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19-12-2023

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La toilette sèche : une question de cohérence

Par : Joseph ORSZÁGH, 

11, Clos des Tuileries, B-7000 MONS

joseph.orszagh (AT) skynet.be 

 

            C’est en 1982, au retour d’une de mes missions en Afrique que j’ai eu la grande surprise de voir un seau hygiénique à la toilette. Le W-C classique a été à partir de ce moment-là relégué au rang d’objet inutile et encombrant... Ma femme, Michèle a décrété que désormais, ce sera notre toilette. C’est ainsi qu’a commencé l’histoire de mes recherches en matière d’assainissement. J’ai donc été pris au piège de mes propres théories, car jusque-là, j’avais souvent parlé de la possibilité de récupérer nos déjections à des fins agricoles, mais pour moi c’était une sorte d’exercice intellectuel. Il a fallu le pragmatisme d’une femme, la mienne, pour transposer la théorie sur le terrain.

                Il serait passionnant, mais trop long, de raconter notre chemin pour aboutir à la réalisation d’une maison en pleine ville (avec un jardin de 750m²) qui n’est raccordée ni à la distribution d’eau ni aux égouts. Nous buvons l’eau de pluie et nous réutilisons nos eaux grises épurées pour arroser le jardin. Avec des investissements dérisoires, nous sommes arrivés à l’autonomie hydrique complète avec une pollution nulle des eaux souterraines et des eaux de surface.

                Nous sommes évidemment loin de notre seau hygiénique qui sentait mauvais et n’était acceptable que pour quelques “ mordus ” pour l’environnement. Actuellement, avec plus de six cent (et le nombre augmente tous les jours) de familles en Belgique et en France (juin 2003) nous partageons notre expérience concernant l’usage de la toilette sèche que nous avons baptisée toilette à litière biomaîtrisée (TLB). Avis aux amateur d’exercices linguistiques pour lui trouver un nom plus adapté !

 

Du bon compost pour son jardin et de l’eau “ bonne à boire ”

            Au départ, notre démarche n’a donc été inspirée ni par une volonté d’originalité, ni par une préoccupation particulière de protection des eaux, mais par le souci de fertiliser notre petit jardin potager avec un compost produit sur place.  Nous buvions déjà l’eau de pluie depuis longtemps, sans nous en porter plus mal que les autres en dépit du fait que cette eau pouvait dans de rare cas ne pas être légalement “ potable ”. C’est plus tard que j’ai découvert qu’elle est mieux que “ potable ” : l’eau de pluie filtrée est biocompatible[1].

Le confort d’une bonne toilette sèche

 

            La TLB est le résultat d’une observation fortuite, expliquée scientifiquement plus tard. En ajoutant de la sciure de bois  ou des copeaux à nos déjections (urine + matière fécale), l’odeur désagréable disparaît complètement. Cette toilette se présente en fait comme une caisse sans fond, contenant un seau en plastique ou mieux, en acier inoxydable et dont la planche supérieure (basculante) est percée d’une ouverture sur laquelle on a fixé un abattant de W-C classique. La TLB trouve sa place n’importe où dans la maison, sans arrivée d’eau, tuyau d’évacuation ou système d’aération. L’aspect esthétique est un problème de menuiserie. Pourquoi ne pas s’inspirer de la chaise percée de Luis XVI pour la forme ? Certaines utilisatrices prétendent avoir moins de travail d’entretien qu’avec un W-C classique. Des familles qui n’avaient pas envisagé l’usage d’une toilette sèche l’ont adoptée sans problèmes et sur plus de six cent, après plusieurs mois ou d’années d’expérience,  à notre connaissance, deux familles en ont abandonné l’usage.

 

            Côté odeur, pas de problème. La contrainte de ce système est l’obligation de vider le seau (nous conseillons une capacité de 15 à 20 litres) sur le carré à compost du jardin quand il est rempli. Cette opération est perçue par plus d’un comme une corvée assez désagréable, bien qu’elle ne prend que quelques minutes. Je pense qu’il faudrait un incitant fiscal qui ferait payer le prix juste des nuisances d’un W-C à chasse pour sortir de l’impasse environnementale créée par l’épuration collective[2].

