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Des communautés d'hier ... 

aux écovillages d'aujourd'hui
Etats-Unis, Europe 1965 - 2015

Laboratoires d'Architectures Ecotopiques

 

Thèse de Doctorat en architecture

Laboratoire Inama , ENSA/Marseille Vendredi 03 juillet 2020
www.marseille.archi.fr/actus/soutenance-de-these-de-sylvia-amar/ 

Titre de la thèse:  «Laboratoires d’architectures écotopiques, des communautés d’hier aux écovillages d’aujourd’hui, (États-Unis, Europe 1965-2015) »
Sylvia Amar est actuellement Responsable de la Production Culturelle du Mucem (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille) et Chercheuse associée au Laboratoire INAMA / ENSA Marseille

 

La thèse comprend 2 volumes (plus de 400 pages)  .. (PDF à demander à l'auteure ou à HA)
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PLAN GENERAL DE LA RECHERCHE

RÉSUMÉ/ABSTRACT

INTRODUCTION GÉNÉRALE
Des communautés d’hier aux écovillages d’aujourd’hui

PREMIERE PARTIE : PROBLÉMATIQUE ET MÉTHOLOGIE (p.21)
Introduction : Retracer l’histoire des communautés des années 1960 à l’écovillage
des années 2000

CHAPITRE 1 : ACQUIS HISTORIOGRAPHIQUES ET POSITIONNEMENT DE LA RECHERCHE

A - ETAT DES SAVOIRS, ÉTAT DE L’ART (p.27)
1 - Communautés et contre-culture
2 - Sur le « laboratoire » d’architecture
3 - Une histoire absente de la chronologie officielle de l’architecture
4 - Des points de connexion existent avec la « grande histoire » de l’architecture
5 - Construire Simple, cheap, safe ! Echelles villageoises et architecture vernaculaire
6 - Des lieux d’utopie et de contre-culture, innovants et connectés
7 - Les utopies sociopolitiques, un glissement majeur de l’u-topos au topos, du rêve éveillé au projet de société réalisable
8 - L’écologie au coeur des préoccupations
9 - Deep ecology et éthique de la terre
10 - Les lacunes repérées

B - DÉFINITIONS PRÉALABLES (p.61)

C - MÉTHODOLOGIE AU POINT DE RENCONTRE D’UNE HISTOIRE CROISÉE - UTOPIE - ÉCOLOGIE (p.65)
1 - Une approche pluridisciplinaire
2 - Une séquence, deux sous-séquences et un double périmètre géographique
3 - Un échantillon représentatif d’une tendance minoritaire
4 - Références bibliographiques structurantes pour un plan en deux parties

CHAPITRE 2 : DES COMMUNAUTES AUX ECOVILLAGES UN NOUVEAU REGARD

HISTORIOGRAPHIQUE (p.103)

A. A LA CROISÉE DES UTOPIES ET DE L’ÉCOLOGIE OU UNE HISTOIRE QUI RÉUNIT UTOPIE
ET ÉCOLOGIE, UNE HISTOIRE MANQUANTE ET UNE ACTUALITÉ MÉCONNUE

1 - Un mouvement très ancien associé à des utopies architecturales (XVIe-1850)
2 - Genèse : de More à Fourier, et aux communautés religieuses qui ouvrent la voie
3 - Les premières communautés libertaires aux Etats-Unis (1800-1860) : convergence des utopies sociales et naturalistes
4 - Les deuxième (1856-1914) et troisième vague libertaires (1925-1960)
5 – Figures, institutions et prémices des laboratoires d’écotopies architecturales
6 - Le rêve intemporel de la maison individuelle, un point commun avec le mainstream

B. LES COMMUNAUTÉS DES ANNÉES 196090 : DES ESPACES DE COMBAT POLITIQUE (p.146)
1. Entre suprématie américaine, désenchantement et avancées écologiques
2 - Défiance envers les communautés et activation des laboratoires de la praxis
3 - L’histoire croisée se complexifie, produit un hybride : le techno-vernaculaire
4 - Prefab house - maison autonome, soeurs ennemies ?
5 - De la maison autonome à la maison écologique
6 - Les années 1980-90 : des années de transition

