18-12-2023
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Des communautés d'hier ...
aux écovillages d'aujourd'hui
Etats-Unis, Europe 1965 - 2015
Laboratoires d'Architectures Ecotopiques
Thèse de Doctorat en architecture
Laboratoire Inama , ENSA/Marseille Vendredi 03 juillet
2020
www.marseille.archi.fr/actus/soutenance-de-these-de-sylvia-amar/
Titre de la thèse: «Laboratoires d’architectures écotopiques, des communautés d’hier aux écovillages d’aujourd’hui,
(États-Unis, Europe 1965-2015) »
Sylvia Amar est actuellement Responsable de la Production Culturelle du
Mucem (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à
Marseille) et Chercheuse associée au Laboratoire INAMA / ENSA Marseille
La thèse comprend 2 volumes (plus de 400 pages)
.. (PDF à demander à l'auteure ou à HA)
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PLAN GENERAL DE LA RECHERCHE
RÉSUMÉ/ABSTRACT
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Des communautés d’hier aux écovillages d’aujourd’hui
PREMIERE PARTIE : PROBLÉMATIQUE ET MÉTHOLOGIE (p.21)
Introduction : Retracer l’histoire des communautés des années 1960 à l’écovillage
des années 2000
CHAPITRE 1 : ACQUIS HISTORIOGRAPHIQUES ET POSITIONNEMENT DE LA RECHERCHE
A - ETAT DES SAVOIRS, ÉTAT DE L’ART (p.27)
1 - Communautés et contre-culture
2 - Sur le « laboratoire » d’architecture
3 - Une histoire absente de la chronologie officielle de l’architecture
4 - Des points de connexion existent avec la « grande histoire » de
l’architecture
5 - Construire Simple, cheap, safe ! Echelles villageoises et
architecture vernaculaire
6 - Des lieux d’utopie et de contre-culture, innovants et connectés
7 - Les utopies sociopolitiques, un glissement majeur de l’u-topos au
topos, du rêve éveillé au projet de société réalisable
8 - L’écologie au coeur des préoccupations
9 - Deep ecology et éthique de la terre
10 - Les lacunes repérées
B - DÉFINITIONS PRÉALABLES (p.61)
C - MÉTHODOLOGIE AU POINT DE RENCONTRE D’UNE HISTOIRE CROISÉE - UTOPIE -
ÉCOLOGIE (p.65)
1 - Une approche pluridisciplinaire
2 - Une séquence, deux sous-séquences et un double périmètre
géographique
3 - Un échantillon représentatif d’une tendance minoritaire
4 - Références bibliographiques structurantes pour un plan en deux
parties
CHAPITRE 2 : DES COMMUNAUTES AUX ECOVILLAGES UN NOUVEAU REGARD
HISTORIOGRAPHIQUE (p.103)
A. A LA CROISÉE DES UTOPIES ET DE L’ÉCOLOGIE OU UNE HISTOIRE QUI RÉUNIT
UTOPIE
ET ÉCOLOGIE, UNE HISTOIRE MANQUANTE ET UNE ACTUALITÉ MÉCONNUE
1 - Un mouvement très ancien associé à des utopies architecturales
(XVIe-1850)
2 - Genèse : de More à Fourier, et aux communautés religieuses qui
ouvrent la voie
3 - Les premières communautés libertaires aux Etats-Unis (1800-1860) :
convergence des utopies sociales et naturalistes
4 - Les deuxième (1856-1914) et troisième vague libertaires (1925-1960)
5 – Figures, institutions et prémices des laboratoires d’écotopies
architecturales
6 - Le rêve intemporel de la maison individuelle, un point commun avec
le mainstream
B. LES COMMUNAUTÉS DES ANNÉES 196090 : DES ESPACES DE COMBAT POLITIQUE
(p.146)
1. Entre suprématie américaine, désenchantement et avancées écologiques
2 - Défiance envers les communautés et activation des laboratoires de la
praxis
3 - L’histoire croisée se complexifie, produit un hybride : le
techno-vernaculaire
4 - Prefab house - maison autonome, soeurs ennemies ?