Les principes non énoncés par les concepteurs des toilettes sèches

 

            Il est heureux que au départ notre objectif n’était pas d’installer un W-C écologique, mais de fabriquer du compost, car, si j’avais consulté la littérature abondante [3] au sujet des toilettes sèches, j’aurais sans doute abouti à des solutions fort différentes. C’est à posteriori que je réalise combien la finalité de la plupart des auteurs était différente de la nôtre.

            Le souci principal des concepteurs des toilettes sèches est, par ordre de priorité :

-  l’élimination d’un “ déchet ” qui nous gêne et nous encombre, en prenant bien soin d’imiter, autant que se peut, le fameux water-closed, symbole du confort et aussi de notre insouciance vis-à-vis de l’environnement ;

-  assurer le maximum de confort à l’utilisation ;

-  économiser l’eau ;

-  soustraire nos déjections (par exemple, en infiltrant l’urine et en enfouissant les fèces dans le sol) à notre vue ;

-  si l’élimination des eaux fécales a un impact favorable à l’environnement, tant mieux.

            Ce type de démarche aboutit à des solutions boiteuses et inconfortables. Il faut être un mordu pour l’environnement pour avoir recours volontairement aux solutions décrites dans la littérature.

 

Les enjeux réels de l’utilisation de la toilette sèche

            On présente généralement la toilette sèche comme un moyen d’économiser l’eau.  Il est vrai que la suppression des chasses diminue la consommation des ménages de 25 à 35 %, ce qui est loin d’être négligeable. Mais l’économie d’eau n’est qu’un aspect mineur de ce problème. Même si les techniciens en génie sanitaire semblent volontairement ignorer les réalités, le non rejet des déjections dans l’eau est une option incontournable dans le respect du développement durable.

 

80 à 100% de la pollution organique de nos rivières est d’origine domestique. Cette matière organique est  transformée par les stations d’épuration en nitrates et en phosphates (y compris par les stations d’épuration dites “ tertiaires ”). Ces deux substances sont responsables de l’asphyxie des rivières. 97% de l’azote et 50 à 80% de phosphore contenus dans les eaux usées urbaines viennent de nos W-C ! Le programme européen (très coûteux) d’épuration des eaux urbaines ne résoudra pas le problème de base de l’eutrophisation des rivières. On est prêt à dépenser des milliards pour rien, alors qu’on refuse d’attaquer le problème à la source en mettant en place une législation encourageant l’abandon du W-C à chasse, grand responsable de nos problèmes.

 

            Le jour où l’on décidera de ne plus rejeter les déjections humaines et animales dans l’eau, un grand pas sera franchi vers la protection efficace de notre environnement. L’introduction généralisée des toilettes sèches et des élevages industriels sur litière biomaîtrisée aurait des conséquences actuellement inimaginables. En moins d’un an, la plupart des petites rivières retrouveraient leur caractère salmonicole (abritant des truites, des saumons) et 20 ans après, la teneur en nitrates des eaux souterraines tomberait à une valeur compatible avec une potabilisation facile. Et tout cela, sans dépenser un seul euro dans des infrastructures d’épuration lourdes et coûteuses.

 

Grands principes et réalités sur le terrain

            Revenons aux principes des toilettes sèches. J’ai beaucoup apprécié les réquisitoires de François Tanguay [4] au Canada et de Pierre Lehmann en Suisse à l’encontre de notre cher water-closed. Ces réquisitoires sont basés sur le caractère polluant de ces installations, ce qui est vrai, mais ce n’est pas toute la vérité. En réalité, nos déjections font partie intégrante de la biosphère, ce ne sont pas des déchets à éliminer. La pollution et le gaspillage de l’eau n’est en fait qu’un aspect mineur du problème des W-C. La biomasse humaine étant devenue importante sur la terre, la destruction de nos déjections sous prétexte d’épuration est un facteur important de déséquilibre des écosystèmes qui nous font vivre. D’après une étude récente, faite à l’Université Catholique de Louvain (Belgique) [5], le contenu azoté des déjections humaines représente 40% de l’azote utilisé dans l’agriculture mondiale. La biomasse fécale humaine est dont loin d’être négligeable. Sa destruction sous prétexte d’épuration crée un déficit dans la fertilisation des sols, tandis que l’épuration transforme l’azote contenu dans les déjections en pollution par les nitrates. Malheureusement, l’épuration n’est pas la seule technique de destruction de la biomasse fécale (animale ou humaine). Toute technique ne respectant pas rigoureusement les conditions de la pédogenèse (formation de la matière humique du sol), soustrait la biomasse précieuse du fonctionnement de la biosphère. On peut aisément montrer que l’écobilan des techniques comme le lagunage, la biométhanisation, l’épandage du lisier, l’enfouissement de la matière organique dans le sol, etc., est négatif. Je formulerais de la manière suivante le premier principe qui devrait guider la conception des toilettes écologiques et aussi des programmes de restauration des écosystèmes:

