selon ce qu’elle était, et que l’esprit remonte à Dieu qui l’a donné. »

 

Le corps, qui est finitude, est réceptacle de l’âme, étincelle d’éternité.

 

Des règles exigeantes interdisent la banalisation de la mort et permettent d’apporter courage et réconfort à ceux qui sont dans le deuil.

 

Notre foi nous oblige à reconnaître les limites de notre connaissance et de notre pouvoir.

 

En revanche, il est écrit : « J’ai placé devant toi aujourd’hui la vie et le bien, la mort et le mal...et tu choisiras la vie » (deut.30/15,19).

 

Les sens de la précarité et de la finitude de la vie nous fait prendre conscience de notre infinie et total responsabilité ici-bas. Il nous fait comprendre aussi le prix et l’importance de chaque instant qui passe, d’autant plus que, pour chacun-e, le moment de la fin de vie est imprévisible.

 

Loin de nous distraire de nos obligation, la pensée de la mort doit nous pousser en permanence et en toutes circonstances à agir pour le bien.

 

« L’Eternel a donné, l’Eternel a repris. Que le nom de l’Eternel soit béni ».

 

Christian Reist

 

 

LE  CHRISTIANISME

 

Chez les chrétiens, on trouve au moins 2 manières différentes de comprendre la mort :

 

1.  elle n’est pas « naturelle », mais vient d’un tragique événement dont on retrouve l’origine dans les récits de la Genève : une lecture habituelle de ces textes fait de la mort la conséquence de la faute du premier couple humain, Adam et Eve.

 

2.  l’être humain est par nature fini et limité dans le temps comme dans l’espace : la mort manifeste une des dimensions de la finitude ; le désir d’immortalité qui nous habite traduit le déni de notre finitude, le désir d’ « être comme des dieux » (Genèse 3/5).

 

Ce déni tend à disparaître quand l’humain retrouve, dans la foi, une juste relation avec Dieu et qu’il s’accepte comme créature, c’est-à-dire comme un être fini et mortel.

La foi des chrétiens en la résurrection de Jésus leur fait affirmer que la vie ne s’arrête pas avec le décès. Au fil des siècles, l’attente du retour du Christ avec un scénario apocalyptique s’est estompée, tandis que la notion grecque de l’immortalité de l’âme a pris sa place.

Demeurent la perspective d’un jugement de Dieu avec l’espérance d’un salut personnel et d’une vie éternelle dans la communion avec Dieu.

 

Différents courants apportent les compréhension spécifique :

 

-     la foi orthodoxe parle de divinisation de l’humain comme réponse à l’humanisation du divin en Jésus.

-     La foi catholique romaine a introduit la notion de purgatoire au ses de purification nécessaire pour accéder à la vision de Dieu.

 

-     La foi protestante privilégie la foi par rapport aux oeuvres et l’engagement dans ce monde-ci par rapport aux préoccupations de l’au-delà.

 

Jérôme Ducor

 

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Lexique

 

Assistant funéraire 

Employé des pompes funèbres qui rencontre, conseille et accompagne la famille  pour l'organisation des obsèques.

           

Autopsie

Examen de toutes les parties d'un cadavre. La médecine légale utilise ce terme.

           

Cadavre 

La définition du dictionnaire est : corps mort. L'entrepreneur de pompes funèbres utilise plutôt le mot  corps ou le plus souvent celui de défunt.

           

Catafalque

Mobilier funéraire qui supporte le cercueil entouré de la décoration florale et des cierges. Un catafalque est généralement installé dans l'église pour la cérémonie.

           

Cercueil

Du mot sarcophage. Dans nos régions, le cercueil est en bois tendre pour l'incinération et plus rarement en chêne, noyer ou acajou.

 

Centre funéraire

Dans les grandes villes, un centre funéraire moderne a été construit comprenant une salle de cérémonie, des cryptes pour les défunts

           

Cérémonie funèbre

La cérémonie funèbre se déroule généralement dans une église. L'officiant en est le pasteur ou le prêtre. La famille demandera qu'un organiste et la chorale de la paroisse animent la liturgie.[PARA]Des cérémonies laïques, des cérémonies dans la stricte intimité de la famille sont également organisées.