C. ECOVILLAGES OU UTOPIES CONCRÈTES À L’OEUVRE (p.196)
1 - Utopie-écologie : d’une histoire croisée à une histoire fusionnée
2 - Histoire de la fondation des écovillages
a - Utopie-écologie : croisement ou fusion ? Les années de gestation du GEN 1987-1995
b - Quel rôle pour l’architecture ? Un mode d’expression uniformisant qui accompagne les années de formation du GEN (1995-2001)
c - Quel type de mission via l’architecture ? Education, écologie, modélisation : un soutien aux années de transition du GEN (2001-2015)
d - 2001-2015, et au-delà : années de consolidation du GEN dans un contexte mondial vacillant
3 - De la communauté à l’écovillage, début de synthèse comparative.
Synthèse de la première partie

DEUXIEME PARTIE : LA COMMUNAUTE, LIEU D’EXPERIMENTATION
Introduction : Terrains et analyse comparative (p. 235)

CHAPITRE 1 : LE LABORATOIRE SOCIOSPATIAL ET SA PORTEE ECOLOGIQUE
- THÉMATIQUE 1 (p. 237)

A. UTOPIES POLITIQUES ET SOCIALES 19651995 : DES ARCHITECTURES SIGNAL
POUR LA MISE EN FORME ET EN ESPACE DU PROJET SOCIAL

1 - Marquer le territoire et l’espace communautaire
2 - Mobilité : la voiture, un impossible abandon
3 - Stratégies d’accès, seuils : des communautés cachées-révélées-signalées
4 - Bâtiments et formes d’aménagements.
a - Lama Foundation, l’essence du projet communautaire en un bâtiment
b - Arcosanti, convoquer l’architecture savante — arches, absides, cyprès
c - Earthship, donner forme au recyclage et à l’autonomie
d - La Cité écologique Ham Nord, polyvalence des espaces et esthétisation du retour à la terre.
5 - De l'hétérogénéité locale vers l'uniformisation mondiale

B. UTOPIES CONCRÈTES ET ÉCOLOGIQUES 1995 - 2019 :
LE VILLAGE COMME SCHÉMA DIRECTEUR (p. 281)

1 - Intégrer l’espace communautaire au territoire
2 - Mobilité : la voiture, mutualisée, mais toujours là
3 - Stratégies d’accès des écovillages
4 - Bâtiments et formes d’aménagements
a - Torri Superiore et Halligelille, permanence plus ou moins forte des signaux architecturaux
b - The Ecological City et le Hameau des Buis, mêmes fondements, différentes réalisations
5 - Des formes toujours hétérogènes, mais plus uniformisées

C. ECONOMIES FAIBLES, ÉCHELLES ET RÉSEAUX (p. 303)
1 - Des économies nécessairement (douces ou) faibles
a - Des activités économiques adaptées à des échelles réduites
b - Gouvernance, simplicité volontaire et décroissance
2 - Du village local au réseau mondial
a - Comment se manifestent ces réseaux ?
b - Y-a-t-il une corrélation entre l’émergence d’internet et l’avènement des écovillages ?
c - Systémique et/ou écologique ?

CHAPITRE 2 : LES METHODOLOGIES DE MISE EN OEUVRE ET LEUR PORTEE EDUCATIVE
1965 - 2019 THÉMATIQUE 2

A. LA PLACE ET LE RÔLE DE L’ARCHITECTE (p. 345)
1 - 1965-1995 : présence forte d’architectes, ingénieurs, artistes
2 - 1995-2015 : architectes effacés (oubliés ?) ou absents
3 - 1965-2015 : des signaux forts aux signaux faibles

B. LE WORKSHOP, OUTIL DE LA CONSTRUCTION COMMUNAUTAIRE p. 367
1 - En quoi le workshop est-il un outil de la construction communautaire ?
2 - Le workshop permet aux communautés de produire. Mais inventer ?
3 - La communauté à l’aune du laboratoire d’architecture (tableau et analyse comparative)
Synthèse de la deuxième partie p. 397

CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE (p. 415)

ANNEXES VOLUME II
Première partie : monographies des terrains étudiés
Deuxième partie : outils méthodologiques

ILLUSTRATIONS
©SA (photographies de l'auteur)
©DR (droits réservés)
Sources (mention des collectes sur site internet, captures d'écran, ou bibliographie)
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Résumé par Sylvia Amar* - Janvier 2022
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Depuis le XVIIe siècle, les initiatives communautaires déploient leur quête utopique d’un monde meilleur, intégrant dans ce projet une dimension écologique et éducative fondamentale. Une historiographie croisée de l’évolution des utopies architecturales et de l’émergence de la pensée écologique permet de tracer une continuité de ces préoccupations qui sont toujours plus présentes, dans les communautés des années 1960-1970 comme dans les écovillages d’aujourd’hui. Une analyse comparative d’un échantillon de huit terrains, situés aux Etats-Unis et en Europe, complète l’établissement de cette filiation.


Ces deux approches mettent en évidence qu’au-delà des intentions, des modes opératoires, et des préoccupations anciennes pour l’écologie, certaines initiatives communautaires ont en commun de s’appuyer sur l’architecture en tant que médium d’expression et de mise en forme leur projet socio-spatial. Sur l’ensemble de la période historique étudiée (1965-2015), cette dynamique permet de les qualifier de laboratoires d’architectures écotopiques, mettant en évidence un intérêt pour l’innovation, les savoir-faire anciens et le work in progress, ainsi qu’un glissement du rôle de l’architecte.

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Les communautés et écovillages peuvent-ils - même à leur très petite échelle décentrée et rurale - contribuer à définir des modèles de société permettant de mieux «habiter la Terre»?

La recherche propose d’explorer cette problématique à travers deux hypothèses. D’une part, les productions architecturales des communautés et des écovillages relèveraient d’une préhension de l'espace combinant étroitement idéologie et territoire d'implantation, créant ainsi un courant alternatif, guidé par une volonté de construire de façon écologique.

D’autre part, cet héritage architectural serait pris en tension entre rupture et tradition, et s’incarnerait dans des réalisations hybrides. Le concept de laboratoire d'architecture est avancé à la fois comme une grille de lecture théorique capable d'unifier ces expériences hétérogènes, et comme un dispositif méthodologique à même d'activer le potentiel d'une utopie réalisable, vers sa réalisation effective et perfectible.

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Pourquoi et comment en arriver à s’intéresser aux architectures des communautés et écovillages ?

Tout est parti d’un intérêt pour le contenu esthétique et idéologique de différents types de pratiques alternatives (Monte Verita, Bauhaus, Black Mountain College). Cela m’a conduit vers ces lieux, plutôt marginaux, que sont ces communautés intentionnelles. Je m’intéressais essentiellement aux formes architecturales qu’elles produisent pour exprimer leur projet et à force de les explorer elles me sont apparues comme des « laboratoires socio-spatiaux » où s’élaborent et s’expérimentent depuis plusieurs siècles, dans la réussite comme dans l’échec, des scénarios incertains, inspirés, fragiles, mais des scénarios tangibles très fortement ancrés dans le réel.

Tous ces projets communautaires ont en commun une forte connotation idéologique. Très tôt, du XVIIe au XIXe siècles, ils sont animés d’une quête holistique structurée autour d’un désir de reconnexion avec le monde naturel. Cette quête est motivée par une inquiétude croissante face aux éloignements de mode de vie simples, une inquiétude combinée à la montée progressive des modes de vie urbains.
Leur dynamique intrinsèque les situe au croisement de différents mondes : ce sont des hybrides, pétris d’influences, de contradictions, ils cherchent un chemin entre le Rêve éveillé d’Ernst Bloch, et la Responsabilité vis-à-vis des générations futures d’Hans Jonas.