            Toute matière organique détruite et non introduite dans le cycle de formation de la matière humique des sols est une perte grave pour la biosphère et une source de pollution pour les eaux.

 

Toilettes sèches et idées fausses

            Le première chose est donc d’essayer de réunir les conditions pour le recyclage le plus parfait possible de la matière fécale pour en faire de l’humus. Pour ce recyclage, il faut d’abord ajuster le rapport carbone/azote (C/N) des déjections à 60. Au départ, ce rapport est de l’ordre de 7. Il faut donc y ajouter une matière riche en carbone végétal [6].

Pour litière tout convient : broyat de végétaux, sciure de bois, copeaux, feuilles mortes, pailles, rafles, fanes, même cartons usagés et déchiquetés.  En ce qui concerne ces derniers, dans le contexte d’appauvrissement de nos écosystèmes agricoles, il est plus utile de les composter que de les recycler en tant que papier de basse qualité. La matière carbonée végétale est aussi traitée comme déchet, qu’on “ valorise ” parfois en brûlant, au lieu de le composter [7].

La réunion de la biomasse végétale carbonée et les déjections humaines et animales constituent la filière normale pour la formation de l’humus.

 

Ce qui ne convient pas pour ajouter à nos déjections :

-   La terre. Le rapport carbone/azote de nos déjections est trop faible pour la formation de l’humus. De ce fait, une bonne partie de l’azote organique est perdue par minéralisation spontanée (transformation en nitrates, en nitrites et en ammonium), faute de carbone. Le pouvoir fertilisant du fumier non composté provient précisément de cette minéralisation, mais son action est identique à celle des engrais chimiques.

-   La tourbe. Bien que le rapport carbone/azote peut être ajusté avec de la tourbe, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un produit non renouvelable. De plus, on observe que la tourbe, probablement à cause de son caractère acide, maîtrise moins bien les odeurs que la matière végétale sèche.

-    Les cendres ou la chaux. Le caractère fortement basique de ces substances (la potasse) inhibe l’action des micro-organismes pour la transformation de la matière organique en humus. On ne peut envisager que l’adjonction de petites quantités de cendre pendant le compostage, mais pas dans une toilette. Les vieux paysans disent toujours : “ la chaux enrichit le père et ruine le fils ”. La chaux et la potasse accélèrent la décomposition spontanée de l’humus dans le sol, en libérant rapidement l’azote et le phosphore organiques. Il en résulte une forte augmentation des rendements au détriment des réserves du sol. Le chaulage du compost, préconisé par certains spécialistes en agriculture, interrompt le processus de régénération des sols.  

 

            La séparation de l’urine et de la matière fécale n’est pas utile en vue d’un compostage. L’humidité contenue dans l’urine est nécessaire pour imprégner la matière organique sèche indispensable à l’ajustage du rapport carbone/azote. Sans urine, il faut arroser le tas de compost ne contenant que les fèces et les végétaux. On justifie la séparation de l’urine par la réduction du volume à traiter, mais que faire alors avec l’urine ? Son infiltration dans le sol ou son utilisation pour irriguer est une absurdité écologique. Entre 60 et 80% de l’azote contenu dans les déjections se trouve précisément dans l’urine. Faute de carbone, l’urine dans le sol est intégralement minéralisée et alimente généreusement les eaux de ruissellement et les eaux souterraines en azote nitrique et ammoniacal. L’azote contenu dans l’urine est indispensable à la transformation en humus de la matière végétale carbonée. L’infiltration de l’urine dans le sol est donc une perte à la fois de la matière azotée et carbonée, tout en générant une pollution des eaux.