5 - De la maison autonome à la maison écologique
6 - Les années 1980-90 : des années de transition
C. ECOVILLAGES OU UTOPIES CONCRÈTES À L’OEUVRE (p.196)
1 - Utopie-écologie : d’une histoire croisée à une histoire fusionnée
2 - Histoire de la fondation des écovillages
a - Utopie-écologie : croisement ou fusion ? Les années de gestation du
GEN 1987-1995
b - Quel rôle pour l’architecture ? Un mode d’expression uniformisant
qui accompagne les années de formation du GEN (1995-2001)
c - Quel type de mission via l’architecture ? Education, écologie,
modélisation : un soutien aux années de transition du GEN (2001-2015)
d - 2001-2015, et au-delà : années de consolidation du GEN dans un
contexte mondial vacillant
3 - De la communauté à l’écovillage, début de synthèse comparative.
Synthèse de la première partie
DEUXIEME PARTIE : LA COMMUNAUTE, LIEU D’EXPERIMENTATION
Introduction : Terrains et analyse comparative (p. 235)
CHAPITRE 1 : LE LABORATOIRE SOCIOSPATIAL ET SA PORTEE ECOLOGIQUE
- THÉMATIQUE 1 (p. 237)
A. UTOPIES POLITIQUES ET SOCIALES 19651995 : DES ARCHITECTURES SIGNAL
POUR LA MISE EN FORME ET EN ESPACE DU PROJET SOCIAL
1 - Marquer le territoire et l’espace communautaire
2 - Mobilité : la voiture, un impossible abandon
3 - Stratégies d’accès, seuils : des communautés
cachées-révélées-signalées
4 - Bâtiments et formes d’aménagements.
a - Lama Foundation, l’essence du projet communautaire en un bâtiment
b - Arcosanti, convoquer l’architecture savante — arches, absides,
cyprès
c - Earthship, donner forme au recyclage et à l’autonomie
d - La Cité écologique Ham Nord, polyvalence des espaces et
esthétisation du retour à la terre.
5 - De l'hétérogénéité locale vers l'uniformisation mondiale
B. UTOPIES CONCRÈTES ET ÉCOLOGIQUES 1995 - 2019 :
LE VILLAGE COMME SCHÉMA DIRECTEUR (p. 281)
1 - Intégrer l’espace communautaire au territoire
2 - Mobilité : la voiture, mutualisée, mais toujours là
3 - Stratégies d’accès des écovillages
4 - Bâtiments et formes d’aménagements
a - Torri Superiore et Halligelille, permanence plus ou moins forte des
signaux architecturaux
b - The Ecological City et le Hameau des Buis, mêmes fondements,
différentes réalisations
5 - Des formes toujours hétérogènes, mais plus uniformisées
C. ECONOMIES FAIBLES, ÉCHELLES ET RÉSEAUX (p. 303)
1 - Des économies nécessairement (douces ou) faibles
a - Des activités économiques adaptées à des échelles réduites
b - Gouvernance, simplicité volontaire et décroissance
2 - Du village local au réseau mondial
a - Comment se manifestent ces réseaux ?
b - Y-a-t-il une corrélation entre l’émergence d’internet et l’avènement
des écovillages ?
c - Systémique et/ou écologique ?
CHAPITRE 2 : LES METHODOLOGIES DE MISE EN OEUVRE ET LEUR PORTEE
EDUCATIVE
1965 - 2019 THÉMATIQUE 2
A. LA PLACE ET LE RÔLE DE L’ARCHITECTE (p. 345)
1 - 1965-1995 : présence forte d’architectes, ingénieurs, artistes
2 - 1995-2015 : architectes effacés (oubliés ?) ou absents
3 - 1965-2015 : des signaux forts aux signaux faibles
B. LE WORKSHOP, OUTIL DE LA CONSTRUCTION COMMUNAUTAIRE p. 367
1 - En quoi le workshop est-il un outil de la construction communautaire
?
2 - Le workshop permet aux communautés de produire. Mais inventer ?