           

Cimetière

Mot emprunté au grec, "lieu où l'on dort"

           

Civière

Lorsqu'il n'est pas possible ou peu pratique d'amener le cercueil auprès du défunt, un brancard est utilisé pour emporter le corps jusqu'au domicile mortuaire.

 

Columbarium ou francisé : colombaire

Edifice du cimetière où sont placées les urnes cinéraires. 

 

Concession

Espace du cimetière acheté par une famille pour y placer son ou ses défunts. D'une durée supérieure à celle de la "tombe à la ligne", la concession autorise également la construction d'un caveau.

           

Corbillard

Voiture exclusivement utilisée pour le transport des défunts

           

Cortège funèbre

Après la cérémonie à l'église ou au Centre funéraire, dans le cas d'une inhumation, la famille et les amis suivent à pied ou en voiture le corbillard jusqu'à la tombe.

           

Crémation, incinération

Action de brûler les morts. En Suisse, deux personnes sur trois ou leur famille choisissent l'incinération comme mode de sépulture.

 

Crématoire, crématorium

Du latin cremare "brûler". Le bâtiment comprend un ou plusieurs fours pour l'incinération des corps qui dure environ 50 minutes.

           

Crypte, chambre funéraire

Une crypte est un caveau souterrain servant de sépulcre dans certaines églises. On utilise encore ce terme. Au domicile du défunt ou en institution pour personnes âgées, on préfère parler de la chambre mortuaire ou funéraire.

           

Décès

Mort naturelle d'une personne. Le décès est constaté par un médecin.

           

Défunt

Personne décédée

           

Dernières volontés

Ecrites ou verbales, elles contiennent souvent des consignes par rapport aux obsèques, à la tombe, au repas d'enterrement. On se sent tenu de les exécuter selon la volonté du disparu.

Deuil    Souffrance éprouvée au décès de quelqu'un, sentiment de perte, période de tristesse

           

Embaumement, Thanatopraxie, Soins de conservation

Traitement d'un corps par injection d'un liquide antiseptique de conservation. L'embaumement permet par exemple à une famille lointaine de revoir le corps de son défunt rapatrié dans un cercueil plusieurs jours après le décès La thanatopraxie (du grec thanatos = messager de la mort) se rapporte aux actes professionnels accomplis sur un défunt pour sa conservation, la reconstitution d'une partie du corps et aux soins qui lui sont prodigués.

 

Enterrement

Rassemblement de la famille, des amis et connaissances autour du cercueil du défunt pour la cérémonie religieuse et la sépulture du défunt.

           

Entrepreneur de Pompes funèbres

Il n'existe pas d'école professionnelle. Dans le passé, c'était souvent le menuisier du village qui était appelé par la famille. De nos jours, une formation professionnelle de base assortie d'une bonne culture générale, des qualités humaines, mais aussi une totale disponibilité (service permanent) constituent une base sur laquelle se construit la formation dans l'entreprise.

           

Faire-part

On insérera un avis mortuaire dans la rubrique nécrologique d'un journal et on adressera de même un faire-part  personnalisé à ses proches, amis et connaissances. 

           

Inhumation

Sépulture consistant à recouvrir le cercueil de terre.

           

Jardin du souvenir

Endroit réservé du cimetière où les cendres des défunts sont déposées de manière anonyme.

Linceul

Drap qui enveloppe un corps. Pièce de toile qui recouvre le défunt dans son cercueil jusqu'à mi-corps.

           

Mise en bière

Terme utilisé pour désigner le fait de placer le défunt dans son cercueil. Bière est un autre mot pour cercueil.

 

Morgue

Salle d'un institut médico-légal, d'un hôpital, où reposent momentanément les corps. "Ses visites à la morgue l'emplissaient de cauchemars" Zola.  Les hôpitaux se sont mis à aménager des lieux bien plus accueillants pour les proches. La chambre du malade ou de la personne âgées est certainement le lieu le plus propice au recueillement après le dernier soupir. En effet, le seul mot de morgue fait encore très peur.

           

Mort

Le décès doit être obligatoirement constaté par un médecin qui s'assurera en outre que la personne est bien décédée. Sa vérification portera également sur les causes du décès. La mort est-elle naturelle ou non ?

 

Obsèques

Cérémonie et convoi funèbre, surtout dans le langage officiel : obsèques religieuses, nationales, etc.