 

            L’évaporation de l’eau contenue dans les fèces est justifiée par le souci de réduire la masse à traiter et espacer les manutentions. Le milieu humide bactérien dans les fèces assure un bon démarrage des processus de transformation en humus. Il est dommage d’interrompre ces processus naturels par évaporation et humidification au moment du compostage.

            Le compostage interne dans un réservoir situé sous la toilette s’inspire toujours du souci d’éviter de s’occuper autant que se peut de nos déjections. Malheureusement, il n’est pas possible de réaliser dans une cuve ou dans une fosse les conditions aérobies nécessaires pour un bon compostage. Le véritable compostage se fait sur le sol même, en symbiose avec la faune qui vit dans le sol. Toute fermentation anaérobie, inévitable dans les cuves, soustrait l’azote et aussi une bonne partie du carbone au processus de formation de l’humus, tout en libérant, en prime, la pollution par les nitrates et l’ammonium.

 

            Le syndrome de l’empereur chinois. On raconte souvent que les empereurs chinois, contrairement à leurs sujets, ne consommaient pas les aliments récoltés sur des terres fertilisées avec des déjections humaines. On cite également le refus des ruminants de manger l’herbe qui pousse sur leurs déjections. La réticence à utiliser les déjections humaines est en fait de nature psychologique et culturelle, de même que la crainte de la contamination bactérienne. 

Il ne faut pas perdre de vue que :

-    les Chinois ne compostaient pas leurs déjections, mais l’utilisaient directement sur le sol ;

-    l’herbe des prairies engraissées avec du fumier composté est bien acceptée par les animaux.

Il ne fait pas de doute que les déjections non compostées (autant que le lisier, les gadoues de fosses septiques et les boues d’épuration actuellement épandues à grande échelle, ce qui ne semble pas inquiéter les personnes soucieuses d’hygiène) introduisent un grand nombre de germes pathogènes dans le milieu de production de nos aliments. Par contre, l’utilisation du compost de déjections d’une toilette sèche ne présente pas cet inconvénient. La teneur en bactéries pathogènes de ce type de compost est beaucoup plus faible que celle des gadoues des fosses septiques ou du lisier d’élevage. La peur de la manipulation et de l’utilisation des déjections humaines est dépourvue de base objective (même si l’on trouve toujours une justification). Elle est d’origine culturelle et psychologique.

 

Lagunage ? Oui, quand on ne peut pas se passe du W-C à chasse

            L’image bucolique du plan d’eau avec les “ jolies-petites-plantes-qui-épurent-tout ” colle à la peau des environnementalistes et occulte une vision plus globale et plus pragmatique. La grande popularité des techniques de lagunage tient au fait qu’elles ne remettent pas en question nos (mauvaises) habitudes concernant les usages de l’eau. Un lagunage remplace purement et simplement la station d’épuration, mais rien ne change en amont. La réduction de la pollution est à la discrétion de l’usager.

 

            Nous venons de montrer que le mal est fait au moment du déversement des déjections dans l’eau et le facteur de déséquilibre est la destruction de la biomasse fécale par épuration. La pollution azotée à des degrés divers ne vient qu’en prime. L’idéologie de base de la conception d’un lagunage et d’une station d’épuration est la même : détruire la charge polluante, sans tenir compte de la valeur biologique de la biomasse détruite. Dans un système qui fonctionne suivant le concept du développement durable, le lagunage n’a pas sa place. Si on le souhaite et si les conditions climatiques et édaphiques le permettent, on peut créer une zone humide à la sortie d’un système d’épuration des eaux usées non fécales (eaux grises ou savonneuses), mais dans la plupart des écosystèmes,  l’eau est trop précieuse pour être gaspillée dans de telles installations.