3 - La communauté à l’aune du laboratoire d’architecture (tableau et
analyse comparative)
Synthèse de la deuxième partie p. 397
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE (p. 415)
ANNEXES VOLUME II
Première partie : monographies des terrains étudiés
Deuxième partie : outils méthodologiques
ILLUSTRATIONS
©SA (photographies de l'auteur)
©DR (droits réservés)
Sources (mention des collectes sur site internet, captures d'écran, ou
bibliographie)
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Résumé par Sylvia Amar* -
Janvier 2022
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Depuis le XVIIe siècle, les
initiatives communautaires déploient leur quête utopique d’un monde
meilleur, intégrant dans ce projet une dimension écologique et éducative
fondamentale. Une historiographie croisée de l’évolution des utopies
architecturales et de l’émergence de la pensée écologique permet de
tracer une continuité de ces préoccupations qui sont toujours plus
présentes, dans les communautés des années 1960-1970 comme dans les
écovillages d’aujourd’hui. Une analyse comparative d’un échantillon de
huit terrains, situés aux Etats-Unis et en Europe, complète
l’établissement de cette filiation.
Ces deux approches mettent en évidence qu’au-delà des intentions, des
modes opératoires, et des préoccupations anciennes pour l’écologie,
certaines initiatives communautaires ont en commun de s’appuyer sur
l’architecture en tant que médium d’expression et de mise en forme leur
projet socio-spatial. Sur l’ensemble de la période historique étudiée
(1965-2015), cette dynamique permet de les qualifier de laboratoires
d’architectures écotopiques, mettant en évidence un intérêt pour
l’innovation, les savoir-faire anciens et le work in progress, ainsi
qu’un glissement du rôle de l’architecte.
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Les communautés et écovillages
peuvent-ils - même à leur très petite échelle décentrée et rurale -
contribuer à définir des modèles de société permettant de mieux «habiter
la Terre»?
La recherche propose d’explorer cette problématique à travers deux
hypothèses. D’une part, les productions architecturales des communautés
et des écovillages relèveraient d’une préhension de l'espace combinant
étroitement idéologie et territoire d'implantation, créant ainsi un
courant alternatif, guidé par une volonté de construire de façon
écologique.
D’autre part, cet héritage architectural serait pris en tension entre
rupture et tradition, et s’incarnerait dans des réalisations hybrides.
Le concept de laboratoire d'architecture est avancé à la fois comme une
grille de lecture théorique capable d'unifier ces expériences
hétérogènes, et comme un dispositif méthodologique à même d'activer le
potentiel d'une utopie réalisable, vers sa réalisation effective et
perfectible.
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Pourquoi et comment en arriver à
s’intéresser aux architectures des communautés et écovillages ?
Tout est parti d’un intérêt pour le contenu esthétique et idéologique de
différents types de pratiques alternatives (Monte Verita, Bauhaus, Black
Mountain College). Cela m’a conduit vers ces lieux, plutôt marginaux,
que sont ces communautés intentionnelles. Je m’intéressais
essentiellement aux formes architecturales qu’elles produisent pour
exprimer leur projet et à force de les explorer elles me sont apparues
comme des « laboratoires socio-spatiaux » où s’élaborent et
s’expérimentent depuis plusieurs siècles, dans la réussite comme dans
l’échec, des scénarios incertains, inspirés, fragiles, mais des
scénarios tangibles très fortement ancrés dans le réel.
Tous ces projets communautaires ont en commun une forte connotation
idéologique. Très tôt, du XVIIe au XIXe siècles, ils sont animés d’une
quête holistique structurée autour d’un désir de reconnexion avec le
monde naturel. Cette quête est motivée par une inquiétude croissante
face aux éloignements de mode de vie simples, une inquiétude combinée à
la montée progressive des modes de vie urbains.
Leur dynamique intrinsèque les situe au croisement de différents mondes
: ce sont des hybrides, pétris d’influences, de contradictions, ils
cherchent un chemin entre le Rêve éveillé d’Ernst Bloch, et la
Responsabilité vis-à-vis des générations futures d’Hans Jonas.
