18-12-2023 |
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Squats
et Internet Source: http://infokiosques.net/spip.php?article32
PolitiqueBien que tout squat soit "politique", dans la mesure ou - même de manière involontaire -, il critique en actes la propriété privée, la particularité de nombre d’entre eux est de sciemment se définir comme tel. Le squat est alors vécu comme un lieu de rupture avec l’ordre social et les institutions, comme le refus de la société capitaliste et de l’État, auxquels squatteuses et squatteurs s’attaquent en niant par leur action la valeur de la propriété privée. Cependant, les squats ne se contentent souvent pas de critiquer la société, mais se proposent également de mettre en pratique des alternatives. Au sujet de l’organisation collective comme des rapports inter-individuels, les squats fourmillent de remises en question et d’expérimentations. Avec pour bases, bien souvent, une critique du patriarcat, du capitalisme, de l’élitisme et de la hiérarchie, avec la volonté de briser la spécialisation et l’atomisation des individus, de se libérer des carcans moraux, de l’individualisme forcené, des conditionnements sociaux, pour essayer de vivre en cohérence avec ses idées et de s’épanouir. Plus qu’un simple constat critique, les squats sont la réalisation (forcément partielle, car immergée dans un "vieux monde" qui perdure) de ce que certain-e-s ne font que théoriser. Le mythe du grand soir est brisé, car c’est alors tous les jours que se construit la révolution, par une transformation individuelle et collective. Ce qui n’exclut pas des moments de confrontation violente avec le système, qui ne saurait accepter de voir éclore quelques îlots de liberté...
MédiasEn tant qu’espaces contre-culturels, les squats sont non seulement victimes de la répression institutionnelle, légale et policière, mais aussi de la désinformation ou de l’ignorance des médias officiels à leur sujet. En conséquence, on trouve dans les squats la volonté de créer des médias alternatifs, autonomes, se faisant réellement l’écho des militant-e-s. Historiquement, mais intrinsèquement surtout, les squats sont très liés au militantisme anarchiste et de gauche radicale. En ce qu’ils catalysent les luttes contre tous les éléments du système, les squats sont confrontés aux mêmes problématiques que les mouvements révolutionnaires (auxquels souvent ils appartiennent), en ce qui concerne —entre autres— la répression, l’expression publique, la communication, le rapport aux médias.
RéactionEn conséquence, les squatteureuses produisent leur propre information, de manière alternative (fanzines, journaux, brochures, tracts & affiches, bombages), qui peinent cependant à dépasser le niveau local. Dans certains pays comme la Hollande, où les squatteureuses sont particulièrement organisé-e-s (le mouvement squat y a été très fort dans les années 70/80, et a accumulé de nombreux acquis au cours d’années de luttes parfois très dures contre le pouvoir), on trouve des radios pirates, des télévisions alternatives, entre autres grosses structures (c’est aussi le cas en Italie, en Espagne...). L’étape suivante, dans la volonté de communiquer de manière plus large, s’est logiquement trouvée être internet.
InternetCertain-e-s squatteureuses se sont donc orienté-e-s vers l’utilisation d’outils de communication "modernes" et alternatifs, directs et difficiles à censurer comme internet, et ce dès ses débuts. En témoigne le site squat !net, en ligne depuis 1997, qui héberge quantité de pages de squats, de squatteuses et squatteurs, ou autres groupes politiques, initiatives alternatives lié-e-s aux squats. Très visité, ce site offre aux squats la possibilité de communiquer au delà du cadre restreint de leur environnement immédiat, ce qui outre la stricte diffusion de l’information peut constituer un instrument de pression supplémentaire dans la création de rapports de force entre les occupant-e-s et les autorités. Ses volumineuses archives de documents (tracts, brèves, livres, essais, etc.) permettent également à qui en a la curiosité de découvrir les squats hors des clichés dans lesquels ceux-ci sont généralement enfermés. Internet donne également une autre dimension aux initiatives orientées vers le local : aux textes mis en ligne, les squatteureuses d’Amsterdam ont ajouté les émissions de leurs radios et les programmes de leurs télés pirates, disponibles en direct. En France, les squats de Dijon rendent compte de leur actualité, entre autres actions militantes, par le biais d’une liste de diffusion (la malokaliste) et d’un site web. La page des squatteureuses de Lille, quant à elle, propose notamment un historique des occupations lilloises ainsi qu’un guide du squat.
Bien-sûr, internet est aussi un outil de communication entre squats. Squat !net et d’autres serveurs alternatifs hébergent des dizaines de listes de discussion et de diffusion permettant la coordination de groupes et l’échange d’infos. En France, où le réseau squat est bien moins développé et organisé que dans d’autres pays européens, des initiatives de connexion intersquat voient le jour, et sont concrétisées en partie grâce à internet. C’est le cas de l’intersquat francophone, qui fédère des squats de toute la France, de Suisse et d’ailleurs, autour d’un espace de débat, de communication et de solidarité utilisant internet comme instrument de liaison.
Problèmes
Unanimité ?Dans le développement d’internet, les squatteureuses ne sont donc pas en reste, loin de là. Bien que soumise à un certain nombre de contraintes, l’utilisation d’internet s’est imposée à nombre de contestataires, et les efforts semblent plus tournés vers sa "démocratisation" que vers son rejet. De puissants outils de communication existent d’ores et déjà, qu’il convient d’utiliser. La société a beau complexifier ses instruments, elle n’a pas encore su damer le pion aux révolutionnaires...
Cependant, l’usage d’internet et des nouvelles technologies ne va pas de soi pour tou-tes les squatteureuses. Si certain-e-s y voient des perspectives intéressantes, cherchant à renverser des préjugés et à reconsidérer le rapport à l’ordinateur (la technologie au service de la collectivité, l’informatique comme vecteur de création, support d’une expression personnelle singulière, nouveau terrain d’action et outil d’une subversion moderne), d’autres tendent à envisager son utilisation comme purement contextuelle, et posent la question de la comptabilité entre informatique et "société libérée" (l’industrie moderne comme condition nécessaire à la production d’ordinateurs, fonction sociale de l’informatique, mais aussi nécessité d’autonomie face au pouvoir et à ses outils, etc.).
NoteLe terme "squatteur" a ici été remplacé par "squatteureuse", contraction de "squatteur" et "squatteuse", dans le soucis de visibiliser la présence des femmes dans les squats. Cela me semble d’autant plus important que l’informatique est "traditionnellement" associée aux hommes. Si cela reste malheureusement souvent une réalité (au sein même des squats, les hommes ont plus tendance que les femmes à maîtriser l’outil informatique), ce n’est pour autant pas du tout systématique. Le collectif hollandais "genderchangers", par exemple, est uniquement constitué de femmes, qui montrent que l’informatique n’est pas et ne doit pas être l’apanage de mecs, en mettant en relation féminisme et informatique alternative, dans le cadre d’ateliers de formation et d’échange non-mixtes. A noter également, l’existence d’un groupe non-mixte femmes au sein de LOTEC, autre espace d’informatique libre installé dans un ex-squat berlinois.
Liens
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