 

            Dans les pays à climat sec, on déplore le fait que les eaux usées urbaines sont impropres à l’irrigation des terres agricoles. Les eaux fécales contiennent, en effet, trop de germes pathogènes et surtout des œufs de parasites intestinaux. Après cette constatation, la conclusion la plus logique serait de ne pas rejeter la matière fécale dans l’eau, mais cette éventualité n’est même pas envisagée par les techniciens et les décideurs politiques. Dans les eaux grises (eaux savonneuses), il y a mille à dix mille fois moins de germes et de parasites que dans les eaux fécales. Dans un pays où chaque litre d’eau est convoité pour l’irrigation des cultures vivrières, l’usage d’un W-C à chasse est un acte lourd de conséquences. Mais les techniciens spécialistes en épuration préfèrent perpétuer l’irresponsabilité institutionnalisée. L’assainissement par égouts et stations d’épuration est une affaire commerciale qui obéit aux lois du marché. Pourtant, rien que la suppression des chasses réduirait la consommation d’eau des ménages d’environ 30%. Débarrassée des eaux fécales, les eaux usées urbaines deviendraient disponibles pour l’agriculture, sans risques sanitaires. Préconiser des systèmes de lagunage (cela se fait pourtant par des spécialistes de réputation mondiale) dans des pays à climat sec où au moins 60% de l’eau est évaporée pendant l’épuration et une autre partie se perd par infiltration, c’est faire preuve d’un mépris ou d’une méconnaissance du fonctionnement des écosystèmes agricoles. Ou bien on a d’autres motivations.

 

            L’utilisation du compost de déjections augmente la capacité de rétention d’eau des terres et, de ce fait, diminue les besoins en eau d’irrigation. Chaque kg de compost qui remplace l’engrais chimique diminue la pollution agricole et aussi les besoins en pesticides.

            Il serait trop long d’analyser les impacts environnementaux des systèmes de lagunage, y compris dans les pays à climat humide. Même en cas de récupération de la matière végétale produite, la rupture des grands cycles naturels, comme celui de l’azote, est consommée. Lors du compostage des végétaux récupérés du lagunage, pour ajuster le rapport carbone/azote à une valeur correcte, il faut encore ajouter du fumier : il faut remplacer l’azote détruite pendant l’épuration. Le compostage direct des déjections économise un cycle annuel d’énergie solaire. 

 

            L’usage d’une toilette à litière biomaîtrisée (TLB) et son compostage nécessite un investissement bien moindre et beaucoup moins de travail qu’un système de lagunage, sans parler des impacts sur l’environnement.

            Le lagunage n’est justifiable que dans la mesure où l’on est incapable de renoncer à l’usage d’un W-C à chasse d’eau. En ce sens, c’est un moyen technique pour se donner bonne conscience, tout en continuant à gaspiller, à polluer l’eau et appauvrir la biosphère.

 

La toilette sèche, pour nos animaux aussi

            Dans des régions (comme la Flandre ou la Normandie) où l’on pratique à grande échelle l’élevage hors sol, la biomasse fécale d’origine animale est importante. Pour éviter la production de ce déchet polluant, et pouvoir recycler les déjections animales dans la formation de l’humus, la technique de l’élevage sur litière biomaîtrisée est une solution satisfaisante et économiquement acceptable. Des essais faits au Japon et aussi dans plusieurs pays européens montrent la faisabilité de ce système qui élimine par la même occasion toutes les nuisances olfactives de ces élevages et celles des épandages du lisier. Des montagnes de déchets carbonés (palettes en bois, cartons, déchets forestiers, etc.) attendent leur valorisation en tant que litière pour neutraliser la pollution azotée par l’épandage du lisier. Par la même occasion, on augmenterait la teneur en humus des terres et on diminuerait la pollution par les pesticides.

 

La position des spécialistes officiels en génie sanitaire

            Lors de la conférence européenne des 28 et 29 mai 1996 tenue à Bruxelles sur la politique de l’eau de la Communauté Européenne, j’ai proposé d’intégrer dans la législation concernant les eaux résiduaires urbaines des incitants pour les techniques d’assainissement basées sur le principe de prévention. Il était évidemment question du système d’assainissement TRAISELECT ou le traitement sélectif des eaux usées domestiques dont la pièce maîtresse est la toilette à litière biomaîtrisée (TLB) qui pourrait constituer une alternative crédible (bien que facultative) au W-C classique.

 

            Cette toilette n’a toutefois pas séduit les personnes présentes et a été surnommé de “ bac à chat ” par un des membres de la délégation officielle belge et tirée en dérision.