En tant que microsociété en recherche d’une alternative, leur collectif est animé d’une force créative. C’est ainsi, me semble-t-il, qu’avec des méthodologies éducatives récurrentes, telle la pratique protéiforme du workshop, qu’une communauté devient un lieu propice à l’expérimentation architecturale, expérimentation entendue ici comme la mise en place d’un langage permettant de faire se rejoindre fond et forme du projet communautaire.

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1965 – 2015 ?

Où ce regard dans le rétroviseur de l’histoire nous projette-t-il ?

A l’orée des années 1970, période qui voit justement se produire le « back to the land movement » aux Etats-Unis. C’est l’une des vagues communautaires les plus importantes dans l’histoire de ce mouvement ancien.
Le territoire américain apparaît vite comme le plus inspirant pour les 30 premières années cette séquence historique. Puis en retour, conformément à la logique des transferts culturels entre l’Europe et les Etats-Unis, le fil des investigations conduit à constater que l’Europe reprend la main dès le début des années 1990 avec la création du concept d’écovillage. Celui-ci s’étend à l’échelle mondiale au début des années 2000, faisant apparaître une sous-séquence, soit 1995-2015. La fin des années 1990 (1995-2000) devient un point d’articulation inédit. Se dessine alors une probable continuité entre communautés et écovillages loin d’être identifiée comme telle dans les sources retraçant l’histoire contemporaine du mouvement communautaire mondial.

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Les communautés et écovillages peuvent-ils contribuer — même à leur très petite échelle décentrée et rurale — à définir des modèles de société permettant de mieux « habiter la Terre » ?

C’est la question centrale de ce travail de recherche.
Pour aborder ce questionnement, deux voies se sont présentées. Tout d’abord, les productions architecturales des communautés et des écovillages relèveraient d’un même courant alternatif, guidé par une volonté de construire de façon écologique.
Puis, cet héritage architectural serait pris en tension entre rupture et tradition, et s’incarnerait dans des réalisations hybrides, qualifiables de « techno-vernaculaires ».

Les huit terrains explorés font chacun l’objet d’une monographie. Ils sont tous différents, mais ensemble, ils représentent tendance minoritaire qui cherche à faire fusionner projet social et projet spatial. L’hétérogénéité (temporelle, formelle, organisationnelle, géographique) qui règne entre eux a l’avantage de mettre en évidence la diversité du monde communautaire et permet de constater une absence de volonté à « s’auto-modéliser » au profit d’une tendance inavouée à « faire exemple ».

Rapprocher ces communautés par une analyse comparative fait également surgir un socle commun composé de trois éléments fondamentaux:
- des productions architecturales expérimentales qui posent l’habiter en terme d’engagement écologique et éducatif (matériaux naturels, méthodes de construction, recyclage, rapport à l’autonomie énergétique et alimentaire).
- des priorités sociales et économiques (éducation, écologie, simplicité volontaire/décroissance),
- des méthodes partagées (une figure créateur ou un collectif d’habitants/fondateurs selon les époques, des workshops).

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Voilà pour l’ancrage dans le monde réel. Que nous dit la théorie ?

Faire l’exercice d’une historiographie croisée utopie-écologie a permis de montrer les points de convergence entre les deux dernières vagues communautaires. Ce croisement mute lui-aussi dès lors que les écovillages émergent conduisant vers une véritable histoire fusionnée utopie-écologie. Ce glissement constaté entre la vague des années 1960 et celle des années 1990 amène à reprendre la terminologie de Callenbach (Ecotopia, 1975) pour qualifier d’écotopiques les productions de ces laboratoires communautaires.
Cette grille de lecture constitue l’un des apports de cette étude, approfondie actuellement par un travail postdoctoral.

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Quel était l’objectif initial ?

Etablir une relation avec les terrains sélectionnés pour vérifier trois points : 1. une éventuelle continuité historique, 2. l’existence d’un courant architectural alternatif, 3. une configuration de laboratoire d’architecture.
Pour cela, il fallait définir un socle et des caractéristiques communes entre des expériences communautaires hétérogènes.