En tant que microsociété en recherche d’une alternative, leur collectif
est animé d’une force créative. C’est ainsi, me semble-t-il, qu’avec des
méthodologies éducatives récurrentes, telle la pratique protéiforme du
workshop, qu’une communauté devient un lieu propice à l’expérimentation
architecturale, expérimentation entendue ici comme la mise en place d’un
langage permettant de faire se rejoindre fond et forme du projet
communautaire.
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1965 – 2015 ?
Où ce regard dans le rétroviseur de
l’histoire nous projette-t-il ?
A l’orée des années 1970, période qui voit justement se produire le «
back to the land movement » aux Etats-Unis. C’est l’une des vagues
communautaires les plus importantes dans l’histoire de ce mouvement
ancien.
Le territoire américain apparaît vite comme le plus inspirant pour les
30 premières années cette séquence historique. Puis en retour,
conformément à la logique des transferts culturels entre l’Europe et les
Etats-Unis, le fil des investigations conduit à constater que l’Europe
reprend la main dès le début des années 1990 avec la création du concept
d’écovillage. Celui-ci s’étend à l’échelle mondiale au début des années
2000, faisant apparaître une sous-séquence, soit 1995-2015. La fin des
années 1990 (1995-2000) devient un point d’articulation inédit. Se
dessine alors une probable continuité entre communautés et écovillages
loin d’être identifiée comme telle dans les sources retraçant l’histoire
contemporaine du mouvement communautaire mondial.
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Les communautés et écovillages
peuvent-ils contribuer — même à leur très petite échelle décentrée et
rurale — à définir des modèles de société permettant de mieux « habiter
la Terre » ?
C’est la question centrale de ce travail de recherche.
Pour aborder ce questionnement, deux voies se sont présentées. Tout
d’abord, les productions architecturales des communautés et des
écovillages relèveraient d’un même courant alternatif, guidé par une
volonté de construire de façon écologique.
Puis, cet héritage architectural serait pris en tension entre rupture et
tradition, et s’incarnerait dans des réalisations hybrides, qualifiables
de « techno-vernaculaires ».
Les huit terrains explorés font chacun l’objet d’une monographie. Ils
sont tous différents, mais ensemble, ils représentent tendance
minoritaire qui cherche à faire fusionner projet social et projet
spatial. L’hétérogénéité (temporelle, formelle, organisationnelle,
géographique) qui règne entre eux a l’avantage de mettre en évidence la
diversité du monde communautaire et permet de constater une absence de
volonté à « s’auto-modéliser » au profit d’une tendance inavouée à «
faire exemple ».
Rapprocher ces communautés par une analyse comparative fait également
surgir un socle commun composé de trois éléments fondamentaux:
- des productions architecturales expérimentales qui posent l’habiter en
terme d’engagement écologique et éducatif (matériaux naturels, méthodes
de construction, recyclage, rapport à l’autonomie énergétique et
alimentaire).
- des priorités sociales et économiques (éducation, écologie, simplicité
volontaire/décroissance),
- des méthodes partagées (une figure créateur ou un collectif
d’habitants/fondateurs selon les époques, des workshops).
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Voilà pour l’ancrage dans le
monde réel. Que nous dit la théorie ?
Faire l’exercice d’une historiographie croisée utopie-écologie a permis
de montrer les points de convergence entre les deux dernières vagues
communautaires. Ce croisement mute lui-aussi dès lors que les
écovillages émergent conduisant vers une véritable histoire fusionnée
utopie-écologie. Ce glissement constaté entre la vague des années 1960
et celle des années 1990 amène à reprendre la terminologie de Callenbach
(Ecotopia, 1975) pour qualifier d’écotopiques les productions de ces
laboratoires communautaires.
Cette grille de lecture constitue l’un des apports de cette étude,
approfondie actuellement par un travail postdoctoral.
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Quel était l’objectif initial ?
Etablir une relation avec les terrains sélectionnés pour vérifier trois
points : 1. une éventuelle continuité historique, 2. l’existence d’un
courant architectural alternatif, 3. une configuration de laboratoire
d’architecture.
Pour cela, il fallait définir un socle et des caractéristiques communes
entre des expériences communautaires hétérogènes.