            Par la suite, les exposés des délégations des pays du sud de l’Europe ont bien mis en évidence les graves problèmes de pénurie d’eau, notamment pour l’agriculture. A titre d’exemple, une ville comme Barcelone rejette dans la mer une rivière d’eau usée inutilisable dans l’agriculture à cause de la contamination fécale. Après le constat d’échec de la politique actuelle d’eau, un grand spécialiste espagnol a conclu en disant que “ ce n’est pas de bacs à chats dont nous avons besoin, mais d’eau pour l’irrigation ”. Quand on sait que le traitement sélectif des eaux grises et l’usage des toilettes sèches réduirait les besoins en eau de villes de 25 à 30 % et la totalité des eaux grises épurées pourrait servir à l’irrigation, on reste rêveur devant l’attitude de refus catégorique des spécialistes officiels en génie sanitaire. Il est sans doute plus motivant d’inaugurer des grands travaux hydrauliques que d’envisager des solutions élémentaires, bien que très efficaces.      

     

Conclusions

            Une réflexion approfondie sur le fonctionnement des écosystèmes aboutit à la conclusion suivant laquelle tous les problèmes relatifs à l’eau dans le monde trouvent leur origine dans la mauvaise gestion de la biomasse. Vu le poids des activités humaines, la biomasse fécale d’origine humaine ou même animale ne doit en aucune manière être rejetée dans l’eau, mais injectée dans le processus de formation de l’humus. De cette manière on prévient à plus de 97% la pollution des eaux par les nitrates et aussi en grande partie par les phosphates.

            L’usage des toilettes sèches et l’élevage sur litière biomaîtrisée éliminerait à la source la presque totalité de la pollution azotée et la majorité de la pollution phosphatée des eaux naturelles. Le recyclage correct des déjections est un élément primordial pour régénérer les écosystèmes agricoles dégradés et un facteur important d’économie d’eau. En intégrant les principes énoncés plus haut concernant le fonctionnement des écosystèmes dans la conception des toilettes sèches, on aboutit à des solutions techniques très efficaces et plus qu’acceptables au point de vue psychologique.

            Quand on se dit favorable à la réduction de la pollution, utiliser une toilette sèche correcte est une question de cohérence. C’est la démarche quotidienne de loin la plus efficace pour la protection de l’environnement.

 

29.Mode d’emploi TLB

La toilette à litière biomaîtrisée  (mode d’emploi)

1.       Comme litière, utiliser :

-    des déchets végétaux secs : broyats de branchages, de feuilles, de tiges, des fanes, etc.

-   copeaux et sciure de bois;

-   tous les éléments ci-dessus peuvent être mélangés.

2. Ce qu’il ne faut pas utiliser comme litière :

-   copeaux et sciure de bois tropicaux exotiques qui peuvent générer de mauvaises odeurs et provoquer des allergies;

-    trop de sciure, source de poussière dans la maison ;

- uniquement des feuilles sèches broyées qui n’absorbent pas suffisamment l’humidité.

3.       On dépose au départ une couche de quelques centimètres de litière au fond du réservoir de la toilette. Une bonne épaisseur de litière de départ se juge lors de la vidange : si elle est trop sèche, cela signifie qu’elle est en excès et se compostera mal ; si par contre, elle baigne dans l’urine c’est signe d’insuffisance et de pollution de la terre par infiltration.

4.       Après chaque utilisation, couvrir les selles avec une feuille de papier de toilette qu’on humidifie à l’aide d’un pulvérisateur pour plantes d’intérieur et un peu de litière. Tous les  papiers de toilette conviennent et sont jetés dans le réservoir. Cette toilette accepte également les tampons hygiéniques et les couches culottes compostables.

5.       Ne pas attendre le que réservoir soit trop rempli et lourd pour vidanger dans le carré à compost.

6.       Rincer le réservoir avant de remettre en service. S’il est en plastique, il vaut mieux en avoir deux : l’un étant en service, l’autre est aéré à l’extérieur. Pour enlever les odeurs absorbées par le plastique, on peut y mettre, pendant l’aération, de l’eau contenant un peu d’argile. Cette eau peut servir plusieurs fois. L’eau savonneuse des nettoyages par terre convient également.

7.       Le carré à compost qui reçoit les effluents de la toilette (un mètre carré par personne) est aménagé dans un coin du jardin à l’abri des regards. On y déposera également tous les déchets du jardin et de la cuisine. Afin d’éviter la multiplication des mouches, après chaque déversement, couvrir avec un peu de déchet de jardin, tonte d’herbe, feuilles mortes, mauvaises herbes arrachées ou paille.