D’un point de vue tangible, le mode de vie communautaire apparaît comme particulièrement résilient (construction, modes de vie, circuits courts, etc ….), mais son incapacité à se déconnecter des réseaux d’énergie traditionnels et à atteindre une autonomie alimentaire nuance ce bilan. Ainsi, les ressources, même basées sur des « économies faibles », restent assujetties aux relations avec l’extérieur, et cela nuance le « mieux écologique » de leur quotidien.

D’un point de vue idéologique, il est indéniable que la phase de construction produit de l’« espace qualitatif et partagé » (liens humains, outils et choix éducatifs : workshops, learning by doing… mécanismes d’empowerment). Cependant, la phase de fonctionnement qui s’en suit montre que chaque communauté reste le produit de sa propre histoire.

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Qu’en est-il de la continuité d’un courant alternatif guidé par une volonté de construire de façon écologique ?

Cette volonté apparaît bien comme structurelle du mouvement.
Sur la globalité de la période étudiée (1965-2015), deux points le démontrent. D’une part, la récurrence de motivations et de champs référentiels qui relèvent des mêmes familles de pensée (les utopies sociales, les courants naturalistes, les contre-cultures, les luttes environnementales et émancipatrices). D’autre part, il faut reconnaître la similarité des méthodes employées (workshop, place de l’architecte) quel que soit le projet, le lieu ou les contextes historiques et géographiques.

On découvre ainsi une dimension alternative qui ouvre sur un nouveau constat à double entrée : l’échelle et le schéma de hameau villageois restent des constantes des modalités d’implantation (avec des variantes typologiques et des adaptations aux topographies locales) ; le langage architectural évolue de façon significative, entre les deux sous-périodes, avec un glissement d’une architecture signal vers des habitats de facture plus traditionnelle (même si les motivations profondes et les modes opératoires communautaires restent stables)

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Qu’en est-il de la tension inhérente à un héritage qui s’incarnerait dans des réalisations hybrides ?

Cette question amène à toucher un paradoxe profond du monde communautaire qui s’explique à la fois dans une perspective historique et terme de dynamique.

Depuis le XVIIIe siècle, les communautés sont ouvertes à l’idée de progrès. Cependant leurs pratiques « faibles » renvoient à des économies traditionnelles, des savoir-faire et des formes anciens. De ce tiraillement surgissent parfois des inventions formelles.

Les années 60-70 en témoignent : adaptations du dôme de B.Fuller, l’invention du zome par Baer, mise au point par Reynolds de la préfiguration de son Earsthship. La tension inhérente à cet héritage relève ainsi d’une construction historique prise entre rupture et invention, conformisme et transgression.

Aujourd’hui, on trouve des réinterprétations écologiques de ces mêmes formes. Dans l’écovillage Hallingelille (DK) des zomes aux toits végétalisés cohabitent avec des maisons de facture moderne ou traditionnelle, dont la conception et le fonctionnement sont pourtant très actuels.

D’un point de vue dynamique, les références locales - voire vernaculaires, comme à Torri Superiore (Italie) ou au Hameau des buis (France) - pourraient être interprétées comme un retour en arrière, une nostalgie pour une vie villageoise d’avant.

Pourtant deux écoles de pensée contemporaines - qui différent par leur histoire mais convergent par leurs motivations et finalités : le bioregionalism américain (né dans les années 1950 aux Etats-Unis) et le Territorialisme européen (constitué en mouvement au début des années 2000 à l’initiative d’Alberto Magnaghi). Ces deux courants militent pour le retour à une logique de vie nécessairement à l’écoute de la nature profonde des lieux, avant d’y projeter toute forme d’activité humaine. Cet « appel à comportement » n’est pas que théorique, il est positionné comme une condition pour faire face aux enjeux écologiques et économiques actuels. Et il n’est pas non plus totalement nouveau dans la mesure où il renvoie historiquement au concept précurseur de Place Work Folk de Patrick Geddes.

