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Le voyage en Utopie
nécessité pour concevoir la ville de demain ?
 

 

Café - Géographique à Aix en Provence - mars 2004

Le voyage en Utopie : nécessité pour concevoir la ville de demain ?

http://www.cafe-geo.net/

extraits:

 

La ville de Millet

La quête de la cité idéale remonte à l’Antiquité, aux écrits de Platon et avant lui aux travaux d’Hippodamos, chargé de reconstruire la ville de Milet en 494 av.JC. A cette occasion, il met en pratique sa conception d’une cité idéale reposant sur un découpage spatial en trois secteurs distincts, regroupant les habitants selon leur classe sociale, prêtres, guerriers, artisans, et plaçant au centre de la ville une agora.

 

L’île des Atlantes

Dans La République2, Platon décrit une société très codifiée, régie avant tout par l’intérêt communautaire et fondée sur une organisation rationnelle de la cité. L’éducation qui vise à réaliser l’harmonie du corps et de l’âme en est un élément essentiel. La cellule familiale est
proscrite au bénéfice de la communauté. Cette société est organisée en trois groupes sociaux auxquels on accède par le mérite personnel :
la classe supérieure formée par les philosophes et les prêtres en charge de l’administration de la cité,
les guerriers responsables de sa défense
et les artisans et agriculteurs qui s’occupent des problèmes économiques.

 

L’île d’Utopia

Le terme « utopie » et l’origine du genre littéraire utopique sont attribués à Thomas More qui publie son livre « Utopia » en 1516. Il s’agit d’un récit de voyage, au cours duquel l’île d’Utopia est découverte par un navigateur, compagnon de route d’Amerigo Vespucci. Cette île est maillée par un réseau de cinquante-quatre villes construites sur le même modèle urbain, avec les mêmes édifices et le même système politique de type suffrage indirect : les six mille familles vivant dans chacune des cités élisent des magistrats qui à leur tour nomment un prince ; le système politique est très éloigné de la société féodale de la Renaissance, la destitution possible du prince devant les prémunir de tout despotisme. La stabilité démographique et l’équilibre socio-économique sont garantis par un mécanisme de répartition entre familles ou entre villes en cas de population excédentaire. .../...

 

L’Abbaye de Thélème

Quelques années plus tard, l’abbaye de Thélème du Gargantua de Rabelais (1534), cette abbaye nommée désir, prend le contre-pied systématique des valeurs et contraintes monastiques de la Renaissance. L’architecture de l’abbaye est somptueuse et ouverte sur l’extérieur ; ses résidents sont beaux, heureux et richement vêtus. On est loin de l’ascétisme. Chacun a la possibilité de vivre en couple, riche et libre. « Fais ce que vouldras » proclame l’enseigne de l’abbaye qui manifeste la confiance que Rabelais place en l’éducation et la culture pour assurer l’épanouissement de l’humanité.

Par la suite, les utopistes, soucieux d’installer l’ordre de la raison, ne connaîtront plus cette aspiration à l’épanouissement libre.

 

De l’Utopie à l’Uchronie

Tout au long du 17ième siècle, on ne dénombre pas moins de 30 textes utopiques publiés en France, en Angleterre, en Italie, en Espagne, en grande majorité inspirés par Thomas More. La plupart radicalisent la laïcisation de l’Etat et de l’homme, au nom de la raison humaine, qui permettrait seule d’abolir les passions désordonnées et la contingence de l’histoire.

 

Citons l’exemple de la première utopie fondée sur la science, la « nouvelle atlantide » (1627), de Francis Bacon. C’est une cité utopique (appelée bensalem), où l’homme doit être maître de la nature et de l’univers. La société idéale est dirigée par une élite hiérarchisée de savants aidés de techniciens. Le but est d’appliquer les découvertes scientifiques à la vie sociale et individuelle, et d’explorer le mieux possible la nature pour améliorer le bien-être de l’homme. Bacon inaugure les utopies de science-fiction, où le rêve suscité par les pouvoirs de la science devance la réalité. Ainsi, les habitants de Bensalem peuvent voler comme les oiseaux, naviguer sous l’eau ; ils utilisent l ’énergie hydraulique, étudient les phénomènes météorologiques, pratiquent les greffes d’organes, etc...

C’est au 18ième siècle que l’idée de progrès entre définitivement en utopie. Philosophes, juristes, écrivains ont recours au genre pour suggérer des solutions aux problèmes socio-politiques, pour critiquer de façon radicale la société à laquelle ils présentent une alternative au nom du bonheur des peuples.