8.       Au mois de novembre de chaque année, le carré à compost est vidé. Son contenu est entassé pour faire un tas en forme de toit et couvert d’une couche d’au moins 20 cm de paille. Après une année de repos, le compost obtenu est prêt à l’emploi dans le jardin, y compris le potager.

 

  [1] La consommation prolongée d’une eau bio-compatible ne peut en aucune manière altérer la santé. On ne peut pas en dire autant de l’eau légalement “ potable ”. Contrairement à la position officielle, le chlore n’est pas un “ produit d’hygiène ”, mais un produit chimique toxique, un biocide (qui tue la vie). La consommation prolongée de l’eau désinfectée au chlore altère le système immunitaire et sensibilise l’organisme à une série de maladies assez graves, comme les allergies, certains types de cancer, ostéoporose, coxarthrose, sclérose en plaque et augmente la sensibilité aux maladies virales.

 

  [2] Le bilan azoté de l’épuration classique (oxydation biologique aérobie) est tout simplement catastrophique. Les quelques 5 à 10 % de l’azote qui entre dans la station d’épuration sort avec les eaux épurées sous forme de nitrates. Cette quantité est largement suffisante pour asphyxier les rivières avec les phosphates d'origine métabolique (issus de nos W-C) et ceux contenus dans nos lessives. Le restant de l’azote sort de la station d’épuration sous forme de boues et n’attend, après épandage sur les terres, que la première pluie pour s’infiltrer dans la nappe phréatique sous forme de pollution par les nitrates ou ruisseler vers la rivière. Il n’y a qu’une petite partie de l’azote qui est assimilé par les plantes. En résumé : l’épuration classique transforme une matière première précieuse (les effluents de nos W-C) en pollution par les nitrates.

 

  [3] Un exemple type de ce genre de littérature est le livre de Béatrice Trélaün, Water sans eau. Ed. Alternatives.

 

  [4] François TANGUAY, Petit manuel d’autoconstruction. Ed. Mortagne. Canada

 

  [5] Marco BERTAGLIA, in Séminaire en pollution de l’environnement, Université Catholique de Louvain (Belgique), Unité de génie biologique (Prof. Patrick Gérin) 1998-99.

 

[6] L’urine contient 60 à 80 % de l’azote contenu dans nos déjections. Grâce à l’action d’un enzyme naturellement présent, l’uréase, l’azote contenu dans l’urine se transforme spontanément  en ammoniac en quelques heures.  La présence de lignine et de la cellulose contenus dans les végétaux (dans la litière de la TLB) semble inhiber l’action de l’uréase et bloque la formation de l’ammoniac.  Dès lors, l’azote organique des déjections commence à être intégré dans le processus biologique de formation de l’humus. Les odeurs disparaissent par la même occasion. 

Lorsqu’on recueille l’urine séparément, pour le stockage dans un réservoir, ou pour infiltration dans le sol, la formation de l’ammoniac, suivie de celle des nitrates, est inévitable. Dès lors, il n’y a plus de formation d’humus, même en présence de matériaux végétaux. La présence d’azote ammoniacal et nitrique explique évidemment “ le pouvoir fertilisant ”, mais il s’agit d’une fertilisation chimique qui n’ose pas dire son nom.  Le lessivage des nitrates dans les eaux souterraines est le résultat final de cette opération.  

C’est la raison pour laquelle les effluents des toilettes sèches dans lesquelles on a séparé l’urine et la matière fécale ne conviennent pas pour la régénération des terres. De ce fait, l’écobilan de ces toilettes sèches n’est pas favorable.  

 

  [7] La valorisation énergétique de la biomasse est un mythe tenace dans les milieux des environnementalistes. Dans le contexte actuel de gigantisme énergétique, la valeur de l’énergie obtenue (combustible solide, biométhane, carburant liquide, etc.) en détruisant la biomasse est tout à fait dérisoire par rapport à la valeur biologique du matériau organique soustrait aux grands cycles de la biosphère. On pourra peut-être un jour envisager la valorisation énergétique d’une petite partie de la biomasse dans un monde qui utilisera à bon escient et à des besoins essentiels toutes les formes d’énergies disponibles et renouvelables. 

 

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