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Pour finir, il faut souligner que les communautés sont à même de produire un « espace écologique », pratique et idéologique. Cet espace reste cependant un dispositif expérimental, difficilement modélisable qui tire sa dynamique de l’expérience.

En effet, les communautés et écovillages expérimentent des modes de constructions écologiques divers et inventifs, avec des approches spatiales simples se référant très directement à des échelles et schémas directeurs villageois. Ce sont des contextes uniques où l’hybride se développe, créant un style « techno-vernaculaire ».

Ce constat démontre clairement qu’architecture vernaculaire et architecture savante ne sont pas condamnées à ne jamais se rencontrer, ni même à être en opposition. Les communautés intentionnelles, comme les écovillages contemporains, seraient à même de générer des espaces propices pour que les thèses « techno » de Buckminster Fuller et « vernaculaires »de Rudofsky se rejoignent, en empruntant le pont tendu par Schumacher avec ses « Appropriate Technologies ».

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Une dernière question s’impose.
Alors que les communautés et écovillages expérimentent une relation au territoire durable, qualifiable de « bioregionale ou de territorialiste », pourquoi ne sont-ils pas identifiés comme des espaces d’expérimentation « spontanés », par les nouvelles initiatives d’architectes qui partagent en grande partie les mêmes préoccupations, comme celles du mouvement pour une « Frugalité heureuse » en architecture ?


Une cloison étanche semble encore séparer ces deux mondes, alors que tous deux gagneraient me semble-t-il à se rencontrer. Il semble cependant qu’avoir des objectifs et des règles en commun pourrait favoriser une reconnaissance mutuelle, voire des échanges à travers leurs expériences.

Aujourd’hui, marqué par une crise sanitaire inattendue, le contexte d’urgence écologique a encore évolué nécessitant d’admettre que l’idée de construire écologique n’est plus un « gadget pour bobo » mais une nécessité fondamentale pour toute démarche impliquant le champ de l’architecture.

Le concept de Natural Design, décrit par l’architecte Sim van der Ryn dès 1975 engage à imaginer que professionnels de l’architecture et initiatives écovillageoises pourraient bien se rejoindre (enfin !) autour de cette nouvelle donne. L’étude en cours et fera l’objet de prochaines publications.

Sylvia Amar* - Janvier 2022

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English Summary

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Titel :
“Laboratories of ecotopic architectures, from yesterday’s communities to today’s ecovillages, (United States, Europe 1965-2015)”

Summary :
Since the seventeenth century, communitarian initiatives have been deploying their utopian quest for a better world, integrating a fundamental ecological and educational dimension into this project. A cross-historiography of architectural utopias evolution and the emergence of environmental thinking makes possible to trace a continuity of these concerns which are increasingly present, in the communities of the 1960s and 1970s as well as in today’s ecovillages. A comparative analysis of a sample of eight sites, located in the United States and Europe, completes the establishment of this filiation.

These two approaches show that beyond the intentions, operating methods, and ancient concerns for ecology, certain communitarian initiatives have in common to rely on architecture as a medium for expressing and shaping their socio-spatial project. Over the entire historical period studied (1965-2015), this dynamic allows us to qualify them as laboratories of ecotopic architectures, highlighting an interest in innovation, ancient know-how and work in progress, as well as a shift in the role of the architect.

Could communities and ecovillages — even on their very small, decentralized and rural scale — contribute to defining models of society that allow for a better “living the Earth”? The research proposes to explore this issue through two hypotheses. On the one hand, the architectural productions of communities and ecovillages would be based on a spatial approach that closely combines ideology and territory, creating an alternative trend, guided by a desire to build in an ecological way. On the other hand, this architectural heritage would be caught in a tension between rupture and tradition, and would be embodied in hybrid achievements. The concept of laboratory of architecture is put forward both as a theoretical reading-grid unifying these heterogeneous experiences, and as a methodological device activating the potential of a realizable utopia, towards its effective and perfectible realization

 

Sylvia Amar* - January 2022

 

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