D’un point de vue tangible, le mode de vie communautaire apparaît comme
particulièrement résilient (construction, modes de vie, circuits courts,
etc ….), mais son incapacité à se déconnecter des réseaux d’énergie
traditionnels et à atteindre une autonomie alimentaire nuance ce bilan.
Ainsi, les ressources, même basées sur des « économies faibles »,
restent assujetties aux relations avec l’extérieur, et cela nuance le «
mieux écologique » de leur quotidien.
D’un point de vue idéologique, il est indéniable que la phase de
construction produit de l’« espace qualitatif et partagé » (liens
humains, outils et choix éducatifs : workshops, learning by doing…
mécanismes d’empowerment). Cependant, la phase de fonctionnement qui
s’en suit montre que chaque communauté reste le produit de sa propre
histoire.
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Qu’en est-il de la continuité
d’un courant alternatif guidé par une volonté de construire de façon
écologique ?
Cette volonté apparaît bien comme structurelle du mouvement.
Sur la globalité de la période étudiée (1965-2015), deux points le
démontrent. D’une part, la récurrence de motivations et de champs
référentiels qui relèvent des mêmes familles de pensée (les utopies
sociales, les courants naturalistes, les contre-cultures, les luttes
environnementales et émancipatrices). D’autre part, il faut reconnaître
la similarité des méthodes employées (workshop, place de l’architecte)
quel que soit le projet, le lieu ou les contextes historiques et
géographiques.
On découvre ainsi une dimension alternative qui ouvre sur un nouveau
constat à double entrée : l’échelle et le schéma de hameau villageois
restent des constantes des modalités d’implantation (avec des variantes
typologiques et des adaptations aux topographies locales) ; le langage
architectural évolue de façon significative, entre les deux
sous-périodes, avec un glissement d’une architecture signal vers des
habitats de facture plus traditionnelle (même si les motivations
profondes et les modes opératoires communautaires restent stables)
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Qu’en est-il de la tension
inhérente à un héritage qui s’incarnerait dans des réalisations hybrides
?
Cette question amène à toucher un paradoxe profond du monde
communautaire qui s’explique à la fois dans une perspective historique
et terme de dynamique.
Depuis le XVIIIe siècle, les communautés sont ouvertes à l’idée de
progrès. Cependant leurs pratiques « faibles » renvoient à des économies
traditionnelles, des savoir-faire et des formes anciens. De ce
tiraillement surgissent parfois des inventions formelles.
Les années 60-70 en témoignent : adaptations du dôme de B.Fuller,
l’invention du zome par Baer, mise au point par Reynolds de la
préfiguration de son Earsthship. La tension inhérente à cet héritage
relève ainsi d’une construction historique prise entre rupture et
invention, conformisme et transgression.
Aujourd’hui, on trouve des réinterprétations écologiques de ces mêmes
formes. Dans l’écovillage Hallingelille (DK) des zomes aux toits
végétalisés cohabitent avec des maisons de facture moderne ou
traditionnelle, dont la conception et le fonctionnement sont pourtant
très actuels.
D’un point de vue dynamique, les références locales - voire
vernaculaires, comme à Torri Superiore (Italie) ou au Hameau des buis
(France) - pourraient être interprétées comme un retour en arrière, une
nostalgie pour une vie villageoise d’avant.
Pourtant deux écoles de pensée contemporaines - qui différent par leur
histoire mais convergent par leurs motivations et finalités : le
bioregionalism américain (né dans les années 1950 aux Etats-Unis) et le
Territorialisme européen (constitué en mouvement au début des années
2000 à l’initiative d’Alberto Magnaghi). Ces deux courants militent pour
le retour à une logique de vie nécessairement à l’écoute de la nature
profonde des lieux, avant d’y projeter toute forme d’activité humaine.
Cet « appel à comportement » n’est pas que théorique, il est positionné
comme une condition pour faire face aux enjeux écologiques et
économiques actuels. Et il n’est pas non plus totalement nouveau dans la
mesure où il renvoie historiquement au concept précurseur de Place Work
Folk de Patrick Geddes.