 

Avec « le paysan perverti », (1776), de Restif de la Bretonne, il n’y a plus de rupture topographique entre le récit imaginaire et la réalité sociale contemporaine de l’auteur. Il cherche à détourner le paysan français des divertissements de la ville, lieu de perdition et de toutes les perversions, pour garantir son bonheur. Il y développe les plans d’un village communautaire qui inspirera directement les phalanstères qui fleuriront au 19ième siècle. Certains le considèrent comme le fondateur du socialisme utopique.

Avec ces nouvelles approches, l’utopie tend à devenir l’histoire réelle d’une promesse. L’utopie est considérée comme réalisable, devant être réalisée dès maintenant ou de manière différée dans le temps. Il s’agit en fait d’un véritable basculement. On passe de l’utopie, imaginaire onirique, à l’uchronie, un imaginaire destiné à se concrétiser, à plus ou moins long terme.

 

A la fin du 18ième siècle, le début de l’industrialisation constitue un espoir pour mettre fin à la misère et engendrer une prospérité durable, voire définitive. A la fin du 18ième siècle et au 19ième, les utopies s’attachent aux conditions concrètes de leur réalisation, elles cherchent « à transformer le monde », comme y invitait Marx. Leur espoir commun est de résorber le chômage grandissant et de remédier à la misère des villes et des campagnes, notamment celle concentrée dans les usines, la misère croissante du prolétariat. Elles revendiquent en même temps que le partage des biens, la jouissance du bien-être.

Avec Claude Nicolas Ledoux, on dispose d’un exemple concret où l’utopie devient réalité, l’organisation sociale idéale est mise en forme au travers du projet architectural. C’est l’avènement de l’architecture symbolique et visionnaire

 

La Saline Royale d’Arc et Senans
Une des constructions phares à cette époque est celle de la Saline royale d’Arc-et-Senans
de Claude Nicolas Ledoux, érigée en 1774. Elle forme un demi-cercle rigoureux à l’orée de la forêt de Chaux. L’architecte évoque :
« une forme pure comme celle que décrit le soleil dans sa course ». Voir photo.

L’architecture se met au service du premier site industriel intégré préfigurant les cités ouvrières, phalanstères et autres familistères au siècle suivant. Au milieu se trouve la maison du Directeur, centre du pouvoir, et de part et d’autre les locaux de production du sel ; refermant le demi-cercle, les maisons d’habitation collective et magasins divers sont entourés de jardins potagers et d’une enceinte. L’ensemble est conçu pour assurer une productivité maximale en rationalisant le travail et en limitant les déplacements des ouvriers ; l’organisation spatiale devient un instrument de contrôle en permettant une surveillance continue du personnel et en concentrant l’ouvrier sur son travail par une vie en vase clos.

Contemporain et disciple convaincu de Rousseau, l’architecte reprend à son compte l’idée de l’isolement bienfaiteur, loin de la ville tentatrice, et s’appuie sur les idées progressistes du Siècle des Lumières, visant par une nouvelle organisation du travail et du système productif à modeler le comportement social : « le caractère des monuments comme leur nature  servent à la propagation et à l'épuration des mœurs {5} ».

 

Le XIXième siècle

 

Pour Saint-Simon, (1760-1825), l’âge d’or est devant nous. Il pense que l’enrichissement capitaliste est le facteur essentiel du progrès social.

 

Le phalanstère de Fourrier (1772-1837) résulte d’une analyse des passions humaines qu’il faut classifier afin de les utiliser comme facteurs sociaux, selon les règles de la « loi d’attraction passionnelle », car seule leur libre expression permet de réaliser le bonheur humain. Il propose de tenter l’expérience avec une communauté de 1620 personnes. Mais Fourier lui-même ne réussit jamais à mettre en ouvre son projet. De nombreux disciples tentèrent l’aventure mais aucune ne réussit vraiment.

 

Proudhon (1809-1865) dénonça l’esprit totalitaire des utopies. Pour lui, il ne s ’agit pas d’imposer aux hommes un nouveau système politique ou de convaincre le peuple en abusant de son désespoir ou de sa naïveté il faut faire advenir la justice sociale par la volonté même des hommes. C’est le fondateur du système mutualiste, du syndicalisme ouvrier et le père de l’anarchisme, dont il expose les idées dans « l’idée générale de la révolution au 19ième siècle. Hostile à toute intervention de l’Etat, il s’oppose aux socialistes français.

Le 19ième a été enfin marqué par le passage du « socialisme utopique » au « socialisme scientifique ». Engels souligne que, « Comparées aux pompeuses promesses des philosophes des lumières, les institutions sociales et politiques établies par « la victoire de la raison » se révélèrent des caricatures amèrement décevantes ».