           

Rapatriement

La famille qui perd un de ses membres à l'étranger souhaite presque toujours son retour au pays. Un cercueil spécial, hermétique, est alors exigé pour des raisons sanitaires et de sécurité.

           

Rites funéraires

Usages, pratiques, liturgie, mais aussi : gestes, pratiques, étapes aidant à la séparation de l'être cher.

           

Toilette mortuaire

Pour la famille et pour le défunt, on accomplira une toilette comme de son vivant. Il sera coiffé, rasé. On lui croisera les mains, etc. 

           

Tombe

Fosse contenant le cercueil ou l'urne et généralement recouverte d'un monument.

           

Veillée funèbre

Action de veiller un mort beaucoup pratiquée dans le temps, lorsque les défunts restaient au domicile familial.

           

 

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Bibliographie sommaire

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Ariès, Philippe : Essais sur l’histoire de la mort en Occident, du Moyen Âge à nos jours. Collection « Points », Histoire H 31 ; Paris, Seuil, 1975. ISBN 2-02-004736-5

 

Ariès, Philippe : L’homme devant la mort. Collection « Univers historique » ; Paris, Seuil, 1977. ISBN 2-02-004731-4

 

Bacqué, Marie-Frédérique (ss. la dir. de) : Mourir aujourd’hui, les nouveaux rites funéraires. Collection « Opus » ; Paris, Odile Jacob, 1997. ISBN 2-7381-0521

 

Courtois, Martine : Les mots de la mort. Collection « Le français retrouvé », 23. Paris, Belin, 1991. ISBN 2-7011-1155-2

 

Faure, Bernard : La mort dans les religions d’Asie. Collection «Dominos», 29. Paris, Flammarion,

1994; ISBN 2-08-035200-8

 

Georges, Eliane : Voyages de la mort. Paris, Berger-Levrault, 1982.

 

Les hommes et la mort, rituels funéraires à travers le monde. Textes rassemblés et présentés par Jean Guiart. Paris, Le Sycomore - Objets et Mondes (Revue du Musée de l’Homme), 1979.

 

La mort. « Terrain » 20. Paris, Mission du Patrimoine ethnologique, mars 1993. ISSN 0760-5668

 

Rites de la mort. Catalogue de l’exposition de Laboratoire d’Ethnologie du Muséum d’Histoire Naturelle dirigée par Jean Guiart. Paris, Musée de l’Homme, s.d. (1979 ?).

 

Stanciu-Reiss, Françoise : Parlez-moi de la mort ... Laval, Siloë, 1992. ISBN 2-908924-11-0

 

Tager, Djénane Kareh : Vivre la mort, Voyages à travers les traditions. Paris, Editions du Félin, Philippe Lebaud, 1999. ISBN 2-86645-336-0

 

Thomas, Louis-Vincent : Le cadavre, de la biologie à l’anthropologie. Bruxelles, Éditions Complexe, 1980.

 

Thomas, Louis-Vincent : La mort. « Que sais-je » 236 ; Paris, PUF, 1995. ISBN 2-13-0432336-0

 

Thomas, Louis-Vincent : Mort et pouvoir. « Petite Bibliothèque Payot » 343 ; Paris, 1978. ISBN 2-228-33430-8

 

Thomas, Louis-Vincent : Rites de mort, Pour la paix des vivants. Paris, Fayard, 1985 ; ISBN 2-213-01648-8

 

Vovelle, Michel : L’heure du grand passage, chronique de la mort. « Découvertes Gallimard » 171. Paris, 1993. ISBN 2-07-053161-9

 

Vovelle, Michel : La mort et l’Occident, de 1300 à nos jours. Collection « Bibliothèque illsutrée des histoires » ; Gallimard, 1983. ISBN 2-07-029649-0

 

 

D’aucuns l’ignorent ;

la plupart la craint,

la hait.

Brutale, sournoise ou attendue

elle est là, la mort.

Un petit nombre,

par métier

l’apprivoise,

non sans émotion.

Ce sont les croque-morts

pour lesquels je dis ces instants

communs ou exceptionnels,

comiques parfois,

sordides aussi.

 

 

Charles Berthouzo,

La mort brute, publié par le Musée d’ethnographie, Genève 1999

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Musée d’ethnographie – Genève - 2006

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