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Pour finir, il faut souligner que
les communautés sont à même de produire un « espace écologique »,
pratique et idéologique. Cet espace reste cependant un dispositif
expérimental, difficilement modélisable qui tire sa dynamique de
l’expérience.
En effet, les communautés et écovillages expérimentent des modes de
constructions écologiques divers et inventifs, avec des approches
spatiales simples se référant très directement à des échelles et schémas
directeurs villageois. Ce sont des contextes uniques où l’hybride se
développe, créant un style « techno-vernaculaire ».
Ce constat démontre clairement qu’architecture vernaculaire et
architecture savante ne sont pas condamnées à ne jamais se rencontrer,
ni même à être en opposition. Les communautés intentionnelles, comme les
écovillages contemporains, seraient à même de générer des espaces
propices pour que les thèses « techno » de Buckminster Fuller et «
vernaculaires »de Rudofsky se rejoignent, en empruntant le pont tendu
par Schumacher avec ses « Appropriate Technologies ».
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Une dernière question s’impose.
Alors que les communautés et écovillages expérimentent une relation au
territoire durable, qualifiable de « bioregionale ou de territorialiste
», pourquoi ne sont-ils pas identifiés comme des espaces
d’expérimentation « spontanés », par les nouvelles initiatives
d’architectes qui partagent en grande partie les mêmes préoccupations,
comme celles du mouvement pour une « Frugalité heureuse » en
architecture ?
Une cloison étanche semble encore séparer ces deux mondes, alors que
tous deux gagneraient me semble-t-il à se rencontrer. Il semble
cependant qu’avoir des objectifs et des règles en commun pourrait
favoriser une reconnaissance mutuelle, voire des échanges à travers
leurs expériences.
Aujourd’hui, marqué par une crise sanitaire inattendue, le contexte
d’urgence écologique a encore évolué nécessitant d’admettre que l’idée
de construire écologique n’est plus un « gadget pour bobo » mais une
nécessité fondamentale pour toute démarche impliquant le champ de
l’architecture.
Le concept de Natural Design, décrit par l’architecte Sim van der Ryn
dès 1975 engage à imaginer que professionnels de l’architecture et
initiatives écovillageoises pourraient bien se rejoindre (enfin !)
autour de cette nouvelle donne. L’étude en cours et fera l’objet de
prochaines publications.
Sylvia Amar* - Janvier 2022
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English Summary
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Titel : “Laboratories of
ecotopic architectures, from yesterday’s communities to today’s
ecovillages, (United States, Europe 1965-2015)”
Summary
:
Since the seventeenth century, communitarian initiatives have been
deploying their utopian quest for a better world, integrating a
fundamental ecological and educational dimension into this project. A
cross-historiography of architectural utopias evolution and the
emergence of environmental thinking makes possible to trace a continuity
of these concerns which are increasingly present, in the communities of
the 1960s and 1970s as well as in today’s ecovillages. A comparative
analysis of a sample of eight sites, located in the United States and
Europe, completes the establishment of this filiation.
These two approaches show that beyond the intentions, operating methods,
and ancient concerns for ecology, certain communitarian initiatives have
in common to rely on architecture as a medium for expressing and shaping
their socio-spatial project. Over the entire historical period studied
(1965-2015), this dynamic allows us to qualify them as laboratories of
ecotopic architectures, highlighting an interest in innovation, ancient
know-how and work in progress, as well as a shift in the role of the
architect.
Could communities and ecovillages — even on their very small,
decentralized and rural scale — contribute to defining models of society
that allow for a better “living the Earth”? The research proposes to
explore this issue through two hypotheses. On the one hand, the
architectural productions of communities and ecovillages would be based
on a spatial approach that closely combines ideology and territory,
creating an alternative trend, guided by a desire to build in an
ecological way. On the other hand, this architectural heritage would be
caught in a tension between rupture and tradition, and would be embodied
in hybrid achievements. The concept of laboratory of architecture is put
forward both as a theoretical reading-grid unifying these heterogeneous
experiences, and as a methodological device activating the potential of
a realizable utopia, towards its effective and perfectible realization
Sylvia Amar* - January 2022
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