Il ne s’agit pas de mettre sur pied tel ou tel système utopique, il s’agit ... de transformer le monde... à partir d’une analyse scientifique de la réalité historique qui rend possible d’en accélérer le processus par une révolution et d’en établir la société idéale qui garantirait le bonheur de tous. .../...

 

La cité-jardin

A la fin XIXième, au début XXième, apparaît une autre forme urbaine radicale, la cité idéale imaginée par Ebenezer Howard dans Les cités-jardins de demain 7(1902). C’est un modèle de développement urbain alternatif qui veut apporter une réponse au problème de l’habitat à l’ère industrielle.
La cité-jardin est de taille limitée. La population ne doit pas dépasser trente mille personnes.
Elle regroupe toutes les fonctions administratives et les activités tertiaires au centre, lui même entouré de jardins et d’avenues arborées bordées d’habitations et de commerces. .../...

 

La ville industrielle (1917)

L’approche de l’architecte Tony Garnier des défis urbains portés par l’ère industrielle est plus pragmatique et moins drastique que la solution alternative proposée par Howard. Son dessin de la Ville industrielle (1917) représente une ville moyenne imaginaire d’environ trente-cinq mille habitants ayant parfaitement intégré, sans idées de retour à la nature ni vision futuriste, les contraintes de production industrielle du début du Xxe siècle. C’est une ville moderne dont l’organisation s’appuie sur une séparation des fonctions et de la circulation : les industries sont à proximité des voies de communication : le fleuve, le chemin de fer ; les quartiers d’habitation sont découpés en îlots selon une trame rectangulaire avec une localisation des équipements publics de proximité selon un principe d’unités de voisinage. L’efficacité du modèle architectural industriel et sa logique fonctionnelle sont transposées à l’habitat et aux bâtiments publics construits sans ornementations superflues. Le monumental s’efface pour un espace urbain à dimension humaine (les bâtiments sont bas, les espaces publics arborés) avec une architecture dépouillée jouant sur le rapport entre le végétal et le minéral (le béton est le nouveau matériau efficace par excellence).

 

La ville contemporaine de 3 millions d’habitants (1922)
Charles Edouard Jeanneret dit Le Corbusier imagine en 1922 la Ville contemporaine de trois millions d’habitants, projet révolutionnaire qui sera repris en 1925 dans le Plan Voisin de réaménagement de la ville de Paris, présenté lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs. Pour enrayer l’étalement urbain inéluctable, Le Corbusier propose de resserrer la ville en densifiant son centre par la juxtaposition de dix-huit tours de deux cents mètres de haut. Le Corbusier s’inspire de l’esthétisme fonctionnel des machines, prône une nouvelle architecture rationnelle et mono fonctionnelle. La ville de l’ère industrielle sera une « ville- machine ».
La standardisation se retrouve dans les procédés constructifs basés sur l’ossature grâce à l’emploi systématique du béton armé, et sur la préfabrication. Il recherche alors des formes géométriques simples, et s’appuie sur un système de mesure basé sur les proportions normalisées du corps humain, le Modulor, défini en 1947.
Les unités d’habitation sont des blocs, disposés régulièrement dans un espace vert, logeant chacun mille six cents personnes et disposant de services collectifs intégrés (des unités d’habitation pas très éloignées des phalanstères fouriéristes) ; espacés les uns les autres de cent cinquante mètres, chaque immeuble de bureaux de l’hyper centre accueille dix à cinquante mille employés.

 

La charte d’ATHENES (1943)
Le manifeste de La Charte d’Athènes (1943) définit les quatre fonctions primordiales de la ville contemporaine Habiter, circuler, travailler, se distraire.
Ces fonctions doivent être nettement différenciées, impliquant un zonage urbain. Le plan de la ville-machine est géométrique, avec un hyper centre très dense et une disparition des banlieues. Dans cette « cité radieuse », ensoleillement, espaces verts et espaces de détente sont privilégiés, les voies de circulation sont nettement différenciées ; l’image est celle d’une ville géométrisée et ordonnée qui évoque l’absolutisme des architectes visionnaires du XVIIIe, une ville qui comme celle de Ledoux par exemple veut faire le bonheur des citadins malgré eux, alors que beaucoup n’aspirent qu’à devenir propriétaires d’un pavillon et d’un terrain en banlieue..../...

 

Éléments de débat :

Mais finalement, qui fait la ville ?

Mythe, Utopie, Uchronie, Prospective, ...

De l’idée de système idéal, le mot est passé au sens de « vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité » (milieu 19ième) et à l’emploi courant qui désigne une conception irréalisable, une chimère.

 

Idéologie et utopie : Ce sont, pour le sociologue allemand Karl Mannheim, deux formes fondamentales de l’imaginaire social. On peut considérer comme idéologiques les systèmes de représentation qui s’orientent vers la stabilité et la reproduction de l’ordre établi, par opposition aux représentations utopiques, qui s’orientent vers la rupture de l’ordre établi, et exercent une fonction subversive. (Karl Mannheim, Ideologie und Utopie, 1929).

Pour Paul Ricoeur (L’idéologie et l’utopie, Seuil 1997), la fonction positive de l’utopie est d’explorer le possible, ce que Ruyer appelle « les possibilités latérales du réel ».

Entretien avec Paul Valadier, Philosophe.
Assiste-t-on aujourd’hui à un reflux des utopies politiques, comme si celles-ci s’étaient repliées sur d’autres terrains ? Le politique est-il mort ? On pouvait penser que l’Europe serait une utopie, mais c’est une construction technique qui est mise en œuvre, non pas un projet politique global.

 

Pour ne pas tomber dans le technocratisme, il faut garder à l’europe sa part d’utopie. L’utopie, au sens de point de mire, permet de surmonter les obstacles et aussi de mobiliser la volonté des européens. Il n’y aura d’Europe que si elle fait rêver les européens.

Ce qu’il y a eu de grandiose et de terrible dans le marxisme-léninisme, c’est qu’il exprimait à la fois une perspective utopique (l’idée d’une société sans classes et sans état, où l’individu jouirait de tous les biens qu’il souhaiterait) mais qu’il avait aussi la prétention de s’appuyer sur les lois inéluctables de l’histoire. Selon cette problématique, tous ceux qui ne sont pas d’accord avec les moyens pour aller vers le but visé sont jugés comme condamnables et exclus de la marche de l’histoire.

 

Ceci a porté un coup aux utopies, notamment celles qui croient s’ordonner sur une nécessité historique.

 

Pour un éloge de l’utopie :

1- L’utopie est une nécessité
Ne pas confondre les deux sœurs jumelles de l’imaginaire social (cf Mannheim) :
L’idéologie, qui tend à reproduire l’ordre social
L’utopie, qui peut avoir une fonction subversive vis à vis de l’ordre établi.

Un société sans utopie serait une société sans dessein. La société a besoin de nouveaux possibles, d’être tournée vers l’ailleurs....

2- L’utopie est dangereuse :
La rude école des 19ième et 20ième siècles nous a échaudés...
L’utopie devient dangereuse quand on cherche à la réaliser à n’importe quel prix. Quand on l’associe à une nécessité historique inéluctable, comme l’était la société sans classe ni Etat pour Marx, ou comme aurait pu l’être la société de Fourrier, reposant uniquement sur l’attraction amoureuse !

Mais : le rôle de l’utopie est d’abord symbolique. Ce n’est donc peut-être pas aux hommes politiques de construire les utopies, mais aux groupes sociaux eus-mêmes...

3- Les utopies actuelles :

 

On manque d’utopie globale ; le développement durable peut-il fonctionner comme une utopie globale ?
On trouve aussi des utopies apocalyptiques, comme celles portées par nombre d’écologistes. L’effet de serre est peut-être dans ce cas. Cela peut-il cependant constituer un dessein pour l’humanité ?
On trouve aussi des utopies sectorielles, à base de technologie, et notamment de communication...

 

On note aussi depuis une ou deux décennies une « montée du local », conjointement avec celle du « global ». L’économie sociale fonctionne pour certain comme une utopie.

Reste le « rêve démocratique », qui affirme que toute personne doit pouvoir participer à la construction de la cité. Sachons conserver au moins cette utopie, et l’inscrire comme un dessein mobilisable, même sachant que l’on en connaîtra que des versions imparfaites....

Débat possible à poursuivre, autour de la science-fiction :

 

Alors que les architectes visionnaires, de Ledoux à Le Corbusier, s’attachent à décrire et quelquefois à construire leur ville idéale, la littérature de science-fiction, qui reprend à la fin du XIXe le flambeau du genre utopique, se consacre à l’élaboration de contre-utopies sociales et à la peinture des travers des sociétés parfaites ou voulues comme telles.

 

C’est un autre sujet passionnant, mais que nous n’aborderons pas ce soir ! Une bibliographique peut vous être proposée.

 

Voir aussi les films de science fiction, qui depuis 1926 avec Metropolis de Fritz Lang, alimentent une certaine vision du futur des villes.

 

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